Par Vincent Guinot, avocat associé. Lacourte Raquin Tatar
Le livre III du code de l’urbanisme -dédié à «?l’aménagement foncier?» - fait figure «?d’ancien?», sa dernière refonte remontant à la loi de finances rectificative du 29?décembre 2010 ayant substitué la taxe d’aménagement à la taxe locale d’équipement et progressivement supprimé les participations sectorielles (PVR, PAE, etc.). La loi Alur du 24?mars 2014 ne revient pas sur cette réforme réussie. Mais par petites touches formant un «?tableau impressionniste?» (1) , elle modernise le droit de l’aménagement.

Le livre III du code de l’urbanisme -dédié à «?l’aménagement foncier?» - fait figure «?d’ancien?», sa dernière refonte remontant à la loi de finances rectificative du 29?décembre 2010 ayant substitué la taxe d’aménagement à la taxe locale d’équipement et progressivement supprimé les participations sectorielles (PVR, PAE, etc.). La loi Alur du 24?mars 2014 ne revient pas sur cette réforme réussie. Mais par petites touches formant un «?tableau impressionniste?» (1) , elle modernise le droit de l’aménagement.
Deux mesures illustrent ce mouvement.

Concerter en aval pour «?désamorcer?» le contentieux en amont
La concertation préalable est une procédure souple d’information du public sur l’évolution de documents d’urbanisme, et sur certains projets d’aménagement, construction et travaux. Ses modalités sont librement fixées par l’administration. Il s’agit de présenter aux habitants/associations un projet déterminé, de recueillir leurs observations et, le cas échéant, le faire évoluer. Cette procédure s’achève lorsque le projet est «?arrêté?», et laisse place, le cas échéant, à l’enquête publique.
La loi Alur procède à une extension du champ d’application de la procédure de concertation préalable qui concernera également «?les projets et opérations d'aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie, notamment ceux susceptibles d'affecter l'environnement, au sens de l'article L.122-1 du code
de l'environnement…?».
Un décret viendra donc prochainement réécrire l’article R.300-1 pour soumettre à concertation préalable tout ou partie des projets devant faire l’objet d’une étude d’impact en application du code de l’environnement.

Une procédure de concertation préalable facultative
La loi Alur crée une procédure de concertation préalable facultative (2) pour permettre à tout projet (public ou privé) soumis à permis de construire ou d’aménager de faire l’objet d’une concertation, alors pourtant que cette formalité n’est pas exigée par le texte. Celle-ci devra être réalisée avant le dépôt de la demande de permis, «?à l'initiative de l'autorité compétente pour statuer sur la demande de permis?» ou bien, avec son accord, à l'initiative du maître d'ouvrage. Le texte ne précise pas comment cette «?initiative?» sera prise par l’autorité compétente, en particulier lorsque l’opérateur n’aura pas pris soin de présenter aux élus et/ou aux services instructeurs son projet avant le dépôt de sa demande de permis.
Le dossier mis à la concertation devra comporter un dossier de présentation précisant la localisation, la destination et les caractéristiques des constructions/aménagements, l’avant-projet architectural, les conditions de desserte du projet par les équipements publics et l’aménagement prévu des abords.
Le bilan de la concertation sera établi par l’autorité compétente pour statuer sur la demande de permis (le maire dans l’immense majorité des cas) et joint à la demande de permis.
Il faut souligner que, dans l’hypothèse où un projet ayant fait l’objet d’une concertation préalable facultative est soumis à étude d'impact, alors «?il n'y [aura] pas lieu d'organiser d'enquête publique?». Pour que cette mesure puisse avoir un effet «?simplificateur?», il faudra que le futur article R.300-1 étende le champ de la procédure de concertation préalable obligatoire aux seuls projets soumis de plein droit à étude d’impact (3). Ainsi, dans l’hypothèse où l’autorité environnementale exige la réalisation d’une étude d’impact et que le projet fait l’objet d’une concertation préalable (facultative), la dispense d’enquête publique prendra tout son sens. Dans une telle hypothèse, l’étude d’impact, le dossier de permis et le bilan de la concertation feront «?l'objet d'une mise à disposition du public?» (4), et ce, pendant l’instruction de la demande de permis (5).
Enfin, il faut relever que le conseil municipal (ou l’EPCI) pourra délibérer pour définir les projets qui, compte tenu de leur importance, de leur impact potentiel sur l’aménagement de la commune ou de la sensibilité de leur localisation, sont obligatoirement soumis à la procédure de concertation préalable... laquelle perdra donc son caractère facultatif.
Fondamentalement, l’idée de cette intéressante mesure est de favoriser le dialogue et la concertation en amont, dans le but d’informer le public et, le cas échéant, de faire évoluer le projet de l’opérateur, afin de limiter – en aval- le contentieux. Le législateur n’a toutefois pas retenu la proposition des professionnels de l’immobilier qui souhaitaient que – comme cela existe dans d’autres pays- un riverain ne puisse contester au contentieux un projet s’il ne s’est pas manifesté à l’occasion de la concertation ou de l’enquête publique.

La modernisation du projet urbain partenarial (PUP)
La loi Alur apporte une modification intéressante au PUP, en permettant à l’autorité compétente (par ex. : le conseil municipal) de définir, par délibération, un "périmètre de PUP". Plus précisément, lorsque des équipements publics ayant vocation à faire l'objet d'une première convention de PUP desservent d’autres terrains, la collectivité pourra fixer les modalités de partage du coût des équipements et délimiter un périmètre à l'intérieur duquel les propriétaires, aménageurs ou constructeurs participeront, dans le cadre de conventions, à la prise en charge de ces équipements publics (6).
On retrouve un peu le mécanisme de l’ancien programme d’aménagement d’ensemble (PAE), tout en conservant au PUP la souplesse qu’on lui connaît.
La loi Alur invite enfin l’opérateur et la collectivité à faire le lien entre PUP et concertation préalable facultative, le premier pouvant proposer à la seconde de «?débattre?» sur son projet, sans pour autant en tirer de conséquence juridique particulière ; si ce n’est que de ce «?débat?» pourra naître l’idée de soumettre ledit projet à la procédure de concertation préalable.

1 Selon la formule du Professeur Jégouzo, AJDA 2014,
p. 1071
2 C. urb. article L.300-2 III bis
3 Le tableau annexé à l’article R.122-2 du C. envir. distingue les projets soumis de plein droit à étude d’impact, et ceux pouvant être soumis à une telle formalité, au terme d’un "examen au cas par cas" ; étant rappelé que lorsqu’un projet est soumis à étude d’impact, il doit nécessairement faire l’objet d’une enquête publique.
4 C. envir. L.120-1-1 II
5 Il y a là une exception notable au caractère non communicable du dossier de demande de permis pendant son instruction.
6 Cf. article L.332-11-3 du code de l’urbanisme.



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