Maintenant que le plan de relance français est annoncé, le gouvernement doit le mettre en œuvre et continuer à suivre de près la situation. Dans un entretien accordé à Décideurs, le ministre délégué aux PME, Alain Griset, s’exprime sur les avancées à venir en matière d'environnement et de simplifications.

Décideurs. Vous êtes en charge des PME à Bercy. Comment vont-elles, quelques mois après le début de la crise ?

Alain Griset. La crise que nous traversons est sévère et unique. Même dans une situation "normale", quand l’économie tourne bien, environ 50 000 entreprises disparaissent chaque année et 800 000 voient le jour (815 000 en 2019). Aujourd’hui, nous n’avons pas d’éléments qui démontrent qu’il y ait plus de défaillances qu’auparavant, parce que leurs dirigeants sont des hommes et des femmes qui s’accrochent et qui tiennent à leur entreprise mais aussi parce que l’État les a accompagnés depuis le mois de mars. Après, il y a des secteurs dans lesquels la reprise est à peu près correcte, comme le tourisme sur le littoral, à la campagne ou en montagne qui a plutôt bien marché cet été ; et d’autres qui n’ont pas repris, tels que l’hôtellerie et la restauration dans Paris intra-muros ou le secteur événementiel.

L’univers des PME représente une diversité de secteurs et de tailles d’entreprises. Comment l’arbitrage s’est-il fait entre les différentes mesures ? Pourquoi un dispositif plutôt qu’un autre ?

Le plan de relance est global. Les priorités définies sont un choix politique. Il s’agit de réindustrialiser la France, d’aller vers la décarbonisation, d’avoir une économie davantage écologique, de soutenir l’emploi des jeunes. Toutes les actions menées entrent dans ce cadre. Elles répondent à un besoin immédiat et préparent aussi l’avenir. Nous mettons à profit cette période pour accélérer le mouvement.

La relance ne se fera pas sans un retour de la confiance des ménages et donc de la demande. Pensez-vous que le plan soit suffisant ?

Il faut avoir confiance. Un gouvernement qui met 100 milliards d’euros sur la table, c’est le signe de sa confiance en l’avenir. L’inquiétude est nourrie par la persistance du virus mais tout est mis en œuvre pour maîtriser le risque sanitaire. Les Français devraient voir la différence dès l’année prochaine : un air plus pur, des logements améliorés, ce sont des avancées très concrètes !

"Les Français devraient voir la différence dès l’année prochaine : un air plus pur, des logements améliorés, ce sont des avancées très concrètes !"

Justement, vous proposez aux PME des aides pour rénover leurs bâtiments. Jusque-là ce type d’outils à destination des particuliers n’ont pas toujours porté leurs fruits, les Français ne s’en emparant pas. Pensez-vous arriver à faire mieux ?

Tout d’abord, il n’y a pas de raison que les PME ne disposent pas des mêmes moyens pour rénover leurs locaux que les particuliers. Ensuite, précédemment, des outils existaient mais ils étaient complexes. Avec Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, nous travaillons pour que le dispositif soit le plus lisible et accessible possible.

Durant la crise, Bpifrance a publié une étude qui montrait que les dirigeants de PME croyaient à la nécessité d’une stratégie climatique mais, dans les faits, se montraient encore trop timides. Comment changer la donne ?

Il faut remettre ces réponses dans le contexte de la crise. Les chefs d’entreprise se demandaient encore comment ils allaient pouvoir vivre demain. Si vous posez la même question dans six mois, il est possible qu’ils aient évolué sur le sujet. Nous allons communiquer afin de convaincre les plus hésitants et les personnes mal informées d’agir. Il faut aller jusqu’à les toucher individuellement. Il faut qu’ils connaissent les mesures. Chacun peut participer à la transition écologique à son échelle. Il y a quelques années, par exemple, des aides ont été mises en place pour que les coiffeurs utilisent des produits moins polluants, qu’ils investissent dans des robinets qui se coupent automatiquement. Il y a des milliers d’idées à développer et je vois plein de jeunes qui créent des entreprises en lancer.

565 millions d’euros sont mis sur la table afin d’accompagner la transformation numérique des TPE et PME. Concrètement à quoi peuvent ressembler les avancées ?

Par exemple, pendant le confinement, des bouchers se sont dotés d’un site internet et ont mis en place des click and collect. Ces initiatives leur ont permis d’avoir une perte de chiffre d’affaires inférieure de 25 % par rapport à ceux qui ne se sont pas numérisés. C’est à ce genre de transformation que nous pensons.

Avant de détailler le plan de relance, le gouvernement a mis en place des plans sectoriels. Comment ces différentes réponses s’articulent-elles ?

Les plans sectoriels avaient pour objectif de résoudre des problèmes d’urgence. Une partie d’entre eux courent jusqu’à la fin de l’année mais ils n’ont pas vocation à durer pendant deux ans. Le plan de relance est, lui, un plan long terme. Ce qui n’empêche pas pour le moment les secteurs de pouvoir bénéficier des deux lorsque les différents dispositifs peuvent les aider.

"Sur la simplification, les régions, les mairies et l’État ont montré qu’ils étaient capables de s’adapter, voire d’ajuster certaines règles de manière à être efficaces."

La réactivité du gouvernement et de l’administration pendant la crise a pu être saluée. Peut-on espérer qu’elle perdure ? Va-t-on vers davantage de simplification ?

Toutes les semaines, nous examinons la situation. Ce qui s’est passé au mois d’août n’est pas ce qui s’est passé au mois de mars. Nous réagissons le plus vite possible afin d’éviter les licenciements et les fermetures d’entreprises. Sur la simplification, les régions, les mairies et l’État ont montré qu’ils étaient capables de s’adapter, voire d’ajuster certaines règles de manière à être efficaces. Nous souhaitons aller plus loin et proposerons des mesures très précises afin de réduire les délais et de modifier les procédures.

Au détriment des contrôles ?

Ces modifications ne sont pas de nature à abaisser le niveau de sécurité. On voit bien qu’en Allemagne – qui n’est pourtant pas un pays connu pour son laxisme – les processus administratifs sont plus rapides. Il y aura toujours quelques tricheurs et l’État doit se montrer sévère avec eux. Mais, ce n’est pas parce que certains automobilistes grillent les feux rouges qu’on interdit aux gens de rouler. La grande majorité des entreprises respectent les règles et notre rôle n’est pas de les empêcher de fonctionner mais de les conseiller, de les accompagner pour créer de la richesse et des emplois.

Où en est le débat sur la baisse des loyers commerciaux qui donnerait un peu d’air à des secteurs en crise ?

C’est le sujet le plus difficile pour l’instant même si le fonds de solidarité est censé permettre la prise en charge des charges fixes, dont les loyers, pour certaines entreprises en impasse de trésorerie. Pratiquement 85 % des propriétaires sont des bailleurs privés et, souvent, des gens avec des revenus pas extraordinaires qui ont investi dans un local une partie de leur retraite. On ne peut pas leur dire qu’on va leur retirer une partie de cet argent. On peut négocier avec les collectivités et foncières mais lorsqu’on a affaire à un bailleur privé, c’est plus compliqué.

Comment allez-vous suivre la mise en œuvre du plan de relance ?

Au quotidien, avec notamment un comité de suivi toutes les semaines et en gardant en tête que 30 % du plan doit être en œuvre en 2021. Notre objectif ? Qu’en 2022, l’activité économique ait retrouvé son niveau de février 2020.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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