Alors que ses 1 400 magasins sous enseigne ont fermé, Olivier Masson, DAF du groupe Krys, revient sur les mesures mises en place pour tenter de limiter au maximum les effets de la crise.

Décideurs. La crise a-t-elle bouleversé l’organisation de la DAF ?

Olivier Masson. D’un point de vue organisationnel, nous étions déjà en partie préparés. La moitié des quarante-cinq personnes qui travaillent au sein de la direction financière pouvaient depuis trois ans travailler depuis chez elles un jour par semaine ou un jour par mois selon les cas. Pour certains métiers, comme les comptables, le télétravail n’était pas une option puisque nous n’avions pas le matériel adéquat et que le papier restait la norme. Avec cette crise, nous avons donc dû nous adapter de ce côté-là. Et en quelques jours, grâce à notre pôle IT, toute l’équipe était opérationnelle à distance. Conséquence logique de cette organisation, nous tenons nos réunions en visioconférence. Finalement, les journées sont plus longues qu’en temps normal au bureau puisqu’il nous faut gérer, en plus des problématiques quotidiennes, la situation de crise qui s’est traduite par la fermeture du jour au lendemain de 1 400 magasins sous enseigne. Nous avons fait le choix de continuer à établir des situations mensuelles même si l’obtention des bonnes informations est plus délicate alors que nos opérationnels ne sont pas tous disponibles, certains étant au chômage partiel.

Et d’un point de vue financier ?

Notre première mission a été de réactualiser notre rolling forecast. Avec l’annonce de la fermeture de nos magasins pour une période qui pourrait rapidement atteindre deux mois, nous avons mis en place des plans d’économies pour limiter la casse. Ces mesures visent à la fois nos magasins, même s’ils appartiennent à des entrepreneurs, et la centrale. En matière de trésorerie, nous avons réactualisé nos plans jusqu’au 30 septembre, date de clôture annuelle. L’objectif est d’identifier les risques d’insuffisance de cash pour entamer une démarche auprès des banques afin d’obtenir du financement.

"Notre première mission a été de réactualiser notre rolling forecast"

Les banques vous soutiennent-elles ?

Oui, depuis le début. Il faut dire que nos bons résultats de ces dernières années les rassurent. En effet, nous fonctionnons selon un système particulier : nos adhérents – les magasins – passent commande aux fournisseurs. Nous recevons un double de ces factures et établissons un relevé de l’ensemble des achats de nos adhérents. C’est ensuite le magasin qui s’acquitte de sa facture entre nos mains avant que, à notre tour, nous ne payions in fine les fournisseurs. Nous nous rémunérons à hauteur d’un certain pourcentage des flux qui passent par nous et qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros tous les mois. Un relevé mensuel représente environ 40 millions d’euros. Nous disposons en permanence d’un encours de deux mois de relevés. Si nos adhérents ont des difficultés à nous payer, cela représente donc 80 millions d’euros de trésorerie en moins. Pour éviter ce risque, nous prenons les devants en demandant du cash aux banques, qu’il s’agisse de lignes de crédit ou d’emprunts à moyen terme, afin de sécuriser notre position de trésorerie.

Quelles actions avez-vous mises en place pour répondre à la crise ?

L’urgence est de gérer la crise actuelle mais aussi de prévoir l’après. Pour ce qui est du moment présent, nous nous attachons à aider les magasins en leur fournissant un outil simple leur permettant d’évaluer le montant de financement dont ils ont besoin pour ensuite s’adresser à leur banque. En effet, les gérants de ces boutiques sont des opticiens et non des gestionnaires. À nous de les aiguiller du mieux possible. Concernant l’après-crise, nous allons sacrifier une partie du résultat de cet exercice et nous avons décidé un allègement de cotisations de deux mois pour leur donner un peu d’air, ce montant étant reporté l’année prochaine.

"Cette crise ne va pas transformer le quotidien de la direction financière, elle met plutôt en avant notre préparation"

Y aura-t-il un avant et un après crise au sein de la DAF ?

Pas vraiment. Il faut dire que nous avions bien anticipé les choses. La digitalisation était bien avancée puisque les factures de nos réseaux étaient déjà dématérialisées et nous travaillions à celle des factures de frais généraux. Cette crise ne va pas transformer le quotidien de la direction financière, elle met plutôt en avant notre préparation.

Que pensez-vous des mesures d'aides mises en place par le gouvernement ? 

Le gouvernement a mis à disposition des entreprises de nombreux outils. Ils seront efficaces si la crise dure deux mois. En revanche, si elle se prolonge, ils seront insuffisants et devront être adaptés et renforcés. Nous travaillons sur les deux hypothèses. D’ailleurs, même si l’activité peut reprendre, rien n’indique que ce serait immédiatement le cas pour la nôtre. On peut légitimement imaginer que les clients mettront encore un peu de temps à retourner dans les centres commerciaux ou les boutiques, tout comme les collaborateurs de nos boutiques. Enfin, même si la crise sanitaire est mondiale, elle n’aura pas les mêmes effets au même instant puisque les confinements commencent et prennent fin à des moments différents. Le redémarrage des uns ne coïncidera pas nécessairement avec celui des autres, ce qui peut créer des situations de blocages dans le cas où, même si l’activité reprend en France, certains de nos fournisseurs se situant à l’étranger se trouvent toujours arrêtés par exemple.

Propos recueillis par Sybille Vié

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