Le secteur de la "crypto" va bien. Et il tient à le faire savoir, surtout en ces temps de campagne présidentielle. Après avoir adressé ses propositions aux candidats en début d’année, l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), présidée par Faustine Fleuret, a présenté le 14 février l’étude "La crypto en France : structuration du secteur et adoption par le grand public". Une certitude, le dynamisme du business et la démocratisation des cryptos contribuent à faire des entreprises de cette filière des acteurs de poids qu’une décentralisation 3.0 de l’internet ne peut que doper.

Un Français sur cinq se déclare prêt à changer de banque pour un établissement plus "crypto-friendly". Un chiffre étonnant qui ressort du rapport "La crypto en France : structuration du secteur et adoption par le grand public" réalisé par l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) avec le concours de KPMG France et Ipsos.

Rappelons que les adhérents de l’association opèrent sur une large palette d’activités, des marchés à la conservation, en passant par les paiements, la gestion, les outils d’analyse, ou encore l’accompagnement des projets et des utilisateurs, et la sécurité informatique.

Ces dernières années, l’intérêt de nos concitoyens pour ces actifs numériques ne se dément pas. Au contraire, il s’intensifie. Ainsi, 77% d’entre eux ont déjà entendu parler des cryptomonnaies ou des jetons non fongibles (NFT pour non-fungible tokens) : 8 % ont franchi le pas en acquérant des cryptos tandis que 30 % envisagent de le faire. C’est du moins ce qui ressort des données collectées par le sondeur Ipsos auprès d’un panel de 2003 personnes de plus de 18 ans en décembre 2021. Le triptyque des cryptomonnaies privilégiées par les investisseurs actuels est le bitcoin avec 49 %, l’ether avec 29 % puis le bitcoin cash avec 28 %. Ils sont 43 % à être passés par un prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) pour investir.

Le triptyque des cryptomonnaies privilégiées par les investisseurs actuels est le bitcoin avec 49 %, l’ether avec 29 % puis le bitcoin cash avec 28 %.

Sur le même panel, 43 % pensent que cryptomonnaies et monnaies classiques vont cohabiter et que les premières seront également utilisées comme moyens de paiement. Une proportion de 19 % va plus loin et estime possible un remplacement des monnaies traditionnelles par des cryptos.

Dans l’état des lieux dressé par l’Adan, on apprend que l’an passé, la valeur totale des plus de 16 000 cryptoactifs en circulation dans le monde a dépassé les 2 000 milliards d’euros de capitalisation, la plaçant pour la première fois devant celle de l’argent (métal précieux) qui s’élevait à 1 135 milliards d’euros.

Des capital-risqueurs peu offensifs

Les investissements à destination des entreprises impliquées dans l’écosystème crypto avec près de 600 projets recensés par Bpifrance, ont fortement progressé en parallèle. En 2021, un total de 30 milliards d’euros a été levé auprès de fonds de capital-risque contre moins de 5 milliards d’euros l’année précédente. À noter : la sous-représentation des fonds d’investissement français en dépit des efforts de la banque publique d’investissement Bpifrance dans ce domaine. L’industrie nationale de la crypto représente plus de 1,2 milliard d’euros en termes de levées de fonds. Pour expliquer ce manque d’enthousiasme des fonds de capital-risque français vis-à-vis de ces acteurs, le conservatisme de certains LPs est évoqué ainsi que les complications pour "participer à une levée de fonds par émission de jetons (ICO) acquis à un tiers de confiance agréé par l’AMF."

L’industrie nationale de la crypto représente plus de 1,2 milliard d’euros en termes de levées de fonds.

Des relations toujours tendues avec les banques

Les cryptos sont en forme. La trentaine de sociétés sollicitées par KPMG France affirment avoir créé plus de 1 100 emplois directs, soit une croissance de près de 60 % sur une année, dont 80 % en France. Mais la vie du patron cryptoactif est loin d’être un long fleuve tranquille. Près de 60 % des interviewés font état de problèmes d’accès à des services de dépôt et de paiement leur permettant d’exercer leur activité dans des conditions classiques et 55 % se plaignent de la difficulté à trouver des produits d’assurance adaptés à leurs activités et besoins. Comme le mentionnent les auteurs, "la contractualisation à une responsabilité civile professionnelle n’est obligatoire que pour certaines entreprises réglementées mais elle est indispensable pour obtenir l’agrément PSAN".

Sans oublier les défis liés à l’absence d’un cadre harmonisé et à la concurrence illégale des prestataires non enregistrés auprès de l’AMF. Mais une industrie, qui devrait générer plus de 100 000 emplois directs sous dix ans, selon les auteurs de l’étude, ne devrait pas rester très longtemps sans réponses sur ces points de la part du régulateur et du législateur. La loi Pacte avait déjà instauré le statut de PSAN, après tout.

Mais une industrie, qui devrait générer plus de 100 000 emplois directs sous 10 ans, selon les auteurs de l’étude, ne devrait pas rester très longtemps sans réponses sur ces points de la part du régulateur et du législateur.

De l’utilité de se démarquer du dollar

L’étude aborde par ailleurs les enjeux de souveraineté liés aux cryptos en soulignant le danger de la position hégémonique du dollar comme monnaie internationale dans l’univers crypto. Faire émerger un "stablecoin" euro permettrait d’éviter les coûts liés au taux de change, et de ne pas dépendre de la politique monétaire des États-Unis et d’envisager une émancipation de l’extraterritorialité du droit américain. De même, l’absence de géant du secteur en France risque d’être gênante, quand Paris cherchera à faire appliquer une réglementation à des acteurs installés à l’étranger.

Emmanuelle Serrano

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