Dans la continuité du manifeste pour l’intelligence artificielle, les trois entreprises lancent leur premier laboratoire commun de recherche sur le sujet. Elles vont notamment analyser comment l’IA prend ses décisions.

En juillet 2019, huit industriels - Air Liquide, Dassault Aviation, EDF, Renault, Safran, Thales, Total et Valeo - signaient un manifeste pour l’intelligence artificielle. Depuis, ils ont été rejoints par six groupes qui ambitionnent aussi de faire de l’IA « une source de croissance et d’emploi dans leurs secteurs avec les valeurs et la vision de la stratégie nationale ». En fin de semaine dernière, Total, Thales et EDF ont dévoilé un projet concret : le lancement d’un laboratoire de recherche commun.

Ce dernier se situe dans les locaux d’EDF Lab Paris-Saclay à Palaiseau. Les quinze chercheurs réunis sous ce toit se connaissent puisqu’ils étaient répartis sur différents lieux de ce plateau, qui abrite un grand pôle de recherche et de formation. Total, Thales et EDF, groupes dont ils dépendent, affichent leur souhait de « mutualiser les efforts de recherche pour développer une intelligence artificielle au service des systèmes critiques », c’est-à-dire au service des systèmes dont la panne pourrait avoir des conséquences dramatiques.

Un maître-mot : sécurité

Par exemple, Thales utilise l’intelligence artificielle pour sécuriser la diffusion des films visionnés par les passagers dans les avions. Si ces systèmes multimédias tombent en panne, les clients peuvent être incommodés. Il est également envisageable que les programmes soient piratés, ce qui s’avérerait très gênant pour des questions de droits d’auteur mais ne poserait pas de problème de sécurité vitale. À l’inverse, il est impensable de prendre des risques en matière de systèmes de gestion de vols, lesquels assistent les pilotes en leur fournissant des renseignements sur la navigation.

« Les systèmes critiques, qu’il s’agisse de systèmes aéronautiques embarqués ou d’installations de production d’énergie, requièrent (…) un niveau d’exigence des plus élevés en termes de de fiabilité, et donc le développement d’une IA de confiance, explicable voire certifiable, ce à quoi vont répondre les travaux de recherche du laboratoire », résume le communiqué publié par les groupes.

Les décisions de l’IA expliquées

Pourquoi l’IA doit-elle être explicable ? Ne l’est-elle pas par nature étant donné que les systèmes sont mis en place à partir de calculs humains ? « Les mathématiques sont derrière mais, du point de vue du résultat, l’IA ne justifie pas son choix. Si vous êtes pilote, vous devez comprendre pourquoi le système vous propose cette solution. Il faut une explication profonde car pour l’instant l’IA est un peu comme une boîte noire », analyse Marko Erman, directeur scientifique de Thales.

Le laboratoire va aussi se concentrer sur l’apprentissage par le renforcement, qui consiste à apprendre un comportement au système en récompensant l’IA positivement ou négativement au fur et à mesure de son processus d’éducation. « Quand vous achetez un produit chez Amazon, l’IA en déduit vos habitudes. Elle se sert de l’extrapolation de votre passé. Dans certains domaines, l’expérience passée est faible ou inexistante. Il convient pour autant de garantir l'efficacité des systèmes. Il y a une démarche de modélisation à mener », précise Marko Erman.

Concrètement, l’intelligence artificielle peut aider les entreprises à optimiser la gestion de leurs centrales solaires ou d’électricité. La maintenance prédictive permet notamment de remplacer les éléments défectueux au bon moment. « Des systèmes indiquent déjà que des pièces faiblissent et doivent être remplacées mais ils ne disent pas pourquoi elles sont défectueuses. En ayant ce type de réponses, on peut diminuer les coûts de maintenance, mieux gérer les stocks, etc. », poursuit Marko Erman.

La question de la gestion des stocks ou de la consommation des appareils est centrale pour les industriels mais aussi pour la planète et l’IA apporte sa pierre à l’édifice. Par exemple, les nouveaux transports en commun urbains fonctionnent de plus en plus à l’électricité. S’il n’est pas possible logistiquement et budgétairement parlant de remplacer du jour au lendemain tous les réseaux plus anciens pour qu’ils deviennent plus verts, jouer sur leur consommation d’énergie est possible. « On peut diminuer le besoin en puissance du matériel roulant, sans le changer », indique Marko Erman. Les résultats de ces travaux seront, en majeure partie, rendus publics de manière à profiter au plus grand nombre et afin qu’ils puissent être enrichis par d’autres acteurs.

Olivia Vignaud

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