Coup de projecteur sur six propositions du « prix Nobel d’économie » 2014 pour redresser la France.
Comble de l’ironie. À l’heure où l’économie française s’approche de la récession, l’Académie royale des sciences de Suède choisit de remettre le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel à un Français. Peut-être serait-il temps pour le gouvernement de prêter l’oreille à ses recommandations ? Les travaux de Jean Tirole, membre du Conseil d’analyse économique (CAE) depuis 1996, regorgent de propositions de réformes sur des sujets épineux.

À écouter ce chercheur, cofondateur de l’École d’économie de Toulouse (TSE), les salariés devraient tous avoir le même contrat de travail, chaque entreprise disposerait d’un permis de polluer et les oligopoles seraient plus sérieusement contraints à la concurrence. Tour d’horizon.

Contrat de travail unique
Adieu CDD et CDI. Dans leur rapport destiné au CAE publié en 2003¹, le chercheur et son homologue du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Olivier Blanchard, proposent de créer un contrat de travail unique. Il donnerait accès à des droits d’indemnisation chômage modulables selon l’ancienneté et l’expérience des salariés et mettrait fin à la dualité du marché de l’emploi.

Taxation des licenciements
Alors que le financement de l’assurance-chômage fait débat, l’ancien professeur du MIT a imaginé un nouveau mécanisme pour indemniser les chômeurs : une taxe payée par les entreprises à chaque licenciement. En contrepartie, les cotisations sociales seraient allégées et les conditions pour mettre fin au contrat de travail assouplies. Enfin, une agence indépendante de l’État gèrerait ce système d’indemnisation.

Ouverture des oligopoles à la concurrence
C’est une des idées fortes de Jean Tirole : les oligopoles doivent être régulés au même titre que les monopoles. Comment introduire de la concurrence dans des industries de réseaux comme la poste, l’électricité ou encore les chemins de fer ? Le chercheur a utilisé la théorie des jeux - l’adaptation des forces en présence - pour fournir un cadre de régulation à ces secteurs, des travaux toujours d’actualité au regard de la consolidation du marché des télécommunications.

Permis de polluer
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les signataires du protocole de Kyoto ont choisi de recourir aux droits d’émission de pollution négociables, dispositif que soutenait Jean Tirole dans les années 1990. Le prix Nobel 2014 veut faire bouger les lignes en proposant à chaque entreprise un quota avec possibilité de revente.

Union bancaire
Lors de sa conférence de presse du 13 octobre, l’économiste a rappelé l’urgence de construire « une union bancaire européenne indépendante ». Il milite également pour que les mesures de réglementation prudentielle des banques soient prises à l'échelle européenne.

Financement privé des universités
La TSE a-t-elle vocation à être clonée à l’échelle des universités françaises ? Présentée comme un épicentre français, européen et même mondial de la recherche économique, l’école présidée par Jean Tirole depuis sa création en 2007 accueille 150 chercheurs et 50 % d’étudiants étrangers. Mais surtout, son statut de fondation de coopération scientifique lui permet d’être financée par des entreprises privées, une source d’inspiration pour les universités publiques en manque de fonds.

¹Licenciements et Institutions du marché du travail, Jean Tirole et Olivier Blanchard, 2003

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