Marque de conseil en transformation digitale du groupe Sopra Steria, Sopra Steria Next est aujourd’hui l’un des leaders européens du secteur. Son entité Conseil Banque & Services Financiers mobilise 300 consultants qui agissent à la croisée des métiers bancaires et des technologies innovantes. Jean Carpentier, Partner Banque chez Sopra Steria Next, en charge du Crédit agricole et de l’Excellence opérationnelle des services, partage ses convictions en matière de recherche d’efficacité des banques au profit de leurs clients.

Décideurs. Comment se porte aujourd’hui le secteur bancaire ?

Jean Carpentier. Contrairement à la crise précédente, les groupes bancaires français ont fait face de façon très satisfaisante aux conséquences de la pandémie, en actionnant des leviers d’optimisation. Ils ont à la fois sensiblement accru leurs fonds propres, réduit leurs coûts et constitué des provisions de risque qui pourraient ne pas être utilisées. Enfin, les derniers "stress tests" européens concluent à une bonne solidité des banques systémiques.

Pour autant, si le contexte est relativement positif, les défis demeurent nombreux. D’une part, les banques sont menacées par de nouveaux acteurs, de nouveaux entrants "Gafa like" parfois issus d’autres zones géographiques. D’autre part, le défi du digital exige en re beaucoup de travail avant de garantir la fluidité et la pertinence de l’exploitation des données. ­Enfin, le renforcement des règles éthiques et sociétales, ainsi que la poursuite de la créativité réglementaire, multiplient les nouvelles exigences déclaratives. Les groupes bancaires réagissent en affinant leur priorisation stratégique. En fonction de leur ADN historique, ils privilégient une posture de spécialiste, permettant de se différencier, ou une posture de généraliste, moins risquée.

Toutefois, le foisonnement des enjeux impose d’ores et déjà des approches plus globales. Premier exemple, il ne suffit plus de déployer l’omnicanal dans les parcours clients et de délivrer des services cohérents par rapport à la promesse client. C’est le cas des réseaux bancaires qui s’intéressent depuis longtemps aux métiers de la prévoyance et de l’immobilier et qui continuent d’approfondir leur spécialisation sur ces métiers afin d’apporter plus de valeur à leurs clients historiques. ­Deuxième exemple, il ne suffit plus, non plus, d’exécuter les services correspondant à la promesse. Il est nécessaire de capter, à chaud, la satisfaction client pour rebondir en cas d’insatisfaction ou d’opportunité de business additionnel.

En conclusion, si le secteur bancaire se porte bien, il ne doit pas sous-estimer l’ampleur du travail qu’il reste à réaliser.

"Les banques ont systématisé les projets de transformation de leur relation client en autonomie"

Pourquoi et comment rendre les processus plus accessibles ?

Les banques ont systématisé les projets de transformation de leur relation client en autonomie. Même si elles ont parcouru un chemin important, elles doivent aller plus loin dans l’orientation client en accentuant leurs choix en matière de canaux, virtuels et physiques, de prestations, internes comme externes, afin d’en tirer des bénéfices tangibles pour la banque, ses collaborateurs et ses clients.

En outre, afin d’apporter un service pertinent au regard de la promesse – ni trop ni trop peu –, nous sommes convaincus de la nécessité de reconsidérer tous les processus de bout en bout en maximisant la facilité d’y accéder. Les interfaces seront simplifiées pour qu’elles répondent aux conditions d’accès des clientèles non ­spécialistes, voire supportant des ­handicaps. S’inspirer des principes de l’UX ­design, de la ­Customer ­eXpérience (CX) et d’une ­"gamification" encadrée sur le plan éthique sont des facteurs de ­succès de ­l’accessibilité, en tenant compte des contraintes d’authentification ­consécutives à la DSP2.

Les banques n’ont pas vocation à recopier les meilleurs processus des néo-banques. Elles doivent plutôt apporter de la ­cohérence à leurs processus sur l’ensemble des parcours, enrichis mais encore trop complexes. Nous prônons ainsi l’élaboration de parcours combinés, enrichis mais lisibles plutôt que d’offres unitaires  et parallèles. Nous espérons que les clients pourront alors "se promener", de façon agréable, dans les centres commerciaux de services financiers que sont devenus les groupes bancaires.

