Les cryptomonnaies sont réputées fongibles car chaque unité est interchangeable et peut être utilisée de la même façon et à la même valeur. Ces cryptomonnaies, qui sont des biens incorporels, fonctionnent grâce à une technologie informatique dénommée blockchain» ou chaîne de blocs.

La blockchain est une technologie de stockage décentralisée d’informations que l’on peut comparer à un grand livre comptable partagé entre tous les utilisateurs. Il existe pléthore de blockchains différentes ayant des caractéristiques propres : certaines sont plus sécurisées, d’autres plus rapides ou résilientes.

Aucune n’est infaillible, mais il est possible de dire que la blockchain est une technologie sécurisé by design, qui, avec le temps, devient inaltérable et infalsifiable au fur et à mesure de son développement. Il est en effet impossible de modifier un bloc sans modifier tous ceux qui le suivent.

De surcroit, la principale force de la blockhain repose sur son caractère décentralisé et sur une pluralité d’acteurs travaillant en complémentarité : les développeurs « code is law », qui développe le langage informatique stricto sensu, les « full nodes » qui organisent les transactions et les archivent ou encore les mineurs qui vérifient les transactions et gagnent en retour de la cryptomonnaie.

Inventée dès la fin des années 1980, puis initialement mise en œuvre pour garantir les échanges de Bitcoins à partir de 2008, cette technologie a aujourd’hui de nombreuses autres applications : dans le secteur de la banque et de la finance, dans la logistique et le suivi de la supply chain ou bien dans le domaine de la création, sous toutes ses formes.

Le marché des NFT connaît un véritable essor

Les NFT (Non Fungible Token) ou jetons non fongibles fonctionnent également grâce à la blockchain mais adoptent un paradigme différent. Ils sont une forme particulière de jeton émise au sein d’une cryptomonnaie existante et dont la particularité consiste en leur caractère unique (ou, à tout le moins, strictement limité et numéroté). 

Les NFT sont codés de telle sorte qu’il est impossible de les reproduire. Cette spécificité ouvre de très vastes possibilités d’utilisation, notamment en matière de preuve de l’authenticité ou de certification, a fortiori lorsque le NFT est composé ou associé à une œuvre digitale (photo, vidéo, musique, etc.).

Depuis le début 2021, le marché du CryptoArt, soit le marché lié aux œuvres d’art enregistrées et commercialisées sur la blockchain grâce au format NFT, est en pleine expansion. La très grande majorité de ces œuvres d’art NFT sont fondées sur la blockchain Ethereum ; et les échanges ont très majoritairement cours en Ether.

L’œuvre de l’artiste américain Beeple intitulée The First 5000 Days s’est vendu le 11 mars, au sein de la maison d’enchère Christie’s, pour 69,3 millions de dollars, quelques semaines après qu’une autre de ses œuvres se soit échangé pour 6,6 millions de dollars sur le marché secondaire.

Outre les œuvres d’arts figuratives, le développement rapide des NFT se constate également dans le domaine du sport (avec les « cartes NFT » à collectionner de joueur de basket ou de football) dans le domaine du jeu-vidéo (avec les licences CryptoKitties, MyCryptoHeroes ou encore Neon District) ou encore dans le domaine musical avec Bluebox, une solution de sécurisation des droits musicaux.

Le "minting" :  processus de création des NFT fondé sur les "smart contract"

Les NFT reposent sur des programmes informatiques particuliers appelés smart contract ou contrats intelligents. Souvent utilisés sur la blockchain, ces programmes exécutent automatiquement des instructions prédéfinies et sont irrévocables. La force obligatoire du contrat vient directement du code informatique et personne, pas même le créateur ne peut amender le contrat une fois celui-ci créée dans la blockchain.

Le processus par lequel un artiste crée un NFT, c’est-à-dire par lequel il associe l’une de ses œuvres à un smart-contract, appose sa signature numérique, puis l’enregistre dans la blockchain est appelé minting. Il existe différents formats de NFT, les plus courants étant le format ERC 721 pour les œuvres tirées à un seul exemplaire (et le format ERC 1155) pour les NFT en tirage numéroté.

