Par François Lugand et Franck Llinas, avocats associés. Arsene Taxand
2012 : la fin d’un cycle fiscal dans l’immobilier??
Comme chaque début d’année, la loi de finances apporte son lot de nouvelles mesures fiscales que les professionnels de l’immobilier attendent avec impatience ou anxiété. Entre le besoin d’augmenter les recettes fiscales et le nécessaire soutien à certains secteurs en difficulté, l’inflation des mesures techniques continue et mérite que l’on s’attarde sur les principales.
L’année 2011 aura été prolifique : quatre lois de finances rectificatives pour 2011 et une loi de finances pour 2012 dans le but de resserrer l’étau fiscal autour du contribuable. L’immobilier n’est pas épargné. La voie de la fiscalité immobilière avait été ouverte par l’éminent professeur Jean Schmidt, il avait démontré le caractère cyclique des règles fiscales et du marché de l’immobilier. Suivant son exemple, nous pensons que 2011 et 2012 marquent certainement la rupture d’un cycle très favorable à l’immobilier. Notamment dans le domaine de l’immobilier professionnel. Nous faisons la chronique synthétique des principales mesures concernant les entreprises.
Un coup de rabot qui n’épargne pas l’immobilier…
La mesure phare de ce millésime 2012 concerne l’assiette du droit d’enregistrement dû à l’occasion de la cession de titres de société à prépondérance immobilière (SPI). Après une extension du champ d’application territorial l’an dernier, le législateur s’attaque maintenant à l’assiette. Constituée auparavant par la valeur réelle des titres, la base imposable sera maintenant calculée en fonction de la valeur réelle de l’ensemble des actifs de la société dont les titres sont cédés déduction faite de la seule dette afférente à l’acquisition des biens et droits immobiliers.
Cette réforme a été officiellement conçue comme un dispositif anti-abus. La mesure nous semble toutefois disproportionnée par rapport à l’objectif. Elle soulèvera des difficultés pratiques compte tenu de sa rédaction. En effet, faudra-t-il exclure les dettes liées aux travaux immobiliers comme les travaux de construction ou de restructuration lourde ? De même, qu’en sera-t-il de la SPI qui a refinancé sa dette d’acquisition ? Par ailleurs, cette rédaction méconnaît le cas particulier des portefeuilles immobiliers où le financement est lié à l’acquisition des titres de la SPI et non aux immeubles. Si l’on peut comprendre l’esprit de cette mesure, il semble que la lettre du texte s’en éloigne fortement. Les commentaires de l’administration fiscale sont donc très attendus sur le nouveau texte, espérons qu’elle fasse preuve de pragmatisme.
En définitive et à l’instar du traitement des plus-values de cession, on assiste à un rapprochement constant entre le traitement fiscal réservé à l’acquisition des immeubles et des titres de SPI, voire dans certains cas à un alignement du montant du droit d’enregistrement dû (acquisition d’une holding de participations selon la lettre du nouveau texte). La «?niche fiscale?», alléguée par Bercy, de la cession de titres ne laissera bientôt plus entrer un fiscaliste !
Le régime SIIC ainsi que son environnement fiscal ont également connu un durcissement. Les discussions parlementaires ont porté sur des réformes visant à la fois sur les actionnaires personnes physiques et personnes morales. Les propositions concernant les personnes physiques ont été adoptées : les dividendes distribués issus de bénéfices exonérés de SIIC sont, dès 2011, obligatoirement imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu sans abattement de 40?%. Par ailleurs, les titres de SIIC ne peuvent plus être inscrits sur un PEA à partir du 21?octobre 2011.
S’agissant des investisseurs «?corporate?», le projet d’instauration d’un impôt de distribution de 33,33?%, qui nous avait plongés dans la stupeur tant il est contraire au principe de «?transparence?» des sociétés SIIC, n’a finalement pas été présenté aux parlementaires. Cela permet au régime SIIC français de conserver un attrait indéniable sur la scène européenne, favorisant ainsi l’animation de ce secteur qui pourrait rester fort dynamique en 2012 tout en restant une source pérenne de recettes fiscales, contrairement aux idées reçues.
