Placer son argent dans des entreprises non cotées en Bourse, dans des projets immobiliers ou d’infrastructure et même dans des terres agricoles : les possibilités offertes par les fonds alternatifs sont larges, mais restent plus complexes que l’investissement en actions traditionnel.

Exit les fonds classiques d'investissement en actions ou en obligations. L'heure est à l'alternatif et le marché l'a bien compris. Une multitude d'acteurs se sont lancés sur ce créneau porteur, lui-même éclaté en de multiples niches, du private equity à l'immobilier, en passant par les infrastructures : en bref, les actifs tangibles. Concrets, palpables, ils misent sur deux vertus, la sécurité et le rendement. Les acteurs ayant fait ce pari n'ont même pas besoin de convaincre les investisseurs, qui se détournent naturellement des actions trop volatiles et dont l'intérêt pour l'économie dite réelle n'a fait que croître depuis la crise financière de 2008.

« L'intérêt pour l'économie dite réelle n'a fait que croître depuis la crise financière de 2008 »

Le private equity, la star montante du tangible

Le capital-investissement est incontestablement la star du grand public. Les sociétés d'investissement dans les startups et PME non cotées en Bourse ont collecté 16,5 milliards d'euros en 2017, soit le double d'il y a cinq ans, selon France Invest. Prenant généralement la forme de FCPR (fonds communs de placement à risques), FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation) ou FIP (fonds d'investissement de proximité), tous des types de fonds alternatifs, les fonds de capital-investissement permettent d'investir, en partie, dans un portefeuille d'entreprises non cotées. Les FCPR sont investis en titres non cotés en Bourse à hauteur de 50 % au minimum. Pour les FCPI, le seuil est de 60 %, en plus de ne concerner que des entreprises innovantes. Enfin, les FIP sont investis dans des PME régionales à hauteur de 60 % au minimum. Quel que soit le véhicule choisi, l'investissement sera forcément de long terme : il est en pratique impossible de racheter ses parts pendant la durée de vie du fonds, qui peut aller jusqu'à dix ans. Des avantages fiscaux viennent compenser cette illiquidité, les versements ouvrant droit à une réduction d'impôt de 18 %, dans la limite de 12 000 euros pour les célibataires et de 24 000 euros pour les couples. Une fois le produit connu, reste encore à savoir dans quoi investir. Et pour choisir un fonds, il est difficile de savoir à l'avance quelles entreprises seront sélectionnées par le gérant, qui attend la clôture de la collecte pour investir. L’investisseur peut en revanche vérifier les orientations du gérant et ses secteurs de prédilection. Sven Smeets, codirecteur marchés privés de Kempen Capital Management, société de gestion d'actifs néerlandaise ayant ouvert un bureau à Paris fin 2017, explique ainsi son positionnement : « Nous avons choisi de nous concentrer sur le marché européen du small et lower mid-cap. Nous aimons les champions régionaux et les entreprises familiales ayant le potentiel de se développer et de s'internationaliser. Sur le capital-risque, nous nous concentrons sur deux secteurs : les sciences de la vie et la santé, ainsi que la tech. » Chaque fonds a ainsi sa propre stratégie, que celle-ci soit fonction du secteur d’activité, de la taille des entreprises investies ou du stade de l’investissement – amorçage, développement ou entreprise de croissance.

« En 2017, les 119 fonds d’infrastructures français ont levé 6,8 milliards d’euros »

Les infrastructures, un marché en pleine croissance

Moins bien connu du grand public que le capital-investissement, le marché de l’infrastructure est en plein boom. Ardian, Infravia, Atlante Gestion, Mirova… Les fonds d’investissement sont nombreux à avoir misé sur cette niche très appréciée des investisseurs institutionnels – compagnies d’assurance, fonds de pension et caisses de retraite, principalement. Et ils investissent généralement de deux façons distinctes : dans des projets qui peuvent être la construction d’autoroutes, d’aéroports, d’hôpitaux, d’universités ou encore de parcs éoliens, ou dans des sociétés qui ont une activité infrastructures. « Nous recherchons une prévisibilité des cash-flows sur le long terme », analyse Stéphane Grandguillaume, gérant de l’activité infrastructure de 3i, fonds d'investissement actif notamment dans le financement des infrastructures. Parmi les entreprises récemment investies par le fonds, on retrouve par exemple TCR, une entreprise de leasing d’équipement aéroportuaire, ou Valorem, développeur d’équipements éoliens et solaires. « Il y a trois ou quatre ans, le marché du core infrastructure, c’est-à-dire tout ce qui concerne les secteurs régulés bénéficiant de contrats très long terme, a été conquis en direct par les investisseurs institutionnels, poursuit Stéphane Grandguillaume. Cela nous a poussés à nous renouveler et à aller chercher de nouveaux marchés plus complexes à appréhender. » En 2017, les 119 fonds d’infrastructures français ont ainsi levé 6,8 milliards d’euros, selon les chiffres de l’Association française de la gestion financière (AFG). Dans les faits, de nombreux épargnants investissent déjà dans l’infrastructure via leurs contrats d’assurance-vie, dont les fonds en euros sont investis en moyenne à 2,4 % sur les placements de diversification, selon le site prescripteur de contrats Good Value for Money. Le crowdfunding est lui aussi au rendez-vous avec des plates-formes comme Lendosphere, spécialisée dans les infrastructures éoliennes. Mais si certains fonds comme 3i sont cotés et donc accessibles à tous, la plupart sont surtout destinés aux investisseurs institutionnels. Dans ce cas, seuls les family offices pouvant investir des tickets importants seront susceptibles de se mettre autour de la table.

L’immobilier, éternelle valeur sûre

Le marché des fonds alternatifs pour les particuliers a longtemps été trusté par l’immobilier, apprécié par nature des épargnants et dont les véhicules d’investissement sont faciles d’accès. En 2017, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont collecté un total de 6 milliards d’euros – un « nouveau record » pour les analystes de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), qui publie ces chiffres. Les organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), essentiellement distribués par le biais des contrats d’assurance-vie, n’étaient pas en reste avec une collecte nette de 4,2 milliards d’euros. Les clés de la popularité des fonds immobiliers sont simples : il s’agit de produits proposés par les banques de détail à leurs clients particuliers, même hors gestion privée. Bien qu’il n’en soit pas encore de même pour les infrastructures ou le private equity, il est indéniable que l’offre continue de s’élargir pour les particuliers investisseurs, portée par des taux obligataires réduits comme peau de chagrin et des actions dont la volatilité et la cherté effraient. Une stratégie de diversification saine qui doit toutefois être mûrement réfléchie. Car si la liquidité de ces marchés est de plus en plus forte, l’illiquidité reste souvent le prix à payer pour ces actifs offrant à la fois sécurité et rendement.

Camille Prigent

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024