Dans la nuit du 9 au 10 juin, l’Assemblée nationale a rendu contraignant le vote des assemblées générales d’actionnaires sur la rémunération des dirigeants d’entreprise.

Les actionnaires ont désormais une nouvelle carte en main. Après la directive européenne sur les droits des actionnaires, adoptée en commission à Bruxelles en mai 2015, le vote du Parlement leur donne le pouvoir de dire non à la rémunération du dirigeant. Fortement influencé par le rejet de 54 % des actionnaires de Renault d'approuver la rémunération de Carlos Ghosn, finalement confirmée par le conseil d’administration du constructeur automobile, ce vote éminemment politique reflète une implication toujours plus forte des actionnaires dans les entreprises.

 

Une rémunération excessive ou déconnectée de la réalité

Dans son bilan annuel des assemblées générales, l’agence de conseil en communication responsable Capitalcom rappelle que si 89,31 % des résolutions « say on pay » au sein du CAC 40 ont été approuvées, un tiers des entreprises ont vu leur score reculer par rapport à 2015. Au cœur des protestations des actionnaires se trouvent deux déterminants : les montants excessifs de la rémunération des dirigeants ainsi que la déconnexion avec les performances réelles de l’entreprise. Carlos Ghosn et sa rémunération de 7,2 millions d’euros – en plus des 9,3 millions touchés au titre de la présidence de Nissan – s’inscrit parfaitement dans cette veine : après une période difficile, marquée par des suppressions d’emplois, l’augmentation du temps de travail des salariés et la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois, la pilule a du mal à passer. Autre contestation retentissante, celle des actionnaires de BP, qui ont voté en avril 2016 contre l’augmentation de la rémunération du CEO. Le pétrolier avait annoncé la suppression de sept mille postes d’ici 2017.

 

Des actionnaires de plus en plus vigilants

En 2016, la moitié des questions posées en assemblée générale ont porté sur les questions de rémunération. Face à des actionnaires de plus en plus vigilants et dotés de nouveaux pouvoirs, les entreprises sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à solliciter l’intervention du président du comité des rémunérations au sein du conseil d’administration pour présenter les résolutions « say on pay ». Mais la rémunération n’est pas le seul cheval de bataille des actionnaires, qui profitent des assemblées générales pour évoquer des enjeux plus larges. Cette année, le réseau écologiste Les Amis de la Terre a ainsi exhorté BNP Paribas de réduire la part de ses investissements dans le charbon, tandis que la coalition PhiTrust est intervenue à l’AG de Total pour obtenir plus d’informations sur la politique d’investissement de la firme dans les sables bitumineux canadiens.

 

Camille Prigent

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