Axées sur des principes de volontarisme du dirigeant et de confidentialité des négociations, les procédures préventives, encore trop souvent ignorées des dirigeants, constituent des outils incontournables pour faire face aux difficultés des entreprises et notamment afin de restructurer les Prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Depuis le début de l’année 2023, le nombre de procédures ouvertes par les tribunaux s’élevait à 62 918, avec 55 096 procédures collectives (soit une hausse de 32,8 % entre 2022 et 2023) et 7 822 procédures de prévention des difficultés (soit une hausse de 4,5 % sur la même période). La France enregistre l’un des pires quatrièmes trimestres sur les trente dernières années puisque 16 820 défaillances ont été enregistrées sur cette période. L’année 2023 reste cependant encore loin des référentiels de crises historiques.

La procédure de mandat ad hoc

Né de la pratique des tribunaux de commerce avant d’être codifié par la loi, le mandat ad hoc est doté d’une grande souplesse permettant à un débiteur rencontrant des difficultés de tout ordre, sans être en cessation des paiements, de solliciter l’aide d’un mandataire de justice, dont la mission sera fixée par le président du tribunal selon les demandes du dirigeant. Non limité dans le temps, le mandat ad hoc a également l’avantage de pouvoir être utilisé comme un préalable à la procédure de conciliation, qui, d’une durée bien plus brève (4 ou 5 mois), doit aboutir à la rédaction d’un accord visant à mettre fin aux difficultés de la société.

La procédure de conciliation

Créée par la loi de 2005, la conciliation vise à aider un débiteur, qui ne doit pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de 45 jours, sous l’égide d’un conciliateur désigné par le président du tribunal, dont la mission est de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que ses cocontractants habituels, d’un accord amiable devant mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Strictement confidentielle, cette procédure empêche que les difficultés ne se répandent sur la place publique. Les créanciers (y compris les organismes publics) pourront, dans ce cadre, consentir des remises de dettes et des délais de paiement.

Strictement confidentielle, cette procédure empêche que les difficultés ne se répandent sur la place publique

Par ailleurs, la conciliation permet au débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier au cours de la procédure, sous certaines conditions, de demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil, lequel prévoit l’obtention d’un délai maximum de 24 mois pour régler la dette. Ces négociations confidentielles aboutiront à un accord constaté par le président ou homologué par le tribunal, interrompant durant son exécution, toute action ou poursuite sur le patrimoine du débiteur. Comparativement, l’accord constaté est plus souple que l’accord homologué, en ce qu’il est fonction des seules déclarations du dirigeant, non soumis à publication et non susceptible de recours. Néanmoins, l’accord homologué offre plus de sécurité aux créanciers, puisqu’il tend à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise sans atteindre l’intérêt des créanciers non-signataires et reste susceptible de recours. De plus, en cas de procédure collective ultérieure, un privilège de conciliation est offert aux personnes ayant apporté de la trésorerie. Enfin, la date de cessation des paiements ne pourra être fixée antérieurement à la date d’homologation de l’accord de conciliation, ce qui aura pour effet d’impacter le régime des nullités de la période suspecte et d’avoir une incidence sur les éventuelles sanctions engagées à l’encontre du dirigeant.

En sus de ces schémas "classiques", la conciliation peut préparer un plan soumis au vote des créanciers, qui sera adopté par le tribunal dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée ("prepackaged plan"). En outre, depuis l’ordonnance de 2014, une cession partielle ou totale de l’entreprise ("prepack cession"), après avis des créanciers participants, peut être mise en oeuvre dans le cadre d’une procédure collective ultérieure. Ainsi, le chef d’entreprise dispose aujourd’hui de nombreux instruments lui permettant d’anticiper les difficultés de son entreprise. Toutefois, la mise en oeuvre de ces procédures repose sur une démarche volontariste du dirigeant. Il lui est donc impératif d’agir en amont sans attendre que le risque ne se réalise, prenant ainsi à contre-pied Machiavel pour qui "l’habituel défaut de l’homme est de ne pas prévoir l’orage par beau temps".

L’utilisation de la procédure de conciliation pour restructurer les PGE

Les prêts garantis par l’État ont été mis en place initialement pour aider les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de la Covid-19. Les établissements bancaires ont ainsi accordé des prêts avec une garantie de l’État donnée pour une quotité variable en fonction de la taille de l’entreprise. Avec ce type de prêt, aucun remboursement n’est demandé la première année mais celui-ci s’effectue ensuite sur une durée de six ans maximum. Néanmoins, certaines entreprises se trouvent aujourd’hui confrontées à des difficultés liées au remboursement de leur PGE ou craignent de ne pas être en mesure de faire face aux échéances de remboursement à venir. Ces entreprises ont alors tout intérêt à avoir recours aux différents outils de prévention des difficultés mis à leur disposition pour restructurer leur PGE. Aussi, par un arrêté du 8 juillet 2021 portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020, relatif à l’octroi des PGE, il est désormais permis d’envisager la restructuration et l’allongement du remboursement des PGE sur dix ans (au lieu de six ans) dans le cadre d’une procédure de conciliation. En sollicitant une procédure de conciliation pour restructurer leur PGE supérieur à 50 000 € (en deçà il est possible de recourir au médiateur du crédit), les entreprises en difficulté pourront ainsi renégocier le délai de remboursement de leur PGE en bénéficiant du maintien de la garantie de l’État, dans un cadre confidentiel visà- vis des autres créanciers non appelés à la procédure.

SUR L'AUTEUR

Edouard Tricaud est associé de Saint-Louis Avocats, cabinet de référence en droit des entreprises en difficulté. Saint-Louis Avocats assiste les entreprises et dirigeants dans le cadre de procédures préventives et collectives, tout en disposant d’une solide expertise auprès des administrateurs et mandataires judiciaires.

 

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