Partenaire particulier des fonds d'investissement, Jacques Ittah souhaite délester les grandes entreprises de leurs actifs les moins stratégiques. Explications de cette solution gagnant-gagnant.

Dealmakers. Depuis notre dernière rencontre, les start-up françaises ont continué à lever des fonds dans différents secteurs. Pensez-vous toujours que leur écosystème soit faible comparé aux environnements étrangers ?

Jacques Ittah. La faiblesse du marché de la start-up en France ne condamne pas nos plus belles pépites. Très peu d’investisseurs français sont capables de leur fournir la centaine de millions d'euros nécessaire au développement en phase avancée. Généralement, ce sont des capitaux étrangers qui viennent la renforcer à ce stade ou, comme c'est arrivé à maintes reprises, un jeune concurrent anglo-saxon, bien plus capitalisé en amont, qui se charge de la racheter.

 

Dealmakers. L'avenir tricolore de nos start-up passe-t-il donc par l'intervention de nos grands groupes ?

J. I. Ce n'est pas si simple. L’investissement de nos grands groupes dans nos start-up d’avenir pose un problème : nos start-up ont-elles comme aux USA vocation à devenir de futurs grands groupes ou sont elles seulement là pour renforcer nos grands groupes ? Il existe deux cas pour un grand groupe agissant en tant qu’investisseur : Soitl'activité de la start-up est core business et est donc à terme une proie naturelle de l'industriel.. Dans ce cas, je ne conseillerai jamais à la petite entreprise d'ouvrir son capital à la grande sous peine de rendre illiquide la fraction cédée. En effet, qui veut (ou peut) acquérir une société innovante dont le capital est partiellement détenu par un concurrent direct de taille significative ? Soit l’activité de la start-up n’est pas core business et la question est sa capacité à se comporter en investisseur. L'objectif de la start-up doit rester de se financer, garder son autonomie, développer de nouvelles technologies et, in fine, de réduire la compétitivité de ses concurrents historiques. J'apprécie les réflexions visant à rapprocher grands et petits corporates pour le bien de ces derniers, mais la réalité est plus froide.

 

Dealmakers. Un de vos objectifs est de « spin-offer » les sociétés non core des grandes entreprises du Cac 40 ?

J. I. Les entreprises du Cac 40 souffrent de leur organisation horizontale. Au lieu de concentrer des actifs dans un business précis, elles ont préféré s'alourdir d'activités diverses et variées, profondément non core. Si l'on prend nos grands groupes, qui possèdent pour certains plus de 2 000 sociétés, on peut penser que certaines d’entre elles pourraient bénéficier d’un actionnaire plus concerné (temps et moyens) par leur succès. Vu autrement, si chaque entreprise du Cac 40 a entre 1 MD€ et 3 MD€ de cessions à réaliser, cela représente un marché compris entre 40 MD€ et 120 MD€. C'est colossal... Les fonds peuvent reprendre ces oubliés de la croissance, développer des partenariats stratégiques, racheter des briques complémentaires à leur core business, et au final, créer de l'emploi et de la valeur. Certains des plus beaux LBO jamais réalisés sont issus de spin-off de grands groupes.

 

Dealmakers. Mais comment reprocher aux grands groupes l'horizontalisation de leurs activités lorsque l'on sait que l'Autorité de la concurrence est un vrai frein à la consolidation d'activités de même nature ?

J. I. Ce n’est pas un reproche, nos grands groupes ne sont pas des sociétés nouvellement créées et ont donc changés plusieurs fois de stratégies, ont récupérés des actifs dans des opérations d’acquisitions, et puis il y a souvent la pression des marchés qui oblige à faire des acquisitions, se diversifier etc, Il y a aujourd’hui plus qu’avant besoin de discipline, de lisibilité dans la stratégie et de groupes plus agiles. C'est un sujet stratégique pour le groupe mais également pour l’État : nos ETI sont souvent au sein des grands groupes et pourraient dans certains cas faire mieux et ainsi créer des emplois et de la valeur.

 

Dealmakers. Concernant la création d'emplois et de valeur justement, nos entreprises peuvent-elles encore se reposer sur le marché britannique malgré sa sortie de l'Union européenne ?

J. I. D'abord, ce qui est incroyable post-Brexit, c'est de voir les anglais baisser l'impôt sur les sociétés afin de conserver les grandes entreprises du pays. En contrepartie, le gouvernement devra, à terme, augmenter ceux des particuliers pour combler le manque à gagner des finances publiques. Au final, la réponse donnée au mécontentement du peuple britannique renforce l'une des causes premières du Brexit : les pleins pouvoirs accordés à La City et aux grands groupes. La question qui va donc se poser est de savoir comment l'Union Européenne va réagir à cette situation de dumping fiscal, cette fois confrontée à un voisin dont l'économie reste forte.

 

Sur le plan de l'activité transactionnelle et parallèlement, sur le dynamisme des entreprises, je pense que le Brexit aura des conséquences. Difficile d'en prédire leur nature, mais la première est sans doute le mauvais signal envoyé par la base du peuple anglais aux étrangers qui sont venus au Royaume-Uni afin d'y apporter de la valeur. Ces derniers risquent de remettre en question leur séjour et cela pourrait impacter le marché du travail et le croissance économique.

 

FS

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