Le CAC 40 a connu une forte performance au cours des dix dernières années. Il a généré un TSR de 11,4 % par an. La performance a néanmoins été très différente entre les secteurs et les entreprises. Le luxe a contribué a plus de 40 % de la croissance. Hermès a généré un TSR de plus de 20 % par an. Les vainqueurs ont actionnés les leviers stratégiques de la création de valeur.

Rappel des mécanismes de création de valeur La création de valeur est une approche dynamique et non statique : c’est la différence de valeur d’une société entre deux horizons de temps. De manière triviale, il y a création de valeur lorsqu’une entreprise transforme une maison en château ou un château en Versailles. On confond souvent valeur et création de valeur. Si l’entreprise a simplement maintenu Versailles, il n’y a pas de création de valeur. Pour qu’il y ait création de valeur, il faut qu’elle construise un nouveau Versailles. Transformer une cabane en une maison crée de la valeur si cette maison est pérenne. Si elle ne résiste pas aux tempêtes, il n’y aura pas de création de valeur. Financièrement, elle se mesure par la rentabilité annuelle totale pour l’actionnaire, le TSR, et se compare au risque pris par l’actionnaire. Pour des entreprises à faible valeur, l’enjeu est d’abord d’accroître la compétitivité puis d’accélérer la croissance, c’est-à-dire de réussir "le passage d’une cabane à une maison solide et pérenne". Pour les entreprises à forte valeur, l’enjeu est la croissance, c’est-à-dire de réussir « le passage d’un Versailles à deux Versailles ». À long terme, la croissance est donc le seul levier de création de valeur. Une entreprise qui ne croît pas régulièrement et qui n’augmente pas régulièrement sa valeur perd son attractivité et son indépendance à long terme.

Performance du CAC 40 au cours des dix dernières années

Le CAC 40 a connu une forte performance au cours des dix dernières années. Le TSR s’est élevé à 11,4 % par an. Un investissement de 1 euro fin 2012 vaut 2,80 euros fin 2022, soit un gain de 1,80 euro. La croissance économique mondiale a contribué à près de la moitié de la performance. Elle a été de 5,2 % par an au cours des dix dernières années (2,7 % de croissance en volume et 2,5 % liés à l’inflation). L’évolution des taux d’intérêt a eu peu d’impact entre 2012 et 2022. La performance financière a été très différente en fonction des industries et, à l’intérieur de chaque industrie, en fonction des entreprises. Le luxe est l’industrie qui a connu la meilleure performance avec une rentabilité pour l’actionnaire (TSR) de 17 %.

Il faudra retranscrire l’inflation dans la croissance des revenus si l’on veut maintenir les multiples

Il a contribué à plus de 40 % de la performance du CAC 40, notamment grâce à Hermès, L’Oréal et LVMH. Au sein du luxe, Hermès a connu la meilleure performance avec 22 % par an. Un investissement d’un euro fin 2012 vaut près de 40 euros fin 2022. Cette performance provient à 75 % de la croissance : 60 % de la croissance durable d’Hermès (13 % par an entre 2012 et 2022), 15 % de l’amélioration du multiple lié à l’accélération de la croissance, 20 % liés à l’amélioration de la marge et 5 % à la politique de distribution de dividendes. À l’inverse, les télécommunications ont généré une faible rentabilité pour l’actionnaire. Orange, par exemple, a généré un TSR de 7 %, 20 % provenant de l’augmentation du cours de la Bourse et 80 % de la distribution des dividendes. Cette faible performance est due à une croissance nulle et par conséquent à une baisse des multiples.

Quels enseignements tirer de la performance du CAC 40 ?

Les entreprises performantes du CAC 40 ont créé de la valeur en actionnant six grands leviers :

1. Une forte ambition de croître. Les entreprises performantes développent une culture de la croissance organique et/ou par acquisition. Elles fixent – au plus haut niveau de l’entreprise – les niveaux d’ambition pour maintenir les croissances et les TSR nécessaires au-delà de 5 ans. Elles en déduisent ensuite les stratégies (souvent disruptives) qui s’avèrent nécessaires ; en apprécient les risques ; décident et se donnent les moyens (financiers et humains) de leur mise oeuvre.

2. Une forte évolution du portefeuille d’activités. À court terme, les arbitrages d’allocations de ressources entre métiers sont diffi ciles. À long terme en revanche, un groupe qui reste dans des métiers ou des géographies structurellement en déclin, ou mal structurés sur le plan concurrentiel ou réglementaire a peu de chance de créer de la valeur. Les entreprises performantes remettent en cause régulièrement et par anticipation le mix de métiers et de géographies.

3. Une focalisation des ressources sur les segments en croissance. Il faut chercher la croissance où elle est. Elles ont un portefeuille d’activité où les pays ou les activités en forte croissance représentent plus de 35 % au moins de l’activité et où l’entreprise croît beaucoup plus vite que le marché. Elles font des choix de focalisation des ressources et, par conséquent, des choix de priorités d’investissements forts et différenciants (Capex et Opex), souvent à l’encontre de l’organisation. Elles consacrent plus de 50 % des investissements à ces segments et concentrent leurs actions sur un petit nombre d’objectifs ambitieux.

4. Des modèles d’activité plus pertinents que ceux des concurrents. Elles partent d’une vision supérieure de la dynamique des marchés, des attentes des clients, des technologies, de la dynamique des prix, des marges, des chaînes de valeur, de comment s’y insérer, voire de l’infl uencer. Elles développent des approches nouvelles et des façons de travailler différentes.

5. L’intégration des trois perspectives : stratégiques et financières, environnementales et humaines. Elles investissent davantage pour réduire l’empreinte environnementale et développer des"greens models" : occasion, location, réparation et circularité. Elles mettent en oeuvre des approches innovantes pour attirer et conserver les talents.

6. Une forte capacité opérationnelle de mise en oeuvre grâce à une clarté de la stratégie, une responsabilisation sur les enjeux clés et des prises de décision effi caces et au bon niveau. Elles concilient un pouvoir de pilotage, d’arbitrage et de contrôle fort de la part de la tête du groupe et une mise en oeuvre décentralisée des opérations.

Qu’en conclure ?

Le CAC 40 a connu une forte performance au cours des dix dernières années. Elle a été tirée par l’industrie du luxe qui a représenté 40 % de sa création de valeur. Trois entreprises, Hermès, L’Oréal et LVMH, ont contribué à plus d’un tiers. Elles ont mené des stratégies pertinentes avec une ambition de croissance. Peu de groupes croissent fortement dans la durée au-delà de la croissance moyenne de l’économie (5 % par an). Audelà des challenges stratégiques, la véritable barrière à lever est culturelle. La croissance est d’abord une décision et une ambition stratégique au plus haut niveau.

SUR L'AUTEUR

Jean Berg est président de Strategia Partners, cabinet international de conseil en stratégie basé à Paris, Zurich, New York, Seattle et Shanghai. Strategia Partners assiste les directions générales et les investisseurs dans leur stratégie de croissance et d’allocations de ressources en intégrant trois perspectives : stratégique & financière, environnementale et humaine.

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