Après un premier semestre soutenu, les IPO connaissent depuis juillet un fort repli. 
Selon l’Autorité des marchés financiers (AMF), les entreprises ont réussi à lever 4,7 milliards d’euros sur la place parisienne sur les six premiers mois de l’année, soit quatre fois plus que pour tout 2013. Un tel niveau n’avait plus été atteint depuis 2007 et la crise financière. Porté par des opérations supérieures à 500 millions d’euros (Coface, Elior, GTT, Worldline…) et de nombreux deals inférieurs à trente millions (40 % d’entre eux ont été réalisés sur Alternext), le marché semblait alors avoir de beaux jours devant lui.

Spie, symbole du revirement

Dès le mois de juillet, les premiers signes de repli se font pourtant sentir : les start-up du secteur des biotechnologies, jusque-là plébiscitées par les investisseurs, peinent à séduire, et le réseau social professionnel Viadeo n’obtient que 22 millions d’euros, dix millions de moins que prévu. De juillet à septembre 2013, 6,6 milliards d’euros seulement ont été levés par le biais d’introductions en Bourse en Europe (étude PWC). C’est 15,7 milliards d’euros de moins qu’au second semestre, même si cela représente 3,6 milliards de plus comparé au troisième trimestre 2013. Pour finir, entre début septembre et fin octobre, une dizaine d’opérations sont reportées ou tout simplement annulées. Avec l’objectif de lever 1,2 milliard d’euros, l’échec de Spie reste le symbole de ces déconvenues aussi soudaines que brutales.

4,7 MD€
La place de Paris avait réussi à lever ce montant en seulement six mois. Un tel niveau n’avait plus été atteint depuis 2007.

Survenu en quelques mois, ce revirement s’explique principalement par l’effondrement des marchés actions. D’août à octobre, le CAC 40 a perdu près de 10 % et sur les actions européennes, les marchés ont affiché une décollecte d’environ dix milliards d’euros entre début août et fin septembre, soit les mêmes montants que lors des crises de 2009 et 2011. Les investisseurs se sont rabattus sur des produits monétaires ou des obligations : l’aversion au risque est bien de retour.

Mais les entreprises ne sont pas exemptes de tous reproches. En maintenant des fourchettes de prix élevés, elles n’ont pas su s’adapter aux nouvelles conditions de marché. C’est par exemple le cas de Spie qui, même en tablant dans le bas de sa fourchette, à 8,8 fois le bénéfice avant intérêts et impôts, n’a pas réussi à séduire assez d’investisseurs, ceux-ci trouvant le prix encore trop élevé. Et les fonds, avides de réaliser de belles plus-values ont favorisé cette tendance. Ainsi, sur le Vieux Continent, 58 % des montants levés lors d’introductions en Bourse ont impliqué un fonds d’investissement.

Des décotes importantes

Ainsi, même pour les sociétés ayant finalisé leur entrée en Bourse, la question du prix se pose. Avec l’euphorie du premier semestre, certaines entreprises ont obtenu le prix d’introduction le plus élevé et augmenté de manière faussée leur valorisation. La correction ne s’est pas fait attendre : sur les dix-neuf introductions opérées sur Euronext depuis le début de l’année, douze affichaient en septembre une baisse de leur cours par rapport au prix d’offre. Sur Alternext, le constat est encore plus préoccupant puisqu’elles sont six sur huit dans ce cas. Le bilan est identique au niveau européen : selon la société de gestion d’actifs Blackrock, près d’un tiers des IPO cotent toujours au-dessous de leur prix de départ six mois après leur introduction.

Les investisseurs ont aussi leur part de responsabilité : durant cette période d’euphorie, ils ont surinvesti, comme le prouvent les taux de sursouscription constatés lors du premier semestre. Alors que l’offre de Genomic Vision a été souscrite 4,7 fois, son cours s’est effondré de 22 %. Même constat pour Fermentalg avec un rapport de 4,5 fois et une action qui chute de 24 % dans la foulée. Cet engouement excessif se retrouve aussi en Allemagne. Après avoir été sursouscrits dix fois concernant leurs offres, Rocket Internet et Zalando ont perdu respectivement 19 % et 16 % en seulement deux semaines de cotation. Bref, une surexposition ne garantit plus le succès d’une introduction en Bourse.

Elis, symbole du renouveau ?

Si les entreprises veulent de nouveau séduire les investisseurs sur les marchés actions, elles devront donc faire attention à déterminer une fourchette de prix basse afin d’attirer les investisseurs et limiter une sursouscription qui ne serait pas en ligne avec la réalité économique de la société. D’ici la fin de l’année, la volatilité des marchés ne risque pas de s’améliorer par elle-même…

Parallèlement, l’AMF prévoit plusieurs mesures visant à assouplir l’encadrement des IPO qui pourraient soutenir le marché. L’une d’entre elles vise à élargir l’amplitude de la fourchette du prix d’introduction : celle-ci évoluerait autour de +/- 15 % par rapport au prix pivot, contre +/- 10 % aujourd’hui. En attendant, le prochain test sera l’introduction d’Elis puisque Europcar et Labco ont laissé entendre qu’ils patienteraient jusqu’en 2015. Tous les yeux sont donc tournés vers le groupe de blanchisserie industrielle. Mais même en cas de succès, les acteurs savent qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Pour voir une vraie reprise du marché, il faudra patienter jusqu’en 2015 et une éventuelle stabilisation des marchés financiers.

Les trois raisons d’une débâcle :

1- La volatilité des marchés : entre le 10 septembre et le 10 octobre, le CAC 40 a perdu 12 %.

2- De mauvais pricing : sur les dix-neuf introductions faites sur Euronext depuis le début de l’année, douze affichaient début septembre une baisse de leur cours conséquente par rapport à leur prix d’offre.

3- Des investisseurs frileux : les marchés ont affiché, sur les actions européennes, une décollecte d’environ dix milliards d’euros entre début août et fin septembre.

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