Les investissements publics sont de plus en plus difficiles à mobiliser et il est utile de recourir aux acteurs privés
Décideurs. Vous participez au projet Clichy-Batignolles qui s’inscrit dans une série de grands projets parisiens. Les mégalopoles sont-elles l’avenir des villes ?
F. G.
Oui et non ! Les mégalopoles semblent prépondérantes, mais toutes les villes méritent d’être considérées, même les plus petites. En France, celles-ci connaissent beaucoup de difficultés. Les villes constituent un réseau avec des différences importantes entre elles. Je suis très attaché à la singularité de chacune. Notre système et notre culture française restent très centralistes, si onles compare à nos voisins. Nous ne devrions pas privilégier seulement les grandes villes et négliger les plus petites.

Décideurs. Quels pourraient être les leviers de développement pour interrompre ce phénomène ?
F. G.
C’est l’effet d’une longue culture très pyramidale et centralisatrice, qu’il est difficile d’inverser. Les pays de tradition fédérale ont aujourd’hui un système urbain plus souple : c’est un avantage indéniable. Il serait bon de prendre conscience des qualités de nos villes moyennes qui souffrent économiquement. La plupart perdent des ressources, des emplois, alors qu’elles représentent souvent un patrimoine urbain très important. C’est une richesse acquise pour un pays. Si l’on compare avec l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ou l’Espagne, on se rendrait compte que ces petites cités ont des avantages à exploiter.

Décideurs. Les opérateurs privés sont-ils en train de prendre trop de place dans la réalisation de projets urbains d’envergure ?
F. G.
Non, au contraire. Les investissements publics sont de plus en plus difficiles à mobiliser et il est utile de recourir aux acteurs privés. Cela s’inscrit dans une longue tradition française d’aménagement qui associe public et privé dans des conditions positives. Mais il existe des projets urbains entièrement remis aux mains d’opérateurs privés, sur la base d’accords contractuels. Cependant, les transformations de la ville sont des aventures complexes et longues. Il n’est pas souhaitable de s’en remettre longtemps à un contrat initial, comme pour une simple opération immobilière. En France, peu d’aménagements urbains sont conduits exclusivement par le privé. Il y a quelques exemples… Je pense que la part du privé est importante, mais il convient de départager (on départage quelque chose de quelque chose) ce qui relève de l’intérêt collectif le plus essentiel dans la conduite d’un projet, qui doit continuer à être porté par des responsables élus. Ensuite, les réalisations complémentaires peuvent être développées sous la forme d’accords avec le privé.

Décideurs. Le projet Clichy-Batignolles peut-il devenir un exemple d’éco-quartier?
F. G.
Il s’agit d’un projet de la Mairie de Paris avec des acquisitions foncières, une restructuration des infrastructures ferroviaires, la création d’un parc de dix hectares, une majorité de logements sociaux, des équipements publics… Le terme d’éco-quartier, qui ne répond à aucun critère, est très galvaudé. Je me méfie des succès de vocabulaire. Aujourd’hui, le moindre lotissement est un éco-quartier ! Les ambitions environnementales de Clichy-Batignolles sont exceptionnellement fortes, surtout pour un projet en ville dense, en centre-ville. Elles ont été fixées par la ville dès le début du projet, au moment de la candidature olympique.
En ce qui concerne l’énergie, le but est d’arriver à un bilan de CO2 nul avec beaucoup de conditions techniques, un recours systématique aux énergies renouvelables, avec la géothermie, le photovoltaïque… Plus que des objectifs, il s’agit d’engagements codifiés dans le « plan climat » de la mairie, vérifiés à chaque étape des réalisations.

Décideurs. Comment imaginez-vous la ville du futur ?
F. G.
En plaisantant à peine, j’ai envie de dire que c’est pour beaucoup la ville d’aujourd’hui, avec de nouvelles avancées ! Je crois que la ville est vivante, qu’elle se transforme et porte en même temps son passé et son devenir. Les transformations se font dans l’existant et en partie dans des développements nouveaux, sous de multiples formes. Nous avons l’habitude de travailler sur des projets qui sont engagés dans un contexte connu, mais qui sont développés pendant plusieurs dizaines d’années. Dans cinquante ans, j’espère que les villes continueront à ressembler à ce qu’elles sont maintenant, en gardant leur personnalité, leur singularité. Il y aura des transformations, petites et grandes ; mais il est impossible d’imaginer une ville du futur comme s’il s’agissait de villes nouvelles. Les évolutions à envisager seront surtout celles de la société et des modes de vie, qui changent très rapidement. Le cadre urbain est long à constituer, il se transforme et change moins vite que nos comportements individuels et collectifs.

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