Brice Anger, directeur général France et Benelux chez M&G et Edouard Petitdidier, associé fondateur d’Allure Finance évoquent l’actualité de l’allocation de la trésorerie excédentaire en France notamment à la suite des nouvelles réglementations fiscales.

DÉCIDEURS. Comment peut-on envisager une allocation du capital, gérer des actifs dans un univers de taux bas vis-à-vis de la trésorerie excédentaire d’une entreprise aujourd’hui ?

Brice Anger. Aujourd’hui, une trésorerie d’entreprise, par définition, doit être placée avec une vision à courtterme et si possible dans une logique de rendements faibles compte tenu des taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas. Pour générer des rendements positifs, et non négatifs comme c’est le cas aujourd’hui sur le monétaire, il faut se donner les moyens de placer sa trésorerie sur des produits destinés à offrir une volatilité très faible et une gestion active d’un risque extrêmement maîtrisé. Bien entendu, il convient de savoir apprécier et analyser cette notion de risque. Auparavant, nous allions voir notre banquier pour un dépôt à terme et c’était réglé. Dorénavant, si nous voulons plus rendement, nous entrons dans un univers qui devient très sophistiqué qui fait le plus souvent appel à l’usage de produits dérivés parfois complexes à appréhender. À court terme je trouve qu’il est très difficile de garantir un rendement positif car nous ne sommes jamais à l’abri d‘une secousse sur les marchés. Il faut donc raisonner avec un horizon d’investissement un peu plus long réduit autour d’une année pour éviter toute déception et donner une chance à la gestion de délivrer de bons résultats.

Édouard Petitdidier. Pour ma part, je dirais que le trésorier, qui dispose d’une confortable trésorerie, doit identifier ses besoins à court-terme et ses besoins moyen/long-terme. Sur ses besoins à court-terme, il ne va chercher quasiment aucun risque. Il va donc travailler avec nous sur ses excédents moyen long terme. Il va avoir à sa disposition deux enveloppes principales : contrat de capitalisation et compte titre. Une fois son choix fait, nous allons identifier un type de risque qu’il est prêt à prendre en fonction du temps qu’il a. En effet, s’il n’a pas trois à cinq ans devant lui sur cette excédent moyen-long terme, il convient de rester à un niveau de risque zéro. C’est là où nous, conseil en allocation, allons avoir besoin de gérants expérimentés comme M&G pour la sélection essentiellement de fonds dits patrimoniaux (qui optimise la répartition actionobligation) et de fonds alternatifs ou la notion de benchmark n’existe pas. Chez Allure Finance, nous allons donc construire des portefeuilles en sélectionnant les meilleurs gérants en fonction du temps dont le trésorier dispose et du risque qu’il est prêt à prendre.

Quelles incentives sont amenées par les évolutions réglementaires d’un point de vue fiscal ?

B. A. Beaucoup, de choses ont changé avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir et la nouvelle flat tax de 30% sur la distribution de dividendes ou de plus-values. Avant, la trésorerie s’apparentait à une prison dorée, on ne plaçait pas le cash à cause des rendements négatifs et du poids de la fiscalité. Aujourd’hui, la gestion de trésorerie devient plus attractive, plus dynamique et plus tournée vers l’économie réelle. On pourra dans certain cas la retrouver dans un contrat d’assurance-vie ou un contrat de capitalisation au travers de fonds dédiés peu risqués.

E. P. La nouvelle loi Pacte va aussi entrainer des modifications de comportement vis à vis des salariés. Avant l’intéressement, pour un coût de l’entreprise de 100, le salarié récupérait à peu près 72 (alors que pour le salaire le salarié récupère plutôt 36). Il y avait donc déjà pour le chef d’entreprise un intérêt à donner de l’intéressement. Aujourd’hui, pour les entreprises de moins de 250 personnes nous allons passer à 100 à 92 versus toujours 36. Cela va entrainer une modification de la rémunération des salariés, une explosion de la mise en place de plans d’épargne entreprise (PEE) qui fait que, progressivement, de plus en plus de bonus vont être payés en intéressement, mis essentiellement dans des PEE qui seront ensuite investis dans des fonds performants.

Qu’est-ce que vous en dites côté fonds ?

B. A. L’évolution récente de la fiscalité nous amène à travailler avec une clientèle et des objectifs de gestion de plus en plus variés. Nous travaillons ainsi de plus en plus avec des personnes morales au travers d’entreprises en direct ou des holdings familiaux que nous pouvons retrouver dans l’assurance vie ou au travers de plans d’épargne salariale. Cette évolution fait appel à des produits ou des solutions d’investissement extrêmement variés en termes de profils de risques
et d’horizon de placements. Pour une grande maison comme M&G qui a les moyens de répondre à de nombreux profils de risques, il nous incombe d’être très spécialisés dans l’articulation de l’usage des produits que nous mettons sur le marché. Chez M&G, nous avons la chance d’avoir une gamme minutieusement calibrée par niveau du risque avec la création récente de produits destinés à des clients très averses au risque.

E. P. Avec la réglementation qui s’accroit la plupart des banques ont tendance à davantage utiliser leurs fonds maisons et donc à limiter fortement l’architecture ouverte. Ainsi, grâce à nos sociétés de gestion partenaires nous travaillons avec des gérants assez exceptionnels qui vont nous permettre de mettre en place nos allocations qui seront à mon avis comparativement encore plus robustes, performantes et diversifiées.

Comment une maison comme M&G s’adapte au marché et à la fiscalité ?

B. A. Nous avons lancé récemment des produits peu risqués dits d’absolute return destinés à des clients qui souhaitent investir en prenant un niveau de risque extrêmement faible.

Quel va être le rôle des CGPI dans cette démarche ?

E. P. Notre métier consiste à fournir du conseil, qui induit une expertise des marchés et une connaissance fine de nos partenaires. Tout cela nous aide à faire une bonne allocation au service de nos clients. Que l’on travaille sur un PEE, sur une assurance vie, pour un PEA, pour une trésorerie d’entreprise excédentaire ou patrimoniale, au final, c’est toujours un excédent que l’on va gérer en fonction de ce que veut notre client, aussi bien une personne physique qu’une personne morale.

B. A. Pour les CGP les plus sophistiqués à l’image d’Allure Finance, je pense qu’ils vont passer de plus en plus de temps à préconiser du conseil pour des personnes morales du type entreprises ou holdings familiales. L’épargne salariale ou la trésorerie d’entreprises devraient ainsi prendre une place très importante chez les CGP comme c’est le cas depuis longtemps dans les pays anglo-saxons.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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