Alors que le marché du transport a été secoué par la crise, BBL Groupe s’est adapté pour capter de nouvelles parts de marché. L’entreprise n’a pas renoncé non plus à sa croissance externe et vient d’annoncer une nouvelle opération. Décryptage avec Kaci Kébaïli, son fondateur.

Décideurs. À quel point la crise vous a-t-elle impacté ?

Kaci Kébaïli. Lorsque la crise est arrivée, notre chiffre d’affaires a décroché de 22 % par rapport à mars 2019. En avril, il était en retrait de 38 % et de 28 % en mai. On a commencé à retrouver un niveau d’activité normal en juillet, avec une croissance de 9 % par rapport à l’année précédente et la tendance ne s’est globalement pas démentie jusqu’à la fin de l’année.

Comment avez-vous redressé la barre ?

Au début, cela a été un petit coup de massue mais nous avons réagi très vite. Deux initiatives très fortes ont été prises. Elles nous ont permis de retourner la situation à notre avantage en captant de nouvelles parts de marché. Nous avons lancé une prestation de services de transport domestique en France, ce que nous ne faisions pas jusqu’alors. Avant, notre offre était à 100 % tournée vers l’international. Nous avons recruté des talents sur ce nouveau segment et l’activité a très vite démarré.

Vous avez également lancé une activité de transport de projet industriel. En quoi cela consiste-t-il ?

Nous proposons, par exemple, des déménagements d’usines clés en main. Notre rôle consiste à ramener des matériaux et des pièces de différents fournisseurs d’Europe ou d’Asie. Ces projets font appel à des compétences multiples : transport aérien, routier, etc. qui devaient être fédérées. Nous avons déjà gagné deux gros contrats en Russie et en Serbie, qui sont en cours de réalisation car il s’agit de prestation sur le long cours. À Belgrade, nous nous occupons de l’un des plus grands centres de tri en Europe.

Votre entreprise est-elle à nouveau sur les rails ?

Le choc a été momentané mais salutaire. Il nous a permis de pénétrer de nouveaux segments de marché. Nous sommes partis de rien pour lancer ces deux nouvelles activités. En 2021, notre croissance organique devrait être de 10 %, ce qui correspond à peu près à notre niveau d’avant-crise (12 %).

Quand vous avez fondé votre groupe, vous avez commencé par les Balkans car il n’y avait pas de concurrence. Est-ce le cas pour ces nouveaux segments d’activité ?

Ce sont des marchés où il y a de la concurrence. Mais chez BBL nous proposons des prestations supplémentaires. C’est le principe d’un guichet unique. Les responsables logistiques des industriels peuvent nous mandater pour davantage de services que ceux que nous offrions déjà.

"Nous venons d’annoncer l’acquisition d’une société portugaise dont le chiffre d'affaires 2020 sera proche de 100 millions d'euros"

Depuis la création de votre société, vous avez lancé 24 acquisitions. La dernière a été dévoilée il y a quelques jours. En quoi est-ce une opération de taille ?

Nous venons d’annoncer l’acquisition de Lusocargo, une société portugaise dont le chiffre d’affaires 2020 sera proche de 100 millions d’euros. À titre de comparaison, en 2020, notre chiffre d’affaires était de 206 millions d’euros. Nous travaillions sur ce dossier depuis deux ans. Il s’agit d’une entreprise qui était notre partenaire depuis 15 ans au Portugal. On la connaît très bien et nous croyons dans le professionnalisme des cédants. C’est une grosse étape pour nous car nous nous attendons à 350 millions de CA cumulé et allons adjoindre 300 collaborateurs de plus pour atteindre les 1 000 personnes.

Pourquoi avez-vous misé sur le Portugal ?

Nous assistons bon an, mal an à un mouvement de relocalisation en Europe, notamment pour des questions de souveraineté. Le Portugal est déjà un territoire où sont fabriqués certains produits et il pourrait tirer son épingle du jeu dans les années à venir.

Pourquoi avoir fait entrer Geneo Capital Entrepreneur à votre capital en octobre ?

Afin de financer nos acquisitions et de renforcer les fonds propres de l’entreprise. Nous pouvons ainsi mieux emprunter sur les marchés et poursuivre notre politique de croissance externe. Nous voulons conquérir de nouveaux territoires et nous adjoindre de nouveaux savoir-faire métiers. Notre objectif : atteindre 1 milliard d’euros de CA en pro forma d’ici deux ans.

Malgré la crise, vous n’avez pas peur ?

Non, nous rêvons de devenir un champion français des services à la supply-chain pour l’industrie et le commerce. Aujourd’hui, les champions du secteur sont majoritairement allemands ou américains. Nous voulons porter haut le drapeau tricolore en misant sur notre modèle original de "fédération de spécialistes" et sur une capacité d’interconnexion croissante de nos activités avec les systèmes de nos clients.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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