Le directeur des investissements d’AG2R La Mondiale s’étonne de voir certains investisseurs se précipiter sur des titres obligataires dont la rémunération est supérieure de seulement quelques points de base par rapport au taux sans risque. Il s’en explique.

Décideurs. Doit-on craindre l’existence d’une bulle obligataire ?

Jean-Louis Charles. Le prix des obligations est tout simplement phénoménal. Nos portefeuilles sont d’ailleurs en situation de plus-value globale à hauteur de 20 % à 25 %. Nous ne sommes toutefois pas dans l’optique de céder nos titres de dette. Qu’achèterions-nous d’autre à la place ? La liquidité s’est, quant à elle, considérablement réduite. La politique de la BCE a asséché le marché. Cependant, je ne pense pas que l’on puisse parler de bulle. Il pourrait y en avoir une s’il y avait une classe d’actifs dont les prix étaient totalement décorrélés par rapport aux autres ou avec l’environnement de marché. Imaginons que l’on entre dans un scénario où l’inflation et la croissance mondiale soient faibles voire négatives. Si une obligation rapporte un coupon de 5 % sur vingt ans tandis que l’inflation demeure négative, il est normal que cette obligation vaille très cher. Je n’ai donc pas le sentiment qu’il y ait une bulle car les actifs ont une valeur intrinsèque correspondant à la valeur de marché.

 

Cet environnement de marché où les taux sont négatifs n’est donc pas prêt de disparaître ?

Il y a en quelque sorte un déni des taux négatifs. Certains disent même que les taux négatifs seraient contre-nature, comme si la nature elle-même avait créé les taux d’intérêt. Nous pensons que cet environnement va durer encore très longtemps au vu notamment des perspectives autour de la croissance mondiale et de l’inflation. Le monde a financé à crédit une croissance un peu artificielle. Il faut désormais réduire la voilure. Deux chemins sont possibles : celui d’un choc très brutal ou celui, choisi par les banques centrales, qui est d’injecter des liquidités et d’organiser un environnement de taux bas pour préparer cette transition. Le niveau des taux d’intérêt n’est pas aberrant et sera durable. Il ne faut donc pas avoir peur de prendre des positions relativement longues en matière d’investissement obligataire. La tentation pourrait être grande d’anticiper une remontée des taux en prenant des positions plus courtes, mais les investisseurs subiront des conditions de portage défavorables venant grever fortement leurs performances.

Je ne suis pas inquiet pour le marché des actions

 

Qu’en est-il des titres obligataires plus risqués ?

Le risque n’est, à mon sens, plus pricé. Les craintes liées à une éventuelle bulle obligataire sont ici. Je ne peux cacher mon étonnement sur le fait que le risque n’est plus rémunéré. L’appétit des investisseurs me semble disproportionné pour des titres dont la rémunération est supérieure de seulement quelques points de base par rapport au taux sans risque. C’est pour cette raison que nous sommes très sélectifs quant aux nouvelles émissions obligataires corporate.

 

Le marché des actions a-t-il votre préférence ?

Les entreprises européennes sont en bonne santé et ont réussi la restructuration de leurs bilans. Elles se sont également fortement internationalisées. Tant et si bien qu’elles distribuent un taux de dividende situé entre 3 % à 4 %, des chiffres bien supérieurs au taux de rendement des obligations. À long terme, il me semble évident que le cours des actions va monter car les investisseurs seront attirés par le rendement offert par cette classe d’actifs. Je ne suis donc pas inquiet pour le marché des actions bien qu’il puisse y avoir un peu de volatilité. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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