Pépite de la French Tech, Meero poursuit son ascension après une levée de fonds de 230 millions de dollars en juin. Comment un site dédié à la photographie, un art disrupté par les smartphones, connaît-il une aussi belle progression ?

Pour Meero, tout est une question de couleur. Son rendu, son intensité, son homogénéité sur des séries de clichés dépassant les dizaines de milliers d’unités pour chaque compte client. Thomas Rebaud, la tête de proue de la société, prend cette question très au sérieux. « Nous garantissons un résultat impeccable à nos commanditaires. Les sorties images sont uniformisées pour que ces derniers reçoivent des visuels correspondant à la même charte graphique. Obtenir le même blanc et pas cinquante nuances sans détruire les couleurs autour, c’est un sujet très technique. » Ces paroles, qui tiennent plus d’un directeur de post-production que d’un wonder boy de l’économie, feraient presque oublier l’essentiel : sa levée de fonds, 230 millions de dollars rendue publique le 19 juin, propulsant de facto l’entreprise dans la voie lactée de notre data economy.

Le succès étant au rendez-vous, la licorne de la French Tech affiche plus que jamais de puissantes ambitions internationales avec une présence dans cent pays et dans des villes têtes de gondole pour tour operator comme Tokyo, New York, Bangalore, Singapour, bientôt Sao Paulo ou Los Angeles.  

La course au e-marketing

Le business model de Meero, un marché biface jouant efficacement des effets de réseaux, met en relation des corporates et des photographes professionnels pour des campagnes d’images sur mesure. La société est jeune, à peine trois ans d’existence, mais a su se positionner sur une opportunité économique sans pareille : la visibilité que les marques se doivent d’afficher pour être distinctives sur le Web et les réseaux sociaux. À un moment où le SEO est décisif pour être bien « ranké » par Google, les visuels très qualitatifs, des contenus riches par excellence, font la différence dans la course au e-marketing et aux profits. Mais comment jouer des coudes avec les grosses banques d’images mondiales, les cadors Shutterstock et autre Adobe Stock ?

Pour être une alternative, « Meero a ciblé des verticales – d’abord la photographie immobilière puis, la food depuis un an et demi, récemment le mariage et l’art, qui nous permettent une industrialisation du content, explique Thomas Rebaud. Nous avons mis en place une méthodologie pour photographier par exemple un plat dans un restaurant puis, mettre ce cliché en production pour des corporates comme Deliveroo qui se nourrit de quantités phénoménales d’images. Nous sommes plus spécifiques qu’une banque d’image, nous photographions toujours des lieux particuliers. » Incarné et capable de dégager de gros volumes : la bonne équation.

Cash machine

Pour l’heure, Meero perd de l’argent. Sa levée de fonds en série C est un processus classique d’injection de capitaux dans une entreprise performante. « Nous avons uniquement démarché des fonds late stage, dégageant 50 millions de dollars à chaque tour et spécialisés dans le software et la marketplace, indique Thomas Rebaud. Pour l’essentiel, ces fonds sont implantés hors de France, à San Francisco, New York, Berlin... Nous sommes intéressés par leurs liquidités disponibles. La possibilité qu’ont ces fonds de dégager 100 ou 200 millions de dollars dans les deux ans à venir. »

Meero a d’importants besoins de financement. Thomas Rebaud précise : « Quand nous photographions en Malaisie, nous faisons un reportage malaisien avec les coûts de Paris. Nous perdons de l’argent. Il faut le temps, les liquidités nécessaires pour créer des structures locales. » La puissance de la plateforme tient aussi dans sa capacité à lier une communauté massive de 54 000 photographes, un avantage concurrentiel. « Le software est gratuit pour les photographes, mais nécessite des investissements massifs pour agréger cette communauté », lâche le PDG. La rançon du succès.

Nicolas Bauche

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