Face à une croissance atone et une inflation nulle, la Banque centrale s’obstine à mener une politique monétaire expansionniste. Une stratégie risquée.

La semaine dernière, Mario Draghi sortait l’artillerie lourde en annonçant quatre nouvelles mesures. Le président de la Banque centrale européenne (BCE) abaissait son principal taux directeur à 0 %. Quant au taux de dépôts des liquidités placées par les banques auprès de la BCE, il était réduit de 10 points de base pour atteindre - 0,4 %. De plus, le programme de rachat d’actifs était revu à la hausse, passant de 60 milliards à 80 milliards d’euros par mois. Le quantitative easing (QE) est même étendu aux obligations les mieux notées du secteur privé non financier. Pour finir, Mario Draghi lançait un nouveau programme de refinancement des banques à long terme (LTLRO2, Long Term Refinancing Operations). Bref, la BCE semble avoir grillé ses dernières cartouches.

 

La consommation, la grande oubliée

 

Il y a fort à parier que cela ne suffise pas à relancer l’économie européenne. La BCE mène cette stratégie depuis bientôt quatre ans et rien n’a changé. La croissance ne décolle toujours pas et l’inflation est loin des 2 %, objectif affiché par l’institution. Nous reproduisons ainsi les erreurs du Japon qui lutte contre la déflation depuis vingt-cinq ans. En combinant politique monétaire expansionniste et rigueur budgétaire, le Vieux Continent se mord la queue. Les plans d’austérité pèsent sur les ménages, les entreprises et les salaires, entraînant le pouvoir d’achat à la baisse quand la consommation représente 55 % du produit intérieur brut en Europe...

 

La BCE tourne à vide. Les banques ne manquent pas de liquidité pour financer l’économie réelle et vont jusqu'à placer l’argent qu’elles ont en trop auprès de la BCE malgré un taux négatif. Ce qui fait défaut à l’Europe, ce sont des emprunteurs. La crise que nous traversons n’est plus conjoncturelle, elle est structurelle. Les États-Unis ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. En plus d’une politique monétaire agressive, le gouvernement a laissé sa dette publique exploser. Entre 2008 et 2015, elle est passée de 9 000 milliards à 20 000 milliards de dollars.

 

Le risque n’a plus de prix

 

En Europe, les gouvernements ont fait le choix de réduire leurs dépenses publiques. De fait, les seuls gagnants de cette dérive monétaire sont les États, ces derniers pouvant financer leur dette à bas coûts. Absurdité de la loi de l’offre et de la demande, les taux d’intérêt des bunds allemands à huit ans sont désormais négatifs. Et le phénomène n’est pas prêt de s’inverser puisque la BCE continue d’en acheter massivement. Résultat, le prix des obligations des États européens augmentent et leurs taux d’intérêt baissent. Un scénario dangereux car le risque n’a plus de prix.

 

Des économies européennes fragiles réussissent ainsi à se financer sur les marchés obligataires à des taux bas. Autrement dit, la BCE a créé une bulle financière. Comme dans une pyramide de Ponzi, ce schéma fonctionnera tant que l’insitution continuera à injecter massivement de l’argent. Mais que se passera-t-il quand elle sera contraint de couper les robinets ? « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : "jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien". Mais l'important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

 

Vincent Paes

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