Palmyre, Alep ou Mossoul… Préserver le patrimoine architectural et culturel en danger est la mission que s’est donnée Iconem. Créée en 2014 par Yves Ubelmann et Philippe Barthélémy, la start-up, en pleine phase d’accélération et de monétisation, vise un second tour de table.

Décideurs : Comment vous est venue l'idée de fonder Iconem ?

Yves Ubelmann : Il y a huit ans, je travaillais comme architecte en Afghanistan, où j’ai vu des sites disparaître très rapidement. J’ai proposé à l’État afghan d’en faire une copie numérique : entre 2010 et 2015, nous en avons scannés une trentaine. Les conflits en Syrie et en Irak ont ensuite éclaté. Devant l’urgence de la situation, nous avons décidé d’agir, d’abord de manière bénévole et collaborative avec des archéologues sur place, puis en nous rendant sur le terrain. À Palmyre par exemple, nous sommes arrivés trop tard, à savoir après le passage de l’EI. Mais c’est ce qui a démontré que notre technologie constitue aussi un outil au service de l’histoire contemporaine, qui documente la destruction et permet d’imaginer les possibilités de reconstruction.

Quels sont les principes de cette copie numérique ?

Les drones prennent des milliers d’images, parfois sur des kilomètres carrés. Nous utilisons aussi des appareils photos pour saisir l’intérieur des sites. Un algorithme que nous avons développé transforme ensuite l’image 2D en modèle 3D, reconstituant la forme et la texture et créant une copie digitale très précise des bâtiments. Le résultat est un consultable en ligne sur une plateforme en libre accès. Nos reconstitutions se veulent le pont entre des lieux qui sont parfois difficilement accessibles et la communauté scientifique ou un public plus large.

En 2014, Parrot Drones, investit 1,4 million d’euros dans Iconem.

Henri Seydoux, le PDG de Parrot, voulait construire un pôle autour des drones pour démontrer leur potentiel d’utilisation. Son investissement nous a permis d’embaucher une quinzaine de personnes, de construire notre plateforme en ligne, de réaliser des missions d’urgence et de développer commercialement l’entreprise.

Avez-vous des liens avec d’autres groupes de la tech ?

Nous avons un partenariat depuis 2014 avec Microsoft dans le cadre de leur programme BizSpark Plus. L’entreprise nous a facilité l’accès à ses outils et à son cloud Azure et elle met en avant notre image et notre mission – préserver le patrimoine mondial – pour faire la promotion de l’intelligence artificielle et de leurs technologies. La numérisation du Mont-Saint-Michel a lui permis de faire la démonstration des possibilités de son casque de réalité augmentée HoloLens lors d’une exposition organisée à Paris. Pour résumer, notre parti pris de départ, celui de ne pas recourir à notre technologie de drones pour la photogrammétrie à des fins par exemple industrielles, s’est avéré payant. En restant dans le domaine culturel, nous nous valorisons auprès des entreprises avec lesquelles nous collaborons et d’éventuels investisseurs.

Comment voyez-vous l’avenir d’Iconem ? Quelles sont les collaborations et les monétisations que vous mettez en place ?

Nous sommes les seuls à avoir numérisé plus de 150 sites dans 25 pays, la plupart d’entre eux étant en guerre donc difficilement accessibles. Outre son usage scientifique, ce catalogue présente un intérêt pour le monde culturel. Avec le Grand Palais et le Louvre, nous avons par exemple organisé l’exposition Sites éternels. Ces collaborations représentent 50 % de notre chiffre d’affaires contre 10 % en 2017.

"Nous avons un partenariat avec Microsoft depuis 2014"

Nous misons sur la production de vidéos aussi bien pour les musées que pour le secteur événementiel ou – et c’est nouveau pour nous – pour les sociétés de production. Une source de revenus en pleine croissance. Nous avons d’ailleurs développé un « cameraman virtuel » qui peut créer des vidéos à la demande, avec des effets de caméra innovants.

Votre précédent tour de table date d’il y a quatre ans. Prévoyez-vous une nouvelle levée de fonds ?

Financièrement, nous sommes à l’équilibre depuis 2018. Notre business model, qui a déjà fait ses preuves, devrait nous permettre d’être profitable rapidement. Mais il nous faut enrichir notre catalogue numérique et généraliser notre approche auprès des musées et des sociétés de production. Nous sommes au tout début de notre aventure si bien que nous cherchons à réaliser une seconde levée de fonds, plus importante que la première. Nous sommes en discussion bien avancée avec plusieurs investisseurs publics et privés.

Cécile Chevré

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