Au cours des derniers semestres, les matières premières et plus particulièrement le pétrole ont été au centre des inquiétudes des investisseurs. À tel point que l’évolution des marchés boursiers fut un temps calqué sur celle de l’or noir. Le gérant spécialisé nous aide à mieux comprendre les tendances qui animent ce marché.

Décideurs. Les cours du pétrole ont fortement baissé ces dernières années. On a le sentiment que l’Opep a laissé les prix s’effondrer.

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole, au premier rang desquels on retrouve l’Arabie saoudite, avait pris l’habitude d’ajuster l’offre en fonction de la demande, ce qui lui permettait de maintenir des prix à des niveaux satisfaisant à la fois pour les producteurs mais aussi pour leurs clients. Or, lorsque le pétrole de schiste américain a commencé à produire des volumes significatifs, l’Opep n’a pas souhaité perdre des parts de marché et a préféré ne pas agir. En l’espace de quelques mois, elle est passée d’une stratégie interventionniste à une politique de libre-échange. Résultat, au début de l’année 2016, le prix du baril s’est installé autour de 30/35 dollars. Et, comme vous le savez, ces pays tirent la majorité de leurs revenus de la vente de l’or noir. Les effets de la levée des sanctions contre l’Iran ont aussi pu avoir leur importance sur l’évolution des cours, avec une remontée rapide des exportations iraniennes.

L’Arabie saoudite attend un soutien de la part des pays non membres de l’Opep

 

Lors de la réunion d’Alger, les pays de l’Opep ont posé les bases d’une réduction de la production. Pourquoi ont-ils décidé d’agir aussi tard ?

Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. La première repose sur la transformation de l’économie de l’Arabie saoudite. Celle-ci a, en effet, la volonté d’être moins dépendante à terme vis-à-vis du pétrole. Le fait que certains pays puissent potentiellement augmenter de nouveau leur production (Iran, Nigéria, Libye) a également alerté l’Opep. La question est désormais de savoir comment vont se répartir les efforts. L’Arabie saoudite attend un soutien de la part des pays non membres de l’Opep  notamment la Russie, cela ajoute à la complexité du dossier. En dehors de toutes les dispositions qui seront prises, il est important de souligner que cette intervention a mis un plancher sur le prix du pétrole. Dès lors que les cours descendent en deçà d’un certain niveau, on peut voir que l’Opep réagit. Son interventionnisme va probablement permettre la stabilisation des prix autour de 50 dollars. Un cadre qui crée un environnement favorable pour des investisseurs comme nous.

 

Décideurs. La chute des cours du pétrole a amené les pétroliers à couper leurs investissements. Quelles en sont les conséquences ?

La baisse des investissements provoquera à moyen terme un fléchissement significatif de la production, de nombreux projets ayant été repoussés ou tout simplement annulés. L’environnement actuel favorise davantage les producteurs de pétrole que les sociétés de services pétroliers. Il est évident que c’est aux États-Unis que les dépenses d’investissement repartiront en premier. Il faut donc être focalisé sur cette zone. Nous sommes en conséquence positionnés sur certains bassins de schistes (le Permian notamment) produisant un pétrole de qualité. S’agissant des grandes sociétés, nous suivons de près Total dont le travail de réduction des coûts est en train de porter ses fruits. Shell nous paraît aussi très attractive. Si elle s’est récemment endettée pour réaliser l’acquisition de BG Group, elle n’en conserve pas moins d’intérêt, et un programme significatif (30Md$) de cession d’actifs est à venir.

Dans les économies développées, comme aux États-Unis ou en Europe, les grandes infrastructures datent des années 1970

 

Les politiques de relance budgétaire menées en Chine ou aux États-Unis sont-elles propices à l’investissement dans les infrastructures ?

En Chine, les dépenses d’infrastructures ont permis à l’économie de se stabiliser. Cela a eu des effets positifs sur les prix des matières premières. Pour accélérer cette tendance, les fondamentaux doivent encore s’améliorer. Ce qui se passe en Chine est symptomatique d’une tendance plus globale. Nous assistons à un retour des politiques de relance budgétaire. Dans les économies développées, comme aux États-Unis ou en Europe, les grandes infrastructures datent des années 1970. Ces pays ont donc un besoin de renouvellement assez important. Actuellement, les dépenses dans ce secteur représentent une part assez faible de leur budget. Le secteur de la construction peut, à notre sens, en tirer profit. De même que des matières premières comme l’acier, le zinc ou le cuivre.

 

Les investisseurs peuvent être partagés à l’idée de se positionner sur l’or physique ou des sociétés aurifères. Comment se différencient ces deux solutions ?

Lorsque l’environnement est chahuté, l’or physique joue un rôle de valeur refuge vis-à-vis des cours des autres classes d’actifs. Quand on est dans une période de marché où l’on pense que le cours de l’or va monter, mieux vaut alors être investi sur des sociétés aurifères, la performance pouvant être alors plus élevée, comme c’est le cas cette année.

L’or aime l’inflation

 

Les conditions de marché sont-elles favorables à l’investissement sur les sociétés aurifères ?

L’or aime l’inflation. Il aime également les taux réels bas. Une hausse de taux sans inflation est le pire environnement possible pour l’or. La première hausse des taux de la Fed a pu inquiéter les investisseurs. Mais les récentes déclarations de Janet Yellen leur ont fait comprendre que le cycle de hausse des taux sera très modéré. Surtout, les banques centrales japonaises ou européennes n’ont pas hésité à pratiquer des taux négatifs. Cela a permis de stabiliser le cours de l’or. Une stabilité qui constitue aujourd’hui un très bon catalyseur pour les sociétés aurifères.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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