Engagé en faveur d’une action environnementale et sociétale plus marquée, BlackRock, premier gestionnaire d’actif mondial, aurait cependant perdu près de 90 milliards de dollars en investissant toujours massivement dans les énergies fossiles.

« Toute entreprise doit non seulement produire des résultats financiers, mais également montrer comment elle apporte une contribution positive à la société. Les entreprises doivent bénéficier à l’ensemble de leurs parties prenantes, dont les actionnaires, les salariés, les clients et les communautés dans lesquelles elles opèrent. » Qui l’affirme ? Nicolas Hulot ? Greta Thunberg ? Au risque de surprendre, cette déclaration est signée Larry Fink, l’emblématique PDG de BlackRock. Dans une lettre adressée à tous les patrons dont le gestionnaire d’actifs est actionnaire, il exhorte ces derniers à une prise de conscience sociale et environnementale généralisée. BlackRock, premier gestionnaire d’actifs au niveau mondial, gère près de 6 500 milliards dollars d’actifs, soit environ trois fois le PIB de la France, et est présent au capital de 40 % des entreprises américaines et chez 18 des firmes du CAC40.

Des paroles mais peu d’actes

Pourtant, le prêche ne semble pas suivi d’effets : selon une étude de l’institut américain IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis), BlackRock aurait subi un manque à gagner de près de 90 milliards de dollars sur les dix dernières années du fait de ses investissements dans les énergies fossiles. 75 % de ces pertes sont attribuables à quatre entreprises pétrolières ayant sous-performé par rapport au marché : Exxon, Chevron, Shell et BP. De plus, BlackRock ne possède qu’un faible contrôle sur près de 4 300 milliards de dollars d’actifs placés sur des fonds indiciels, c’est-à-dire une gestion passive basée sur l’évolution d’un indice boursier très souvent lié au pétrole. L’IEEFA dénonce par ailleurs un conflit d’intérêts, six des dix-huit membres de son conseil de direction étant liés à des entreprises des énergies fossiles, comme Halliburton, GE ou BP. Certes, BlackRock a investi 52 milliards de dollars dans des fonds à orientation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), mais cette somme ne représente que 0,8 % de son portefeuille total. Une dépense qui ressemble à du green washing. Selon des données de l’ONG Ceres, BlackRock n’aurait soutenu, en 2018, que 10 % des résolutions liées au climat soumises au vote en assemblée générale.

D’autres gérants d’actifs s’engagent

Communication ou début de prise de conscience ? Difficile de se prononcer. Soulignons toutefois que la volonté de BlackRock de verdir ses actifs semble avoir fait des émules auprès d’autres grands asset managers. Les français Amundi AM, BNP Paribas AM, Natixis IM, ainsi que Goldman Sachs AM, HSBC Global Asset Management, Northern Trust AM et State Street Global Advisors réunis le 10 juillet dernier à l’Élysée, ont formé une coalition baptisée One Planet Asset Managers Initiative. Celle-ci se positionne comme le pendant asset manager de la One Planet Sovereign Wealth Fund, créée l’an passé et dédiée aux fonds souverains. Elle fixe un cadre, censé accélérer le financement de la transition écologique, qui repose sur trois principes : intégrer les considérations climatiques dans les prises de décision, encourager les entreprises à prendre en compte le risque climatique au plus haut niveau et considérer les risques et opportunités du changement climatique dans les portefeuilles. Les huit gérants d’actifs, qui représentent à eux seuls 15 000 milliards de dollars, prévoient désormais de développer le cadre fixé par les fonds souverains et devraient émettre des propositions en ce sens lors du sommet pour le climat des Nations unies, le 23 septembre.

Boris Beltran

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