Doté d’une forte personnalité entrepreneuriale, c’est tout naturellement que Jean-Christophe Cleach, avocat, établit une relation privilégiée avec les groupes, comme avec les entrepreneurs ou les dirigeants qu’il accompagne notamment sur leurs opérations avec les fonds d’investissement. Autant d’expériences qui lui ont inspiré un livre "Entrepreneurs et fonds d’investissement - Mode d’emploi pour un rapprochement réussi" afin de leur communiquer ses conseils stratégiques.

Décideurs. Vous exercez depuis plus de vingt ans et vous venez de publier aux Éditions VA, un livre sur la relation entre les fonds d’investissements et les dirigeants. Pourquoi l’avoir écrit maintenant et à qui s’adresse-t-il ?

Jean-Christophe Cleach. Avec près de trente ans passés aux côtés des entrepreneurs et des cadres dirigeants, j’ai eu le sentiment d’avoir accumulé assez d’expérience sur la manière dont les négociations se déroulent avec les fonds d’investissement, pour en donner les clés essentielles.

J’ai écrit ce livre à l’occasion du temps additionnel que m’a procuré le premier confinement mais cela faisait longtemps que j’y songeais : rédiger un livre utile pour mes clients pour qui les fonds d’investissement sont devenus des interlocuteurs non plus occasionnels mais réguliers.

J’essaie de transcrire clairement des principes ou des expressions souvent complexes ou arides pour que les entrepreneurs et les dirigeants appréhendent au mieux les problématiques.

Avec ce livre vous assumez un positionnement clair : l’accompagnement des dirigeants. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs. Ma mère a fondé et dirigé une entreprise assez importante pour l’époque dans le tourisme, mon frère est chef d’entreprise et j’ai baigné dans cette culture entrepreneuriale depuis l’enfance. J’y ai longtemps travaillé également, jusqu’à diriger un des établissements familiaux.

D’ailleurs, par choix personnel, mon cabinet ne travaille qu’avec des groupes, des entrepreneurs ou des dirigeants. J’ai ainsi le luxe de ne jamais me trouver en conflit d’intérêt lorsque je discute avec des fonds d’investissement, ce qui est très confortable et rassurant pour mes clients. Cela m’a permis d’écrire ce livre en toute liberté.

Il était donc évident que je me place aux côtés des dirigeants et entrepreneurs. C’est mon ADN et ne suis finalement à l’aise qu’à leurs côtés.

"La plupart du temps, un fonds d’investissement et un entrepreneur ont une approche très différente"

Vous dites que "les fonds viennent de Vénus et les entrepreneurs de Mars". Pourquoi ? Quel constat faites-vous ?

J’ai repris le titre d’un livre de John Gray, qui date de 1999, "Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus" ; je le trouvais parlant et imagé. Cette expression me frappe dans la mesure où elle souligne combien les deux acteurs vivent sur des planètes différentes. Si certains dirigeants de fonds d’investissement ont été des entrepreneurs, ils sont globalement rares.

La plupart du temps, un fonds d’investissement et un entrepreneur ont chacun une approche très différente du temps. L’entrepreneur réfléchissant souvent sur un temps long, plus long que celui des fonds d’investissement en tout état de cause, ne se consacrant qu’à un seul projet, celui du développement de son groupe ou du rachat suivi du développement de l’entreprise, quand un fonds d’investissement suit des dizaines de lignes différentes où chaque ligne représente un projet d’entrepreneur. Un fonds d’investissement aura nécessairement plus de recul qu’un dirigeant sur le projet de celui-ci : son métier sera de jauger le projet, l’homme ou l’équipe, la concurrence, la capacité à percer sur un marché et in fine les chances de succès qui devront nécessairement se traduire par un profit financier cible, le fameux "TRI" pour taux de rendement interne, alors que l’entrepreneur croit à son projet parfois sans avoir réalisé d’étude complète de son environnement concurrentiel ou du time to market.

Une fois son choix arrêté, le fonds d’investissement sera là pour négocier les modalités d’entrée et de sortie, s’assurer que les clauses du pacte sont cohérentes avec ces modalités. Si par la suite il continue de suivre l’entreprise dans le cadre de comités mensuels ou trimestriels, son travail essentiel se situe, rappelons-le, aux deux étapes clés : à l’entrée et à la sortie. Le dirigeant aura alors le sentiment que ce n’est qu’une fois les discussions terminées que son travail commence.

Bien entendu, cette description mériterait quelques nuances : un fonds majoritaire jouera un rôle nettement plus important. Et par ailleurs, lorsqu’une société traverse une crise, les fonds d’investissement seront de nouveau sollicités.

Mais le principe est le même. Le fonds investit et l’entrepreneur dirige. Et ce dernier accepte, bon gré mal gré, les contraintes discutées avec les fonds d’investissement à son capital.

Il reste néanmoins certain qu’un dirigeant doit se familiariser avec ce monde s’il veut en tirer le meilleur parti, c’est pour cela que j’ai voulu écrire un livre clair et didactique.

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