Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont fait leur rentrée à Johannesburg à la fin du mois d’août avec une feuille de route chargée. Au menu, l’accueil de nouveaux membres avec de multiples objectifs clairs et d’autres plus officieux.

Les 5 principaux pays dits "émergents" se réunissent annuellement depuis 2011 et l’invitation à l’Afrique du Sud de rejoindre l’organisation. Douze ans plus tard, ce sont six nouveaux pays (l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran) qui sont conviés à intégrer ce groupe alternatif au G7. Avec ce passage à onze membres, les BRICS pèsent dorénavant 46 % de la population mondiale et un tiers du PIB du globe.

Par ce choix, la coalition élargit sa zone d’influence économique. En somme, elle peut compter sur les investissements de deux producteurs de pétrole du Moyen-Orient, sur les marchés des deux plus grands pays d’Amérique latine et ceux des mastodontes asiatiques, mais aussi sur la consolidation de sa présence sur le continent africain. Les pays membres profiteront à coup sûr, d’une plus grande coopération financière.

L’eldorado inatteignable de la monnaie commune

Pour accentuer leur poids économique, les BRICS n’avaient pas vraiment d’autres choix que l’élargissement. Faute de marché commun, de monnaie unique ou même de normes communes, l’approfondissement des accords est rapidement apparu comme une orientation délicate. La dédollarisation et la création d’une monnaie commune ou d’échange devaient être à la base des priorités de l’agenda du sommet, mais elles ont rapidement été reportées à une prochaine échéance. Aujourd’hui, pour commercer entre eux, les BRICS doivent au préalable convertir leur monnaie en dollar, ce qui entraîne des surcoûts, mais surtout accroît la primauté américaine sur leurs échanges. Se défaire de l’étalon-dollar est un enjeu crucial pour ces économies. Une monnaie unique demande des intégrations économiques ou fiscales communes, ce qui paraît actuellement impossible entre des pays aussi différents. En revanche, ces derniers peuvent élargir leur influence géopolitique, une perspective bien plus envisageable.

Une victoire pour le président chinois Xi Jinping, qui voit dans les BRICS une manière d’asseoir son influence dans les pays du Sud 

Retour vers une économie polarisée ?

Si les bénéfices économiques de cet accord sont certains, les objectifs politiques restent à débattre. Cette expansion est une victoire pour le président chinois Xi Jinping, qui voit dans les BRICS une manière d’asseoir son influence dans les pays du Sud et de développer un second pôle économique mondial qui s’opposerait au bloc occidental. Preuve de ses ambitions, le dirigeant de l’ancien Empire du Milieu a choisi pour la première fois de ne pas se rendre à la réunion du G20 du 9 et 10 septembre 2023. En outre, la Russie de Vladimir Poutine se positionne comme le second grand gagnant de cet élargissement. Moscou continue de miser sur ces accords internationaux pour relativiser son isolement économique et financier. 

Cependant, L’Inde et le Brésil étaient, eux, plus sceptiques face à l’entrée de nouveaux membres. New Delhi notamment, qui cherche à devenir une puissance globale, leader des pays en développement, craint de voir son influence sapée par l’arrivée de ces nouveaux "alliés" chinois. Selon une source diplomatique indienne, "Nous ne voulons pas voir les BRICS se transformer en une plateforme antioccidentale qui servirait avant tout les intérêts de la Chine et de la Russie", les bases de nouvelles tensions à venir entre Pékin et New Delhi sont posées.

Les BRICS peuvent aussi prendre exemple sur l’élargissement qu’a connu l’Union européenne ces dernières années. Un plus grand nombre de membres, malgré l’attrait économique que cela représente, n’est pas forcément signe d’une plus grande unité pour peser sur la scène internationale.

Tom Laufenburger

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