En revanche et comme annoncé, les dispositions de l’article 210 E permettant une imposition à taux réduit de 19?% de certaines plus-values de cessions immobilières réalisées au profit principalement de SIIC, d’OPCI et de SCPI n’ont pas été reconduites pour l’année 2012. Cette mesure qui existait depuis 2005 a rencontré un large succès et, comme à toute extinction de régime incitatif, a considérablement dopé les opérations du second semestre 2011.
…mais un coup de pouce pour le résidentiel, en lot de consolation ?
En effet, comme pour laisser sa trace, le régime 210 E ne meurt pas complètement : un peu de son esprit survit, avant - qui sait ? - la résurrection, au travers d’un nouveau dispositif codifié sous l’article 210 F du code général
des impôts.
On savait en effet que Bercy souhaitait garder une mesure favorable à la restructuration des immeubles. Longtemps promis à la réhabilitation d’actifs aux normes environnementales, ce régime de faveur a finalement été accordé aux transformations d’actifs professionnels en logements. Tenant certainement compte de la fin du régime Scellier dans un contexte de pénurie grave de logements, le législateur a souhaité stimuler le secteur et favoriser une sorte de remembrement au profit du résidentiel. Le 210 F permet ainsi aux vendeurs de bureaux ou de commerces soumis à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un taux réduit de 19?% sur les plus-values réalisées entre le 1er?janvier 2012 et le 31?décembre 2014, sous réserve que l’acheteur prenne l’engagement de transformer les locaux en logements. Comme pour le régime 210 E, si le taux réduit d’imposition est définitivement acquis aux vendeurs, une sanction de 25?% du prix d’acquisition sera supportée par l’acheteur en cas de non-respect de son engagement de transformation dans le délai requis. Ce nouveau régime concerne les cessions réalisées au profit de l’ensemble des personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés ainsi que les organismes en charge du logement social et les SIIC/OPCI/SCPI. Les promoteurs apprécieront… Enfin, gageons qu’au-delà du régime fiscal, une forte volonté politique accompagnera ce dispositif pour faciliter les autorisations administratives en vue de telles transformations.
Parmi les mesures de soutien au secteur du logement, citons également les cessions de droits de surélévation d’immeuble qui pourront être intégralement exonérées d’impôt sous condition de création de locaux d’habitation.
En 2012, si l’on suit la politique fiscale, on mesurera les avantages des «?share deals?» à la loupe, on consolidera raisonnablement ses positions dans les SIIC, on investira dans le résidentiel et … on attendra activement le mois de mai pour savoir si nous sommes au milieu ou au bout du cycle.
L’année 2011 aura été prolifique : quatre lois de finances rectificatives pour 2011 et une loi de finances pour 2012 dans le but de resserrer l’étau fiscal autour du contribuable. L’immobilier n’est pas épargné. La voie de la fiscalité immobilière avait été ouverte par l’éminent professeur Jean Schmidt, il avait démontré le caractère cyclique des règles fiscales et du marché de l’immobilier. Suivant son exemple, nous pensons que 2011 et 2012 marquent certainement la rupture d’un cycle très favorable à l’immobilier. Notamment dans le domaine de l’immobilier professionnel. Nous faisons la chronique synthétique des principales mesures concernant les entreprises.
Un coup de rabot qui n’épargne pas l’immobilier…
La mesure phare de ce millésime 2012 concerne l’assiette du droit d’enregistrement dû à l’occasion de la cession de titres de société à prépondérance immobilière (SPI). Après une extension du champ d’application territorial l’an dernier, le législateur s’attaque maintenant à l’assiette. Constituée auparavant par la valeur réelle des titres, la base imposable sera maintenant calculée en fonction de la valeur réelle de l’ensemble des actifs de la société dont les titres sont cédés déduction faite de la seule dette afférente à l’acquisition des biens et droits immobiliers.
Cette réforme a été officiellement conçue comme un dispositif anti-abus. La mesure nous semble toutefois disproportionnée par rapport à l’objectif. Elle soulèvera des difficultés pratiques compte tenu de sa rédaction. En effet, faudra-t-il exclure les dettes liées aux travaux immobiliers comme les travaux de construction ou de restructuration lourde ? De même, qu’en sera-t-il de la SPI qui a refinancé sa dette d’acquisition ? Par ailleurs, cette rédaction méconnaît le cas particulier des portefeuilles immobiliers où le financement est lié à l’acquisition des titres de la SPI et non aux immeubles. Si l’on peut comprendre l’esprit de cette mesure, il semble que la lettre du texte s’en éloigne fortement. Les commentaires de l’administration fiscale sont donc très attendus sur le nouveau texte, espérons qu’elle fasse preuve de pragmatisme.
