Le marché de l’art contemporain a vu ses prix augmenter de 400 % depuis 1998. L’investissement sur le segment représente une excellente stratégie de diversification de portefeuille. C’est pourquoi Olivier Bourdelas, président d'Inocap Gestion, lançait en janvier le premier fonds d’investissement dédié à l’art agréé par l’AMF, FrenchArtFund.

Décideurs. Pourquoi avoir lancé un fonds dans l’art ?

Olivier Bourdelas. Plusieurs facteurs, qui tournent autour de moi, ont concouru à la création de FrenchArtFund. Je suis collectionneur depuis une vingtaine d’années. J’ai transmis ce virus à mon entreprise. Depuis dix ans, nous avons créé un programme d’acquisitions d’œuvres de jeunes artistes français. Nous possédons déjà 41 pièces. Au fil du temps, nous sommes également montés en puissance sur le mécénat. Nous accompagnons trois belles institutions pour des montants significatifs. Je détiens plusieurs mandats d’administrateur dans l’art et ma femme est une photographe talentueuse. Cloîtré trois mois chez moi durant le confinement, j’ai réfléchi à la création d’une passerelle entre mon travail et ma passion. Je n’ai pas trouvé de modèles intéressants en France ou à l’étranger. En échangeant avec mon responsable du contrôle et de la conformité, il m’a dit qu’il existait dans la loi Pacte une nouvelle rubrique consacrée aux biens divers. J’ai pensé qu’il fallait nous y engouffrer.

Comment s’est passée la procédure d’agrément ?

Nous avons commencé par rédiger une extension de notre programme d’activité que nous avons déposée à l’Autorité des marchés financiers. Après trois années d’échanges nourris, l’AMF nous a délivré le premier agrément en France pour un fonds d’investissement dans l’art. Nous le déployons depuis janvier. Les difficultés étaient multiples : qui pouvait être notre banque dépositaire (c’est finalement Oddo BHF qui nous a suivis), comment contre-valorise-t-on les actifs ? comment répondre au challenge de la liquidité, créer une cartographie des risques, éviter le blanchiment, empêcher les conflits d’intérêts avec notre propre collection, etc. ? Nous avons dû faire un énorme travail de pédagogie pour que ce marché devienne familier au régulateur.

"Le fonds comportera au minimum 60 % d’œuvres d’art"

Ne craignez-vous pas d’être copié ?

Ce serait une bonne nouvelle. Être seul sur son marché, c’est inquiétant. J’émets le souhait de voir émerger deux ou trois concurrents. Toutefois, pas certain qu’ils arrivent de sitôt car nous avons un temps d’avance. Il convient également pour y parvenir de cocher de multiples cases, comme l’abondance de fonds propres,. Nous avons la chance d’avoir pu nous reposer sur notre société de gestion Inocap Gestion qui, du haut de ses 17 ans d’histoire, a la compétence, la légitimité et les moyens pour mener à bien ce projet.

Comment votre produit fonctionne-t-il ?

Le ticket d’entrée de notre fonds, qui a une durée de vie de huit ans, est fixé à 100 000 euros. Il s’agit certes d’une somme importante mais c’est un premier pas pour démocratiser l’investissement dans l’art qui reste encore l’apanage des grandes fortunes. Dans notre monde très chahuté je trouve que mettre de la culture dans le portefeuille a du sens. Le fonds comportera au minimum 60 % d’œuvres d’art. Nous allons sur le marché le plus dynamique : l’art contemporain et plus particulièrement la peinture, qui représente 75 % du marché. Pour minimiser les risques, nous investirons dans les cent premiers artistes mondiaux qui sont pour moitié américains. Le montant des œuvres sera compris entre 100 000 et 500 000 euros. Ensuite 10 % à 30 % du fonds seront investis dans des actions cotées d’entreprises en croissance qui réalisent du chiffre d’affaires avec le marché de l’art. Par exemple, le candidat naturel le plus connu ? LVMH. Louis Vuitton a notamment créé une collaboration avec l’artiste Yayoi Kusama. Nous n’avons pas vocation à réinventer la roue mais à prendre le minimum de risques et garantir un maximum de liquidités.

Comment allez-vous acheter et revendre les œuvres ?

Nous allons les acheter et les revendre de la même façon, de manière opportuniste, c’est-à-dire en utilisant tous les intermédiaires à notre disposition : galeries, ventes privées et aux enchères, successions, etc. Nous travaillons avec le groupe Chenue pour les stocker. Nous allons également prêter des œuvres pour des expositions. Ce qui nous permettra de les valoriser sans frais, l’assurance étant prise en charge par les organisateurs. D’ailleurs, pour notre sélection nous regardons en avance les grandes manifestions liées à l’art contemporain afin d’anticiper les œuvres qui s’apprécieront. Nous garderons les pièces entre quatre et dix ans.

Au bout de combien de temps les investisseurs peuvent-ils sortir du fonds ?

Il faut attendre le débouclage du produit, soit huit ans, pour être remboursé et obtenir sa plus-value. C’est pourquoi nous avons inventé le dividende culturel. Chaque année, vingt-quatre opportunités artistiques seront proposées aux souscripteurs du fonds : visite de musée et d’ateliers d’artistes, invitations VIP pour des vernissage avec les commissaires d’exposition, des soirées privées autour des œuvres, etc.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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