Pour Jean-Luc Petithuguenin, à la tête de Paprec depuis 25 ans, concilier quête du profit et prise en compte de l’intérêt général n’a rien d’utopiste. La preuve : l’entreprise, qui prône une « planète plus verte et une société plus fraternelle », recycle 11 millions de tonnes de déchets par an et génère un chiffre d’affaires avoisinant les 2 milliards d’euros.

Décideurs. Vous affirmez agir pour le bien commun avec Paprec. Pouvez-vous nous expliquer en quoi, concrètement ?

Jean-Luc Petithuguenin. En proposant à chacun de recycler ses déchets plutôt que de les enfouir, nous ne cherchons pas uniquement à gagner notre vie. Nous voulons œuvrer pour une planète plus verte et une société plus fraternelle. Certaines de nos actions ont un impact direct dans la vie des gens. Notre filière en Inde s’occupe par exemple des déchets rejetés en pleine nature afin de gérer correctement leur transformation. On change alors véritablement la vie des riverains qui, auparavant, s’intoxiquaient quotidiennement. Il y a là une dimension bien plus importante que la simple quête du profit.

Cela reste néanmoins l’objectif de toute entreprise…

Pour moi, le profit est l’oxygène d’une société. Sans lui, on ne peut pas se développer, mais ce n’est pas une fin, plutôt un moyen. La finalité pour une entreprise, c’est avant tout sa pérennité.

Une philosophie que vous partagez avec vos salariés ?

Bien sûr. Ils connaissent nos idées et ont envie de travailler pour une entreprise qui a du sens.

« Au départ, beaucoup pensaient qu’il était utopiste de vouloir faire de bonnes affaires avec des bons sentiments »

Quel regard les autres chefs d’entreprise portent-ils sur votre projet ?

Au départ, la plupart d’entre eux pensaient qu’il était utopiste de vouloir faire de bonnes affaires avec des bons sentiments. Le succès de mon groupe – dont le chiffre d’affaires s’élève à 2 milliards d’euros –, prouve que c’est possible. Ceux qui doutaient du projet sont aujourd’hui impressionnés et réalisent que donner du sens à son entreprise est une façon d’être performant. C’est ce que j’avais envie de démontrer.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs qui peinent aujourd’hui à trouver cet équilibre entre quête de profit et prise en compte de l’intérêt général ?

La clé, à mon sens, c’est le temps. Il faut se demander si l’on veut investir pour les trois prochaines années afin de revendre son entreprise, ou si l’on investit sur trente ans pour la transmettre. Plus la démarche s’inscrit sur le temps long, plus elle tend à prendre en compte l’intérêt général. Les entrepreneurs les plus avides, on les rencontre généralement dans des schémas où l’argent tourne vite. Ceux qui veulent créer quelque chose de durable s’interrogent forcément: comment éviter de polluer? Comment rassurer le consommateur? En voulant « faire du fric » dans un délai trop court, impossible de prendre en compte certaines dimensions comme le bonheur des salariés et des fournisseurs ou encore la pollution de la planète. Le capitalisme amoral est, selon moi, limité dans le temps.

L’État doit-il prendre certaines mesures pour encourager, voire contraindre les entreprises à adopter des pratiques plus éthiques ?

Agir pour le bien commun est un choix. Cela ne peut pas devenir une contrainte. Je crois en revanche que, au titre du patrimoine commun, l’État doit prendre des mesures pour protéger l’ensemble des citoyens. Il peut, à ce titre, demander par exemple aux entreprises de moins polluer. Je crois toutefois que la plus belle récompense pour un chef d’entreprise ne s’inscrit pas sur le plan financier, mais se place plutôt sur le terrain de l’honorabilité. J’ai, en ce qui me concerne, été très heureux de recevoir la légion d’honneur pour mon programme de lutte contre les discriminations dans mon entreprise. Une récompense que je n’échangerais pas pour tout l’or du monde.

Propos recueillis par Capucine Coquand 

@CapucineCoquand

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