Par Hélène Gelas, avocat associé. CGR Legal 
La loi Pinel du 18 juin, publiée au Journal officiel du 19 juin, réunit enfinl’urbanisme et l’aménagement commercial. Il n’est toutefois pas certain que la simplification voulue soit vraiment au rendez-vous et passe notamment l’épreuve du contentieux.

Au moment où la loi Pinel vient d’être publiée au Journal officiel du 19 juin, il est permis de s’interroger sur le traitement réservé à ce qui a pu être appelé l’urbanisme commercial, l’équipement commercial ou encore l’aménagement commercial au gré des différentes législations qui ont cherché, depuis 1973 et la loi Royer en passant par les lois Raffarin ou encore LME, à encadrer la création de commerces. Maintenant l’appellation Aménagement commercial, la loi dite Pinel promet désormais un retour à l’imbrication de l’aménagement commercial dans l’urbanisme. De là à prédire le retour aux CDUC voire à procéder à la dilution de l’aménagement commercial dans l’urbanisme de droit commun, il n’y avait qu’un pas que la loi Pinel n’a toutefois pas entendu franchir. Loin des retouches réalisées au fil des années en la matière, la dernière étant extrêmement récente puisqu’elle tenait à la soumission des Drives à autorisation, issue, il y a quelques semaines seulement, de la loi Alur adoptée le 24?mars 2014, la loi Pinel inclut un chapitre spécifique intitulé «?Simplification et modernisation de l’aménagement commercial?». A priori, donc, la loi Pinel opère un rapprochement attendu et salvateur entre urbanisme et aménagement commercial.

Une simplification limitée
La principale mesure de la loi réside, en effet, dans la réunion des permis de construire et des autorisations d’aménagement commercial. Comme l’indique le rapport de la Commission mixte paritaire, il s’agit de l’«?Intégration de l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun?». L’intention n’est pas nouvelle et est louable. Il reste à savoir si cette «?intégration?» voulue par la loi est réelle et si elle sera source de simplification. Désormais, l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme disposera que «?le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable?» de la CDAC ou de la CNAC. Le permis de construire et l’autorisation d’aménagement commercial coexistent donc, enfin, au sein d’une même procédure. Pour autant, on peut s’interroger sur le point de savoir si cette seule disposition est de nature à simplifier l’aménagement commercial ou si l’État ne s’est pas arrêté au milieu du chemin. En effet, comme le texte l’indique, le permis de construire «?tient simplement lieu?» d’autorisation d’aménagement commercial. La logique de simplification n’est donc pas tout à fait poussée jusqu’à son terme, ce qui aurait consisté à purement et simplement supprimer l’autorisation d’aménagement commercial au bénéfice du permis de construire. Dans le cadre de l’instruction du permis, l’autorité compétente aurait alors dû également apprécier la conformité du projet aux critères posés par le code de commerce. Tel n’est pas le cas, il ne s’agit pas ici, strictement, d’une autorisation unique mais seulement d’un instrumentum unique.

Une complexification de la gestion des contentieux
Si l’on peut y voir une avancée vers la voie de la simplification, puisqu’il n’y aura qu’une seule instruction à l’issue de laquelle un acte unique sera délivré au pétitionnaire, le maintien de deux autorisations répondant à des législations indépendantes n’ira pas sans poser de difficultés, notamment contentieuses, et ne saurait aboutir à une réelle simplification. Ainsi, par exemple, le nouvel article L. 425-4 du code de l’urbanisme prévoit que la saisine de la CNAC deviendra un préalable obligatoire pour tous les requérants entendant contester la légalité d’un permis de construire tenant également lieu d’autorisation d’aménagement commercial. Ce recours préalable s’ajoutera d’ailleurs à la possibilité offerte aux tiers intéressés d’introduire un recours devant la CNAC dans le délai d’un mois contre l’avis rendu par la CDAC. Un tel recours préalable aura donc pour effet de reporter la date à laquelle le recours contentieux pourra être introduit ce qui retardera d’autant plus l’adoption d’une décision définitive par la juridiction administrative et ce, alors que la CNAC saisie dans le cadre de ce recours préalable n’aura pas compétence pour statuer sur l’ensemble des moyens pouvant être soulevés contre un permis de construire.
Par ailleurs, la coexistence entre ces deux autorisations, reposant sur deux législations distinctes, pose encore la question de l’intérêt pour agir des tiers contre le permis de construire valant autorisation d’aménagement commercial. Sur ce point, la loi Pinel apporte quelques précisions puisqu’elle crée un nouvel article L. 600-1-4 au code de l’urbanisme qui souligne que les tiers présentant un intérêt pour agir contre un permis de construire ne pourront soulever que des moyens tenant à l’application du code de l’urbanisme contre la nouvelle autorisation. Inversement, les tiers présentant un intérêt pour agir contre une autorisation d’aménagement commercial ne seront susceptibles de soulever que des moyens issus du code de commerce contre cette nouvelle autorisation. Il s’agit donc bien de tirer les conséquences de ce qu’il n’y a pas d’autorisation unique mais simplement un instrumentum unique derrière lequel coexistent deux autorisations distinctes et duquel découlent deux intérêts pour agir distincts. Il appartiendra donc à la CNAC puis au juge administratif de faire le départ entre les intérêts pour agir des tiers, ce qui n’ira pas sans difficulté pratique.
Au surplus, la gestion des instances s’en trouvera compliquée. En effet, la recevabilité d’un tiers n’ayant intérêt pour agir qu’à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme ne sera pas conditionnée par l’introduction préalable d’un recours devant la CNAC, au contraire d’un tiers ayant intérêt pour agir à l’encontre de l’autorisation d’aménagement commercial. Les deux recours seront donc introduits à des dates différentes, pouvant être séparées de plusieurs mois. Bien que la loi ne le précise pas, on supposera qu’un tiers présentant un intérêt pour agir sous l’empire des deux législations pourra attendre que la CNAC se prononce dans le cadre du recours préalable obligatoire avant de saisir le juge administratif et pouvoir soulever des moyens tenant également à l’application du droit de l’urbanisme. La simplification promise par la loi Pinel pourrait donc n’être apparente. L’ajout de nouveaux critères d’appréciation ainsi que les dispositions tenant à la modification du projet de création de surfaces de vente ne sont également pas de nature à accélérer les procédures.
La pratique apportera peut-être des éclaircissements, avant qu’une nouvelle législation n’en tire, le cas échéant, les conséquences.

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