Pour réussir l’optimisation des processus, il est important d’impliquer dès l’amont les collaborateurs dans les projets, avec la même attention que celle portée aux clients. L’implication des collaborateurs favorisera leur réactivité face aux changements du marché ou aux besoins de restructuration des entreprises.

La digitalisation poursuit son expansion ; comment parvenez-vous à la conjuguer avec l’optimisation des process ?

La digitalisation reconfigure l’IT afin d’assurer l’ouverture, la croissance et la performance des métiers. Elle se fonde et apporte transparence, agilité et co-construction à toutes les équipes impliquées dans les projets bancaires. Étant donné que les nouveaux entrants bénéficient dès leur création de ces accélérateurs, la digitalisation s’impose aux acteurs en place.

Les projets digitaux sont naturellement conçus pour un déploiement progressif (Proof of Value, MVP, industrialisation). Nous identifions alors trois niveaux de réponses pour structurer l’optimisation des processus.

"Le "data centrisme" est indispensable à la transformation des banques"

Tout d’abord, le digital se nourrit de données. Celles-ci, dans la banque, sont encore relativement peu exploitées, qu’il s’agisse des usages de pilotage ou de l’enrichissement des services. Nous avons tous fait l’expérience des limites du marketing bancaire en ne recevant pas, ou peu, d’offres à l’initiative de la banque. Quand c’est le cas, elles sont souvent inopportunes et peu lisibles. Les conseils contextualisés destinés aux collaborateurs de la banque sont également peu enrichis. Il demeure aujourd’hui une attente trop grande, non satisfaite, de prestations et de conseils enrichis et pertinents. Le "data centrisme" est indispensable à la transformation des banques. Il leur incombe d’accélérer le mouvement de détection, en vue du traitement et de l’amélioration continue des usages de la donnée.

Ensuite, la digitalisation des fonctions bancaires conditionne leur accessibilité sous la forme d’interfaces normées, ­évolutives, sécurisées et enrichies qui facilitent leur adoption par le maximum de clients ou de collaborateurs. La digitalisation garantit ainsi la scalabilité par la qualité et le volume des activités traitées. Comme les "Fronts" ont déjà été largement digitalisés, l’accélération de l’accessibilité des fonctions de "Middle" et "Back offices" passe par la digitalisation des processus de bout en bout. Elle adapte les processus bancaires pour qu’ils deviennent "customer / user centric" et plus seulement "data centric".

Enfin, la digitalisation fournit un cadre de cohérence aux processus : services effectivement engagés, objectivation des réalisations, historisation des conditions de mise en œuvre, collecte de la satisfaction des acteurs. Elle permet l’automatisation des fonctions ainsi que la simulation d’activités. Grâce à la transparence apportée, il s’enclenche un cycle d’amélioration continue de la relation Client-Banque. La digitalisation apporte donc les moyens de l’Excellence opérationnelle au service du client.

Comment mettre en place les capteurs qui vont permettre d’accompagner cette transformation ?

Le monitoring des couches digitales et applicatives est indispensable à l’atteinte d’une maîtrise exhaustive des processus, surtout s’ils se combinent entre eux.

Les banques ont déjà recouru à de nombreux projets d’optimisation des processus : cartographies, workflows, case management, API, RPA… Nous sommes enclins à rechercher un cadre et un outillage permettant de donner une visibilité globale de l’existant et de la cible. Les solutions de process mining ressortent comme très pertinentes dans cet objectif. Le process mining combine la mesure du réel et sa représentation pour simuler les meilleures actions futures à engager, en tenant compte de l’écosystème sur l’ensemble des processus. Il permet de maîtriser les interactions et la production ainsi que de sécuriser la mobilisation des bonnes ressources et compétences à la ­réalisation des tâches.

En osant revisiter les processus globalement pour comprendre "ce qui se réalise effectivement au bénéfice du client", nous devrions ainsi à la fois valoriser le service rendu et justifier de sa tarification à la hauteur des coûts engagés. Grâce au ­process mining, nous disposons d’une solution à même de piloter la reconstruction progressive des processus cibles. 

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