Alban Jarry, expert assurance et finance et spécialiste des stratégies numériques, dresse un état des lieux des évolutions, dans le secteur banque et assurance, liées à l’utilisation du big data et à la révolution numérique dans un cadre de réglementation accrue.

Décideurs. Comment les secteurs de la banque et de l’assurance s’approprient-ils la révolution numérique ?

 

Alban Jarry. La banque et l’assurance ont déjà bien entamé leur révolution numérique et la transformation technologique qui l’accompagne. Dans les deux secteurs, commercialiser via internet existe déjà et il suffit de se connecter régulièrement sur le web pour constater les changements radicaux dans la manière de communiquer et de se rapprocher des prospects et des clients. Certaines parties du marché ont déjà connu de grands bouleversements. Par exemple, le courtage en ligne est un acteur non négligeable de l’écosystème assurantiel.

Dans l’assurance, nous observons l’apparition de technologies autour du bien-être, de la santé, de l’accompagnement des clients pour l’assurance auto ou l’assurance habitation... Dans cet univers, de nombreuses start-up sont en train d’émerger et les termes Fintech, InsurTech et HealthTech se popularisent très rapidement. Les grands acteurs adaptent leurs visions et font évoluer leurs stratégies afin de ne pas se faire « uberiser ». Ils cherchent à enrichir leurs compétences et à attirer de nouveaux talents. Le facteur temps est primordial car, dans le numérique, celui qui prend la place de leader peut obtenir une avance considérable et difficilement rattrapable.

Dans le secteur bancaire, 2015 a été marquée par l’annonce de l’arrivée de grands groupes. Orange se lancera bientôt dans la banque mobile et se servira de la plate-forme de Groupama Banque pour accélérer son arrivée. Il est probable qu’ils deviendront rapidement leader de ce segment. Amazon révolutionnera bientôt le crédit aux PME. Dans les pays anglo-saxons, Amazon a développé une méthode non traditionnelle du scoring du risque de crédit pour se lancer dans le secteur. Cet exemple, montre qu’aujourd’hui, d’autres modèles prédictifs sont possibles en banque et en assurance. Dans l’assurance, le bouleversement de l’écosystème pourrait aussi arriver avec une redéfinition des méthodes et l’arrivée des Gafa.

 

Décideurs. Quel est l’impact des nouvelles réglementations sur la redéfinition des modèles d’activité, notamment autour du big data ?

 

A. J. On observe aujourd’hui que toutes les réglementations financières et assurantielles conduisent inexorablement à industrialiser rapidement les métiers. À mon sens, deux éléments accélèrent la transformation. D’une part, la réglementation, car des jalons très stricts doivent être respectés pour être en conformité et envoyer une multitude d’informations qualifiées aux régulateurs. Et, d’autre part, l’innovation qui permet de tirer l’entreprise en repoussant la crainte d’une ubérisation. Le big data est une opportunité car - enfin - toutes les données vont pouvoir être exploitées, qu’elles soient structurées ou non. Ce sont des mines d’or qui vont se dévoiler dans toutes les entreprises. Il faudra pourtant être vigilant car tout ne peut être exploitable, l’éthique sera un paramètre important. L’exploitation des données aura aussi un coût. Les entreprises devront trouver un juste équilibre entre le coût de la technologie et le gain de productivité afin d’augmenter les résultats. Le big data pourrait bouleverser tous les secteurs en provoquant l’apparition de nouveaux concurrents. Le Data Scientist sera bientôt un métier primordial pour assurer le développement et devra être positionné au cœur du réacteur.

 

Décideurs. L’éthique et l’utilisation du big data en assurance sont-ils compatibles ?

 

A. J. Oui je le pense ! Dans le programme de l’Executive MBA qu’est en train de mettre en place l’Ecole Polytechnique d’Assurances (EPA), l’éthique sera un des piliers de la formation tout aussi important que les data science, les techniques assurantielles, la stratégie et le management. Malgré l’informatisation permanente, ce sont toujours des hommes et des femmes qui resteront aux commandes et qui détermineront les usages attendus de ces données. Ce sont eux qui jongleront avec elles pour accéder de plus en plus vite à l’information et qui les présenteront synthétiquement à leurs clients internes et externes. Il ne faut jamais oublier que les consommateurs sont de plus en plus vigilants vis-à-vis du contrôle de la confidentialité de leurs informations. Par exemple, sur Facebook, la visualisation de données personnelles par tout le monde a provoqué un accroissement de la vigilance des utilisateurs. Beaucoup ont limité l’accès à leur profil. L’évolution d’internet le montre, les utilisateurs veulent aussi de plus en plus d’outils à consommation instantanée où il n’y a pas d’historiques. Le droit à l’oubli est devenu un paramètre. L’utilisation du big data devra donc avant tout être acceptée par le client pour que ce soit un succès.

 

Propos recueillis par Pascale d’Avout

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