Élu à la tête de l’Institut des avocats conseils fiscaux (IACF) en 2017, Marc Bornhauser dresse un premier bilan de son action. Il revient sur les dernières actualités entre suppression du verrou de Bercy, pénalisation du droit fiscal et transposition de la directive DAC 6.

Décideurs. Quelles grandes missions avez-vous menées à bien depuis le début de votre mandat ?

Marc Bornhauser. Tout d’abord, j’ai mis mes pas dans ceux de mes prédécesseurs en approfondissant le travail de doctrine menée au sein de l’institut. J’ai ainsi créé deux nouvelles commissions en matière immobilière et douanière. Le travail de lobbying auprès des acteurs de la norme fiscale a également été poursuivi et notre institut a été auditionné à plusieurs reprises par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat.

Ensuite, je m’étais fixé comme objectif de resserrer nos liens avec l’organe représentatif de notre profession, le Conseil national des barreaux (CNB), parce que les avocats fiscalistes sont d’abord des avocats, soumis à la même stricte déontologie que les autres. Mission accomplie : le CNB a pris l’habitude de nous consulter dès qu’un sujet est susceptible de nous concerner. Par ailleurs, la question de nos locaux trop exigus est en cours d’examen et pourrait nous conduire à déménager, de manière à pouvoir accueillir toutes les réunions de nos commissions. Enfin, j’ai réformé la gouvernance de l’institut en réactivant le bureau.

Comment la pénalisation du droit fiscal est-elle vécue par les avocats membres de l’institut ?

Comme toujours, le changement entraîne des résistances mais quelle que soit notre opinion sur le mouvement de pénalisation du droit fiscal, une tendance lourde se profile. Il faut donc essayer d’en tirer partie car un nouveau champ d’activité s’ouvre à nous, tout en restant vigilant sur la préservation de nos principes. C’est à tort selon moi que l’avocat fiscaliste est trop souvent perçu comme un « instigateur » de la fraude. Il faut donc faire œuvre de pédagogie pour rappeler que ce n’est pas l’avocat qui est responsable de la fraude, puisque sa déontologie lui interdit de participer à la commission d’une infraction, mais que les fraudeurs doivent pouvoir être défendus devant les tribunaux et les contribuables conseillés par des spécialistes pour ne payer que leur juste contribution, qui n’est pas toujours celle que le fisc aimerait leur faire payer.

" Cette transposition de DAC 6 nous place dans une situation concurrentielle défavorable par rapport aux autres États membres "

Le risque professionnel et pénal encouru par les fiscalistes s’accroît considérablement. Comment le prévenir ?

Par la formation d’une part, et notre institut s’y emploie en organisant une vingtaine de conférences à Paris et en province. Nous avons commencé à diffuser en différé en province des conférences tenues à Paris. Nous franchissons actuellement une nouvelle étape avec la diffusion en direct, en province, d’une conférence tenue à Paris, avec la possibilité pour les participants de poser leurs questions aux intervenants via Internet.

D’autre part, en défendant nos intérêts professionnels, ce qui nécessitait le renforcement de nos liens avec le CNB. C’est en bonne voie.

L’assouplissement du verrou de Bercy vient d’être jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Quelle est la position de l’IACF sur cette réforme ?

Nous n’étions pas opposés à la suppression du verrou, pour autant que celle-ci s’inscrive dans une grande réforme visant à mieux coordonner la répression administrative de la fraude et les sanstions pénales. Le législateur ayant eu une ambition beaucoup plus limitée, nous étions en faveur du maintien du verrou afin d’éviter de nous voir confrontés à des magistrats répressifs insuffisamment formés en fiscalité. Nous n’avons pas été entendus et c’est regrettable, car il est peu probable que le système actuel, qui repose sur l’indépendance des procédures fiscale et pénale, passe sous les fourches caudines des juges européens (CEDH et CJUE).

Que pensez-vous du choix de transposition de la directive DAC 6 par la France ? Cela place-t-il le pays dans une situation de concurrence défavorable vis-à-vis d’autres États qui ont choisi une autre voie de transposition ?

Nous estimons que la solution retenue, qui oblige les conseils fiscaux à faire des déclarations anonymes en plus de celle leur client mais avec un même numéro de dossier, ne préserve pas suffisamment notre secret professionnel. Cela nous place dans une situation concurrentielle défavorable par rapport aux autres États membres qui, comme le Luxembourg et les Pays-Bas, dispensent les avocats de toute déclaration. Il est probable que sur cette question, le dernier mot revienne à la CJUE.

Quels sont les grands projets sur lesquels vous travaillez pour la suite de votre mandat ?

J’ai déjà attaqué la dernière année d’un mandat de trois ans. L’objectif est de boucler les chantiers en cours, en particulier celui de nos locaux, afin de transmettre à mon successeur un institut plus grand et plus fort qu’il n’était quand j’en ai pris la présidence.

Propos recueillis par Sybille Vié

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