Le niveau élevé des dépenses publiques françaises est souvent mis en cause dans notre difficulté à respecter l’engagement des 3 % de Maastricht. La comparaison avec l’Allemagne n’est en effet pas à notre avantage. À la France de parfaire sa réflexion afin de répondre efficacement aux défis macroéconomiques auxquels elle fait face.

Selon Eurostat, les dépenses publiques françaises s’élevaient à 56,2 % du PIB en 2016. Le chômage a par ailleurs retrouvé un niveau moins alarmant, à 9,5 %, tandis que la croissance se maintient à 0,5 % pour un troisième trimestre consécutif. Des chiffres en progression qui souffrent toujours de leur comparaison avec nos voisins européens. Point historique : les administrations publiques françaises dépensaient respectivement 6,7 % et 11,3 % de plus que leurs homologues allemandes et anglaises en 2005. Après une douloureuse décennie, la France a augmenté son effort de 3 %. Résultat : l’écart s’est creusé à 12 % avec l’Allemagne et 14 % avec le Royaume-Uni, deux leaders qui ont des niveaux de dépenses publiques inférieurs à la moyenne de l’Union (46 %).

Des périmètres très différents

Si ces dissemblances illustrent la diversité des structures économiques propres à chaque État membre, elles correspondent aussi à des choix politiques et sociaux. Les écarts salariaux français font partie des plus faibles de l’Union européenne avec un ratio de 3,5 entre le premier et le dernier décile. Notre taux de pauvreté (8,2 %) est inférieur à la moyenne de la zone euro (12,1 %), à celui de l’Allemagne (9,5 %) et à celui du Royaume-Uni (10,9 %). Les seniors sont également mieux lotis dans l’Hexagone, les pensions de vieillesse et de survie constituant le plus gros poste du budget de l’État en matière de protection sociale (45,4 %). Enfin, l’assurance maladie est partiellement privatisée en Allemagne. Les dépenses publiques allemandes s’en retrouvent amoindries, mais les habitants déboursent in fine davantage pour leur santé (4 560 € par an contre 3 880 € en France, en moyenne d’après l’OCDE). Difficile alors de peser le pour et le contre. L’enjeu ne doit donc pas poser uniquement sur le chiffrage des dépenses publiques mais sur leur pilotage. Le débat porte en réalité sur le bien-fondé même de notre modèle social.

Pour autant, l’ampleur du déficit oblige aussi à raisonner en chiffres. Aujourd’hui, il s’établit à soixante-sept milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB. Au début de l’été, la Cour des comptes recommandait au nouveau Président de prendre des mesures immédiates et rehausser les chiffres falsifiés du dernier gouvernement. Pour les experts, la France dispose de plusieurs leviers d’action : modernisation des administrations, resserrement des réseaux territoriaux ou encore simplification administrative. Si les potentiels gains de productivité sont immenses et indiscutables, toutes ces démarches nécessitent des investissements d’ampleur. La trajectoire financière de la France semble trop fragile pour garantir le respect durable des engagements du gouvernement en matière budgétaire, à savoir l’économie de soixante milliards d’euros sur le quinquennat et le « retour » à l’équilibre des 3 % de Maastricht d’ici à 2022. Que faire alors ?

Contributions vs impôts

Souvent citée, la flexi-sécurité peut être une alternative crédible. Le Danemark est aussi hyper-taxé que la France, mais les revenus de l’État y sont relativement supérieurs (26 % de PIB, contre 20,9 % en France et en Allemagne). Ils investissent davantage dans l’économie réelle avec 3,7 % de FBCF, contre 3,4 % en France (2,1 % en Allemagne) et n’hésitent pas à sacrifier le gain immédiat au profit du rendement de long terme, comme le démontre leur taux élevé de consommations intermédiaires (9 % contre 5 % en France). Au Danemark, la qualité de vie et la protection sociale sont fortement reconnus. Les habitants consentent à l’impôt et c’est cet état d’esprit qui est primordial car il s’agit bien là d’un fondement essentiel de la démocratie. En France, peu de contribuables saisissent l’intérêt concret de l’impôt. Dès lors qu’une loi sur le budget promulgue des choix douloureux mais essentiels, notre seuil de tolérance est rapidement atteint et chacun a tendance à se rejeter la responsabilité de nos dérives. Au Danemark, on acquitte des contributions. En France, on paie des impôts. Voilà la grande différence, efforçons-nous de la saisir pour bâtir un débat mature.

 

A.R.

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