Alors que la reprise globale se profile, les gouverneurs des banques centrales se sont réunis à Jackson Hole dans le Wyoming comme chaque année depuis 1982. Ils ont profité de cette réunion pour partager leurs points de vue et accorder leurs violons. Objectif : fermer le robinet monétaire sans nuire à la croissance.

Il y a trois ans, Mario Draghi, gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), annonçait lors de ce sommet son intention d’entamer une politique de rachat de bons du Trésor des États-membres pour redynamiser des économies qui pâtissaient du poids de leurs dettes. Un programme ambitieux de 2 300 milliards d’euros qui — bien qu'amorcé tardivement par rapport à la Federal Reserve (Fed) — a plutôt porté ses fruits. Le Fed avait, elle aussi, entamé une politique d’expansion monétaire dès décembre 2008, anticipant la raréfaction du crédit et l’attentisme des investisseurs pendant la crise. Elle a relevé ses taux pour la première fois fin 2015, et continue de les monter progressivement. Cela laisse présager que la BCE devrait garder ses taux au plancher pendant encore un moment malgré l’embellie économique. M. Draghi l’a même volontiers concédé, déclarant qu'un « certain degré d’assouplissement monétaire est encore justifié », non sans briser sa promesse de ne pas discuter politique monétaire. Si les deux gouverneurs avaient choisi de ne pas dévoiler leur feuille de route, cette nouvelle a ravi les marchés. Dernier « grand point d’interrogation » du colloque, pour reprendre les mots de Michelle Meyer, économiste à la Bank of America Merrill Lynch, l’inflation. Malgré le quantiative easing, elle demeure encore trop faible en zone euro et aux États-Unis, où elle est évaluée respectivement à 1,3 % et 1,4 %, par rapport aux objectifs annoncés de 2 % à moyen terme.

Deux enseignements : prudence et coopération

Le plein emploi retrouvé dans un certain nombre de pays comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, il serait néanmoins temps d’atterrir à la BCE. Mais comment stopper les flux monétaires sans compromettre la croissance ? L’euro, au plus haut face au dollar depuis 2015, a presque atteint la barre des 1,2 dollars, contre 1,05 au début de l’année. Ce dernier est sous-évalué au vu des performances économiques du pays avec ses 2 % de croissance et ses moins de 5 % de chômage. Cette faiblesse du change est due à l’incertitude des investisseurs quant à la capacité du président américain à poursuivre cette tendance sur la durée. La défaite relative des populismes sur le Vieux continent au profit d’europhiles convaincus a par ailleurs renforcé l’euro. Pourtant, prudence ne doit pas rimer avec absence de décision. À terme, pour les banquiers centraux, un consensus serait à trouver au sein d’alliances institutionnelles à l’image de l’OCDE et du G20 qui mettent leurs efforts en commun dans la lutte contre l’évasion fiscale. Au vu des rendements d’échelle qu’engendre la coopération, l’utilité du rôle prudentiel joué par les instances de régulation comme le Conseil de stabilité financière ou les comités de Bâle est indéniable pour les politiciens de la monnaie. Leur objectif ultime et avoué est de garantir une ouverture commerciale démocratique où les experts apportent leur analyse et les élus détiennent le pouvoir décisionnel.

Coordination monétaire et budgétaire

L’optimisme retrouvé permet aujourd’hui aux décideurs et analystes du monde entier de déplacer leurs efforts de la stabilisation d’urgence de l’économie en temps de crise à l’amélioration structurelle et durable de nos modèles. À Jackson Hole, on s’est échiné à rappeler qu’en économie mondialisée, l’ouverture est un devoir et la communication un droit auquel il est judicieux de recourir. Répondre au scepticisme ambiant concernant le libre-échange était un autre défi majeur autour duquel les dirigeants étaient attendus. La solution qui ressort est une coordination des politiques monétaires et budgétaires, l’une étant inefficace si l’autre lui est contradictoire. Donald Trump dans le viseur, dont on sait que la dérégulation est une priorité, M. Draghi a fustigé non sans poésie que c’est par la protection — comprendre : la régulation — que les inconvénients du libre-échange seraient limités, rendant ainsi toute mesure protectionniste déplacée, avant de citer l’expérience européenne comme un aperçu concret du concept de fédéralisme dans un monde aux frontières floues. Il a salué l’efficacité du cadre légal commun de l’Union qui, selon lui, a permis de rehausser les standards sociaux en termes de conditions de travail notamment – ou du moins d’en réduire les extrêmes – alors même que de nouveaux pays aux économies moins développées l’intégraient. La présidente de la Fed, Janet Yellen, a quant à elle félicité le pilotage monétaire de son institution pendant toute la durée de la crise et notamment la réussite de la loi Dodd-Frank initiée par Obama en 2010 et qui fêtait ses sept ans en juillet.

A.R.

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