Veolia a lancé une OPA sur Suez afin de former un leader mondial des services environnementaux. Si ce dernier ne l’entend pas de cette oreille, rien ne semble altérer la volonté d’Antoine Frérot, pas même un État actionnaire relégué au rang de spectateur.

En plein été, l’annonce fait grand bruit dans le sérail parisien des affaires : Veolia, leader français du traitement de l’eau et des déchets, annonce sa volonté de prendre le contrôle de Suez. L’objectif affiché de cette alliance est ni plus ni moins de devenir le leader mondial de la transformation écologique du secteur en opérant un grand nombre de synergies entre deux entreprises au positionnement similaire.

Le nouvel ensemble pèserait près de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit à peine 3 % d’un marché mondial estimé à 1 400 milliards de dollars (dont 600 milliards de dollars pour l’eau, 400 milliards pour les déchets, et 400 milliards pour les services à l’énergie), mais générerait surtout près de 500 millions d’euros de synergies opérationnelles.

Veolia augmenterait également sa présence dans deux marchés clés, les États-Unis et l’Asie. Un programme de cessions d’environ 5 milliards d’euros, portant principalement sur les activités eau françaises, est également en projet, avec pour condition de ne pas céder d’actifs stratégiques. L’opération ouvrirait également l’opportunité de développer un fonds de soutien pour les PME françaises qui se concentreraient sur les innovations propres et vertes.

Billard à trois bandes

Hautement complexe, l’opération met en jeu un troisième acteur : Engie. L’énergéticien, est toujours propriétaire de près de 29,9 % du capital de Suez, participation que Veolia cherche justement à la possibilité d’une telle vente alors que la nouvelle direction générale a pour objectif de dérouler à marche forcée une feuille de route basée sur un recentrage stratégique et un programme de cessions de 8 milliards d’euros.

Proposant initialement un paiement numéraire à hauteur de 15,50 euros par action, soit le double du cours de clôture de Suez, au 30 juillet 2020, Antoine Frérot revoit son offre à la hausse moins d’un mois plus tard : 18 euros par action, un montant rarement atteint par l’action depuis son introduction en Bourse valorisant ce bloc stratégique à 3,4 milliards d’euros, financé par l’émission de deux nouvelles obligations hybrides, pour une valeur totale de 2 milliards d’euros.

L'accord d'Engie sonne comme un terrible camouflet pour l’État actionnaire

Le "oui" de Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie, marque le passage à l’acte II d’une OPA préparée pendant l’été sous le nom de code de "Sonate" et dont le dépôt doit intervenir dès le feu vert de l’Autorité de la concurrence. Il sonne également comme un terrible camouflet pour l’État actionnaire, dont les représentants au conseil d’Engie ont voté contre la vente, et pour Bruno Le Maire ayant répété à l’envi qu’il ne souhaitait pas voir ce rapprochement prendre la forme d’une opération "hostile".

Entre guerre de mouvement et guerre de position

Du côté de Suez, on est vent debout contre une offre jugée agressive. Les arguments mis en avant pour repousser cette fusion sont le risque pour l’emploi ainsi que des divergences stratégiques. La direction va jusqu’à placer la filiale Eau France, que Veolia propose de céder au fonds d’infrastructures Meridiam – afin de satisfaire aux exigences antitrust – dans une fondation de droit néerlandais afin de bloquer temporairement le projet de rachat afin de trouver un autre investisseur.

Pour tenter de désactiver cette dernière, Veolia déclenche début novembre une action en justice. Cette opposition farouche ne semble pas ébranler le PDG de Veolia : "Puisque le conseil de Suez ne veut même pas décrocher son téléphone pour écouter mon projet, je vais le présenter directement aux actionnaires de Suez. Cela signifie, de manière simple, que l’OPA se fera, quoi qu’il arrive et au plus tard après la prochaine assemblée générale", assure-t-il. 

Boris Beltran

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