L’auteur peut ainsi décider librement des droits de propriété intellectuelle qu’il consent à transférer par l’intermédiaire du NFT. Par défaut, la vente d’un NFT n’entraîne pas de transfert automatique des droits de propriété intellectuelle afférents.

Lorsqu’un acheteur se porte acquéreur d’un NFT, il n’achète pas l’œuvre : il se porte acquéreur du NFT, c’est-à-dire d’une reproduction de l’œuvre située au sein de la blockchain

En effet, lorsqu’un acheteur se porte acquéreur d’un NFT, il n’achète pas l’œuvre : il se porte acquéreur du NFT, c’est-à-dire d’une reproduction de l’œuvre située au sein de la blockchain. Il n’est pas, par défaut, détenteur de l’œuvre elle-même ni des droits patrimoniaux qui s’y rattachent. Par conséquent, il ne saurait exploiter celle-ci à des fins commerciales, ni empêcher l’utilisation de celle-ci à d’autres fins.

Par défaut, l’acheteur obtient un simple droit, non-exclusif, de jouir de la reproduction de l’œuvre associée au NFT, à condition que l’usage qu’il en fasse se limite à des finalités personnelles. Il peut ainsi par exemple exposer l’œuvre dans son crypto-portefeuille ou sur un service d’exposition de NFT en 3D comme Cryptovoxels. Il dispose également des droits de propriété se rapportant au NFT lui-même.

Bien-sûr, il est possible d’aménager contractuellement, avec beaucoup de souplesse, les droits attachés au NFT. L’auteur pourra ainsi décider de vendre concomitamment au NFT tout ou partie des droits patrimoniaux s’exerçant sur son œuvre, ou même de les louer – de façon temporaire. La communauté Ethereum travaille actuellement au développement d’une version améliorée de la norme ERC 721qui permettrait la mise en place d’un standard commun quant aux royalties.

Chaque auteur de NFT serait ainsi mis en capacité de déterminer les modalités et le montant des royalties qu’il souhaiterait toucher à chaque fois qu’une transaction intéressant son œuvre (vente, location) a lieu sur le marché secondaire. L’adoption d’un tel standard constituerait une avancée majeure pour le domaine de l’art. L’auteur n’aurait plus à suivre avec attention le parcours de ses NFT : le smart contract étant irréversible, il procéderait automatiquement au paiement de la somme due à l’auteur.

Comment sécuriser ses transactions et l’authenticité de ses œuvres NFT ?

En tant qu’acheteur de NFT, il convient de garder en tête que, par défaut, l’auteur reste titulaire des droits d’auteurs sur son œuvre. La vente ne concerne pas l’œuvre elle-même mais seulement le jeton (NFT) la contenant. Il est bien-sûr possible pour les parties d’en disposer autrement – par exemple en intégrant, au sein du NFT, un accord express de transfert des droits.

En tant que vendeur, il est important de comprendre que vous restez propriétaire de votre œuvre et des droits s’y rattachant. Ainsi, la mise en vente d’un NFT n’empêche pas que la même œuvre soit simultanément exploitée à titre commercial, par exemple au sein d’une ligne de vêtement.

La force de la blockchain réside dans sa capacité à offrir un historique précis et infalsifiable de tous les échanges du NFT depuis sa création.

Surtout, il convient de ne pas surestimer la force d’authentification et de certification des NFT. La force de la blockchain réside dans sa capacité à offrir un historique précis et infalsifiable de tous les échanges du NFT depuis sa création.

Toutefois, cette technologie ne saurait garantir l’authenticité de l’œuvre associé au NFT ou le fait que l’auteur de ladite œuvre soit à l’origine du NFT. Les studios DC Comics ont par exemple récemment lancé une série de NFT sur un de leur personnage emblématique Batman, et ont par la même occasion défendue à quiconque de créer des NFT utilisant leurs personnages, sous peine d’actions judiciaire en contrefaçon.

