À la tête des activités de private equity d’Amundi, Stanislas Cuny défend un modèle original d’investisseur minoritaire actif dans les PME et ETI. Le dirigeant détaille les ambitions de la structure qui dispose de plus d’un milliard d’euros sous gestion et revient sur le lancement de Supernova en partenariat avec le CEA.

Décideurs. Vous vous définissez comme un investisseur minoritaire actif. Comment cela se traduit-il concrètement ?

Stanislas Cuny. Amundi PEF investit des tickets entre 3 M€ et 30 M€ dans des PME et ETI en croissance. Nous intervenons comme investisseur minoritaire même s'il nous arrive de former un consortium avec d'autres fonds et d'obtenir ainsi une majorité partagée. Dans tous les cas, nous sommes très impliqués dans les conseils d'administration de nos participations en leur apportant notre expertise et des réseaux d'affaires internationaux qui sont ceux de l'un des premiers gérants d’actifs globaux au monde. Cette puissance financière est une réelle force face à beaucoup de nos concurrents qui sont des boutiques spécialisées. Notre activité s'articule autour de deux axes : le capital-développement et la transmission (type LBO), pour lesquelles nous soutenons les entreprises dégageant au moins 10 M€ de chiffre d'affaires, justifiant d'un EBITDA et d'une rentabilité solides. Ce positionnement est assez unique sur le marché, il nous ouvre des horizons très variés incluant des sociétés familiales ou entrepreneuriales dont les dirigeants ne veulent pas perdre leur position de majoritaire, et qui constituent bien souvent des champions cachés.

 

Envisagez-vous de diversifier vos activités dans le capital risque ou le retournement par exemple ?

Nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans le retournement. Ce marché est encore très petit en France. En revanche, par l'intermédiaire de Supernova Invest, créé en partenariat avec le CEA, nous faisons désormais du capital risque. Supernova représente l'alliance de ce qui se fait de mieux en matière d'innovation technologique et d’asset management en Europe. Notre ambition est d'en faire le leader français et européen du financement des start-up de la deep Tech à la fois en capital d’amorçage et en séries A et B et C. Aujourd'hui, Supernova pèse 200 M€ et gère plusieurs véhicules d'investissement. Supernova prévoit d’ailleurs de lever un fonds pour les séries D. 

« Par l'intermédiaire de Supernova Invest, créé en partenariat avec le CEA, nous nous sommes lancés dans le capital risque »

Où en êtes-vous en matière de levée de fonds ? Quels sont vos projets à moyen terme ?

Nous gérons 1,2 Md€ d’engagements. Ce chiffre est d'ailleurs en forte croissance. Notre dernier fonds levé, Amundi ETI Mégatendances, culminait en décembre 2017 à 260 M€ et nous comptons atteindre les 300 M€ cette année. Ce véhicule soutient les entreprises de taille intermédiaire (ETI), tous secteurs d'activité confondus, qui bénéficient d'au moins une des cinq mégatendances identifiées par McKinsey : la démographie, la globalisation, les évolutions sociétales, l'environnement et la technologie. En effet, les entreprises qui enregistrent des taux de croissance de 10 % à 40 % par an dans une économie qui stagne sont directement concernées par l'une de ces mégatendances, car celles-ci s'inscrivent dans la durée et bouleversent profondément l'économie mondiale. Après les ETI, nous avons d'ailleurs prévu de lancer un fonds dédié aux PME impactées par ces mêmes mégatendances.

 

Quelles sont les sociétés prometteuses que vous avez soutenues ces derniers mois ?

Nous avons investi 20 M€ dans HMY, le leader français, espagnol et chinois de l'aménagement de magasins. Cette société a un potentiel de croissance immense alors que la distribution est en pleine évolution, sous le coup d'une digitalisation galopante et d'une globalisation du secteur. Nous sommes également entrés au capital de RCF, une pépite italienne qui dégage déjà 130 M€ de chiffre d'affaires et qui travaille à la sonorisation d'espaces publics. Elle est déjà à l'œuvre dans la basilique Saint-Marc à Venise, à l'aéroport de Dubaï ou au stade de la Juventus de Turin. Pour cette entreprise, les perspectives sont excellentes, dans un contexte de multiplication des projets de construction de salles de concert, pour pallier l'affaiblissement du montant des droits touchés par les artistes qui voient leurs œuvres reproduites sur le Net sans contrepartie. Fondasol, leader hexagonal de l'analyse de sols, ou DL Software, éditeur de logiciels de gestion dans certaines activités de niche, sont également venus compléter notre portefeuille.

« La grande nouveauté de l'année demeure l'ouverture des UC de l'assurance-vie au private equity »

L'activité de private equity d'Amundi fait partie de sa plateforme intégrée Actifs réels & alternatifs. Pourquoi ne pas l'avoir couplée avec l'activité dette privée du groupe ?

Nous travaillons quotidiennement et en étroite collaboration avec les équipes de dette privée, infrastructure, immobilier et fonds de fonds, qui constituent cette plateforme intégrée ! Le fait qu'Amundi PEF ait été créée sous forme de filiale n'est que le fruit de l'histoire.

 

Quelles grandes tendances animent aujourd'hui le private equity ?

Depuis quelques années, la tendance est à la consolidation. Alors que dans les années 2000, des boutiques se partageaient le business, le secteur atteint maintenant une certaine maturité et de grands acteurs ont émergé. De plus, le segment de la dette privée et de l'unitranche se développent aussi beaucoup. Cela nous offre des solutions toujours plus flexibles de financement. Enfin, nous avons relevé la hausse des valorisations, ce qui est une excellente nouvelle pour les sorties, mais une moins bonne pour les prises de participation. Cependant, notre statut de minoritaire actif nous protège de ce phénomène puisque ce sont moins les prix que la valeur ajoutée du fonds et l'intuitu personae avec ses gérants qui importent dans la décision d’un dirigeant d’ouvrir son capital à un investisseur financier. La grande nouveauté de l'année réside dans l'ouverture des UC de l'assurance-vie au private equity. C'est le début d'un bouleversement important de notre métier puisque l'assurance-vie concentre une part importante de l'épargne des Français, qui deviennent ainsi susceptibles d'investir davantage dans l'économie réelle.

Propos recueillis par Sybille Vié

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