Une partie de l'année 2016 fut placée sous le signe du rebond des pays émergents. Un membre du Comité d’Investissement de Comgest décrypte les grands mouvements qui touchent actuellement ces marchés et nous dévoile ses convictions d’investissement.

Décideurs. De nombreux pays émergents ont nourri leur croissance en ayant recours à l'endettement. Comment évaluez-vous leur situation ?

Wolfgang Fickus. Effectivement, après la crise financière de 2007, la croissance mondiale s'est essoufflée. Un grand nombre d'acteurs économiques, publics et privés, des pays émergents se sont alors endettés pour générer de la croissance en négligeant d'investir dans la productivité et les infrastructures. Or, lorsque les cours des matières premières se sont subitement effondrés, les économies n'ont pas pu résister. Peu après, la baisse continue des taux d’intérêt, qui fut somme toute confortable pour les pays émergents pendant des années, a été remise en cause par les craintes d’un resserrement de la politique monétaire de la Fed, ce qui a conduit à une forte décélération de la croissance voire, comme au Brésil, à des récessions dramatiques. S’est alors enclenchée une période de restructuration et d'ajustement. Mais, malgré leurs efforts, ces pays restent assis sur une montagne de dettes. Le taux d'endettement des entreprises Chinoises en est d'ailleurs la plus parfaite illustration. Le problème est aujourd'hui loin d’être réglé. Dans les années futures, il serait bienvenu que la baisse du rythme de croissance s’accompagne d’une baisse du niveau d'endettement, surtout pour les entreprises publiques Chinoises ainsi qu’une restructuration des surcapacités dans quelques secteurs. Mais pour l'instant, ce processus vient juste de commencer.

Pour qu'il y ait une hausse de long terme, il faudrait un plus grand nombre de facteurs positifs que le simple rebond des devises et des matières de base

 

En 2016, le rebond des marchés émergents a semblé profiter davantage aux valeurs cycliques. Cette dynamique pourrait-elle désormais bénéficier aux valeurs moins « sportives » ?

Cette hausse est, à mon sens, un effet symétrique de la baisse des deux années antérieures. Ce rebond fut notamment soutenu par la remontée du prix des matières de base. Les valeurs du secteur des matières premières ont drivé cette performance. Au cours de cette année les cours de certaines sociétés sidérurgiques ont ainsi plus que doublé. Pour qu'il y ait une hausse de long terme, il faudrait un plus grand nombre de facteurs positifs que le simple rebond des devises et des matières de base. D'un point de vue macroéconomique, certains pays sont en train de se stabiliser. Espérons que cela contribue à la mise en place des fondations d'une croissance assainie, basée sur des réformes structurelles. En Chine, voire en Inde, cette volonté est latente et les choses sont bien enclenchées. Au Brésil, elles se font à marche forcée bien que le nouveau gouvernement semble davantage enclin à engager ces réformes tant attendues.

Nous sélectionnons des valeurs qui devraient profiter de la hausse de la consommation et de l’investissement nécessaire dans l’infrastructure

 

Dans ce contexte particulier, quels sont les thèmes d'investissement porteurs ?

Nous sélectionnons des valeurs qui devraient profiter de la hausse de la consommation et de l’investissement nécessaire dans l’infrastructure. Dans la mesure où les secteurs de la beauté et de l'alimentation nous paraissent aujourd'hui chèrement valorisés, nous privilégions les valeurs technologiques avec, au cœur de notre exposition, celles liées à l'essor d'Internet telles que le moteur de recherche Baidu ou le deuxième éditeur de jeux en ligne chinois, Netease. Outre des valeurs de consommation classiques comme le spiritueux Kweichow Moutai présentant une profitabilité après impôts de près de 50 %, nous sommes investis dans des acteurs de l'assurance-vie. Enfin, nous disposons de valeurs d'infrastructure en Inde et au Brésil, en raison des besoins de ces pays dans ce secteur.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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