Dès-lors, la vente d’œuvres en NFT implique de solidifier la véritable propriété de l’artiste afin de se prémunir des risques multiples. Outre les copies serviles et les imitations, les NFT font émerger un risque nouveau : celui de voir une œuvre NFT existant en un nombre d’exemplaire très limité, voir unique, être détournée et republiée de nombreuses fois, en NFT, par des personnes malintentionnées, faisant ainsi chuter la cote de l’œuvre originelle ainsi que celle de son auteur.  Il est dès à présent crucial de comprendre les enjeux techniques afin de pouvoir anticiper les réponses juridiques.

Il est nécessaire de repenser la propriété et la preuve de l’authenticité

Le NFT ne suffit pas à créer un lien avéré aux yeux des acheteurs entre l’œuvre y étant associé et son auteur. Pour donner aux acquéreurs la certitude que le NFT est véritablement édité par l’auteur, plusieurs solutions existent. Il est possible de recourir à certaines plateformes NFT, à l’instar de SuperRare, qui conditionnent la publication de NFT à la démonstration préalable de la notoriété de l’artiste.

A contrario, certaines plateformes, ouverte à tous les créateurs, reportent l’intégralité des risques sur l’acheteur en précisant que, elles ne sauraient le garantir contre l’achat de contrefaçon ou d’imitations et qu’il appartient à chacun de s’assurer de l’authenticité des œuvres qu’il entend acheter.

Il est également possible, de s’adjoindre les services d’un huissier afin que celui-ci constate la création de l’œuvre par son auteur et/ou le processus de création du NFT

Il est également possible, de s’adjoindre les services d’un huissier afin que celui-ci constate la création de l’œuvre par son auteur et/ou le processus de création du NFT par celui-ci. Le constat en résultant pourra ainsi être attaché, dans la blockchain, au NFT. Un tel procédé rendrait la traçabilité de l’œuvre absolument parfaite ; ce qui logiquement, devrait renforcer plus encore la valeur du NFT.

Pour l’acheteur souhaitant acheter la reproduction NFT d’une œuvre d’art ayant par ailleurs une forme physique, il est nécessaire de multiplier les certificats d’authenticités. Cela afin de compenser le fait que le NFT est impalpable et que le risque de contrefaçon est particulièrement élevé, puisque celle-ci n’aura jamais été si facile qu’avec de telles œuvres numériques.

Ainsi, outre le constat d’huissier réalisés lors du minting du NFT, il apparaît nécessaire d’inclure la signature électronique de l’artiste au sein du NFT, ainsi que le certificat d’authentification de l’œuvre (numéro d’édition, date et lieux de création, etc.).

Le marché des NFT est encore très jeune et devrait continuer à croître et évoluer rapidement dans les prochaines années. Le marché devrait ainsi se renforcer et voir l’émergence de nouvelles pratiques et méthodes commerciales. En outre, la norme NFT dispose de pléthore d’applications potentielles qui restent à explorer.

Ainsi, Nike a annoncé, en décembre 2019, le dépôt d’un brevet fondé sur la norme NFT. Mêlant les dimensions physiques et numériques, l’équipementier souhaite associer un NFT à chacune de ses paires afin d’en garantir l’authenticité, mais également de favoriser les échanges et la vente d’occasion, tant sur le marché physique que numérique.

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Sur l'auteur. Maître Julie JACOB intervient principalement en matière de protection des données personnelles, en droit de la propriété intellectuelle et en droit des médias, tant au niveau du conseil que du contentieux. Elle dispose d’une expertise unique notamment dans le domaine des technologies et des enjeux liés aux datas.

Elle est enregistrée auprès du Barreau de Paris en tant qu’avocat correspondant à la protection des données à caractère personnel.Maître JACOB participe et anime de nombreuses formations, notamment à l’École de formation professionnelle des Barreaux de Paris sur la protection des données personnelles.

Fondatrice de la legaltech Lawflex : plateforme dédiée à la mise en relation entre les avocats/juristes, les cabinets d’avocats, les entreprises, permettant aux métiers du droit d’évoluer avec plus d’agilité.

L'article est rédigé en collaboration avec Matthieu Almeras.

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