En définitive et à l’instar du traitement des plus-values de cession, on assiste à un rapprochement constant entre le traitement fiscal réservé à l’acquisition des immeubles et des titres de SPI, voire dans certains cas à un alignement du montant du droit d’enregistrement dû (acquisition d’une holding de participations selon la lettre du nouveau texte). La «?niche fiscale?», alléguée par Bercy, de la cession de titres ne laissera bientôt plus entrer un fiscaliste !
Le régime SIIC ainsi que son environnement fiscal ont également connu un durcissement. Les discussions parlementaires ont porté sur des réformes visant à la fois sur les actionnaires personnes physiques et personnes morales. Les propositions concernant les personnes physiques ont été adoptées : les dividendes distribués issus de bénéfices exonérés de SIIC sont, dès 2011, obligatoirement imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu sans abattement de 40?%. Par ailleurs, les titres de SIIC ne peuvent plus être inscrits sur un PEA à partir du 21?octobre 2011.
S’agissant des investisseurs «?corporate?», le projet d’instauration d’un impôt de distribution de 33,33?%, qui nous avait plongés dans la stupeur tant il est contraire au principe de «?transparence?» des sociétés SIIC, n’a finalement pas été présenté aux parlementaires. Cela permet au régime SIIC français de conserver un attrait indéniable sur la scène européenne, favorisant ainsi l’animation de ce secteur qui pourrait rester fort dynamique en 2012 tout en restant une source pérenne de recettes fiscales, contrairement aux idées reçues.
En revanche et comme annoncé, les dispositions de l’article 210 E permettant une imposition à taux réduit de 19?% de certaines plus-values de cessions immobilières réalisées au profit principalement de SIIC, d’OPCI et de SCPI n’ont pas été reconduites pour l’année 2012. Cette mesure qui existait depuis 2005 a rencontré un large succès et, comme à toute extinction de régime incitatif, a considérablement dopé les opérations du second semestre 2011.
…mais un coup de pouce pour le résidentiel, en lot de consolation ?
En effet, comme pour laisser sa trace, le régime 210 E ne meurt pas complètement : un peu de son esprit survit, avant - qui sait ? - la résurrection, au travers d’un nouveau dispositif codifié sous l’article 210 F du code général
des impôts.
On savait en effet que Bercy souhaitait garder une mesure favorable à la restructuration des immeubles. Longtemps promis à la réhabilitation d’actifs aux normes environnementales, ce régime de faveur a finalement été accordé aux transformations d’actifs professionnels en logements. Tenant certainement compte de la fin du régime Scellier dans un contexte de pénurie grave de logements, le législateur a souhaité stimuler le secteur et favoriser une sorte de remembrement au profit du résidentiel. Le 210 F permet ainsi aux vendeurs de bureaux ou de commerces soumis à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un taux réduit de 19?% sur les plus-values réalisées entre le 1er?janvier 2012 et le 31?décembre 2014, sous réserve que l’acheteur prenne l’engagement de transformer les locaux en logements. Comme pour le régime 210 E, si le taux réduit d’imposition est définitivement acquis aux vendeurs, une sanction de 25?% du prix d’acquisition sera supportée par l’acheteur en cas de non-respect de son engagement de transformation dans le délai requis. Ce nouveau régime concerne les cessions réalisées au profit de l’ensemble des personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés ainsi que les organismes en charge du logement social et les SIIC/OPCI/SCPI. Les promoteurs apprécieront… Enfin, gageons qu’au-delà du régime fiscal, une forte volonté politique accompagnera ce dispositif pour faciliter les autorisations administratives en vue de telles transformations.
Parmi les mesures de soutien au secteur du logement, citons également les cessions de droits de surélévation d’immeuble qui pourront être intégralement exonérées d’impôt sous condition de création de locaux d’habitation.
En 2012, si l’on suit la politique fiscale, on mesurera les avantages des «?share deals?» à la loupe, on consolidera raisonnablement ses positions dans les SIIC, on investira dans le résidentiel et … on attendra activement le mois de mai pour savoir si nous sommes au milieu ou au bout du cycle.