Président de l’association France Invest depuis 2023 et du fonds d’investissement Siparex depuis quinze ans, Bertrand Rambaud revient sur les grandes tendances du capital-investissement pour 2024. Entre chantiers technologiques et nécessité environnementale, tour d’horizon d’une année qui s’annonce décisive.

Décideurs. Les financements ont diminué en 2023 avec moins de levées de fonds observées et des acteurs plutôt dans une logique de gestion de portefeuille que de réinvestissement. Est-ce que vous voyez cette tendance se maintenir ou le marché se détendre en 2024 ? 

Bertrand Rambaud. Nous allons rester dans un environnement de levées de fonds complexe, le marché va avoir besoin de temps avant de se rééquilibrer mais des aspects positifs pointent à l’horizon. La hausse des taux directeurs a eu un impact important sur toute l’économie et a contraint les allocations de nos investisseurs, mais aujourd’hui nous avons une meilleure visibilité. Les taux ne vont pas augmenter à nouveau et pourraient même baisser, ce qui rassure les acteurs et leur donne plus de marges de manœuvre. Beaucoup sont dans une stratégie de réallocation mais continuent d’analyser le marché pour dénicher les meilleures opportunités.

Le capital-investissement reste aussi une classe d’actif recherchée par les family offices et les entrepreneurs qui n’ont pas les mêmes contraintes que les institutionnels et vont donc continuer à investir dans les fonds non cotés. Sous réserve de l’environnement macroéconomique et géopolitique, je suis confiant sur notre capacité à entrer progressivement dans une période plus propice pour les levées de fonds.

Quels sont les chantiers des fonds pour répondre aux exigences de leurs LP’s ?

Comme on le dit souvent "cash is king", nous avons toujours des obligations de retour de liquidités envers nos investisseurs. En 2024, les attentes sur les aspects environnementaux et sociaux vont se perpétuer et s’intensifier. Si auparavant, nous étions dans une quête exclusive d’actifs « verts », aujourd’hui nous cherchons à accompagner les transitions d’entreprises à impact. Nos financiers nous demandent aussi de bâtir des véhicules spécialisés sur des dimensions sectorielles ou opérationnelles. Ils sont très attentifs sur les process que nous pouvons mettre en place pour accompagner les entreprises notamment sur les enjeux de décarbonation.

"Sous réserve de l’environnement macroéconomique et géopolitique, je suis confiant sur notre capacité à entrer progressivement dans une période plus propice pour les levées de fonds"

Quels secteurs vont être les plus ciblés ?

La santé, la transition énergétique vont à nouveau être des secteurs très prisés. Concernant le venture capital (VC), les stratégies d’investissement seront plus axées sur l’intelligence artificielle, l’énergie et la cyber sécurité, pour lesquels nous allons rechercher des entreprises disposant d’expertises innovantes et différenciantes. Cette logique nous demande aussi en tant qu’investisseur, une connaissance accrue des business models de nos participations pour permettre un accompagnement plus opérationnel par des équipes dédiées. C’est une nouveauté pour le capital-investissement. Le but n’est pas de prendre la place du dirigeant, mais de l’assister de la meilleure des manières dans son développement. Depuis plusieurs années, la finance est moins créatrice de valeur, c’est pourquoi pour être toujours performant, nous devons valoriser le savoir-faire de nos participations mais aussi nos propres connaissances. Accroître le résultat et le positionnement des entreprises que nous accompagnons est le vrai levier.

Quels sont les projets et ambitions de France Invest ?

Notre feuille de route est claire, nous souhaitons être toujours plus présent auprès des dirigeants d’entreprise mais aussi prêcher la parole de l’actionnariat salarié pour démocratiser l’accès à notre classe d’actifs. La réindustrialisation de l’économie française est aussi une de nos priorités. Nous devons et nous pouvons la soutenir. Je suis convaincu que nous disposons d’entrepreneurs et d’entreprises industrielles exceptionnelles, qui ont été, depuis toujours, confrontés à la pression des prix, à la recherche de productivité. Nous pouvons capitaliser dessus et l’exporter. Notre mission est de diffuser cet élan à nos membres pour profiter d’une présence plus forte sur ce segment.

Cette année marque aussi le 40e anniversaire de l’association France Invest qui est presque aussi ancienne que le private equity. Nous souhaitons continuer à consolider ce métier dans l’Hexagone, le premier pays d’Europe continentale du capital-investissement. Cet objectif passe aussi par l’adoption de l’IA et des nouvelles technologies dans nos fonctionnements pour perpétuer notre attractivité, même si notre métier restera basé sur la relation avec les entrepreneurs avant tout.

"L'IA commence à jouer un rôle pour identifier des opportunités d’investissement notamment dans le VC ou détecter les signaux faibles de certaines structures"

Justement, l’intelligence artificielle annonce un raz-de-marée qui touche tous les secteurs. Quel impact peut-elle avoir sur le capital-investissement ?

Nous travaillons beaucoup pour identifier les usages potentiels de l’IA dans notre métier. Ce qui est primordial, c’est d’être conscient de son importance mais surtout que nous ne sommes qu’aux prémices de son développement et que nous ne pouvons pas encore prévoir toutes les futures subtilités qu’elle offrira.

Elle commence à jouer un rôle pour identifier des opportunités d’investissement notamment dans le VC ou détecter les signaux faibles de certaines structures, afin d’accélérer les processus de nos opérations et constituer une aide à la décision. Enfin, l’enjeu, pour cette année et les prochaines, est celui de la data, afin de maximiser par l’IA, l’utilité de toutes les données que l’on génère tout en préservant leur confidentialité.

Propos recueillis par Tom Laufenburger


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