Ancienne présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et ancienne ministre, Chantal Jouanno suit d’un oeil averti les négociations de la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP 21, qui se tient en décembre prochain à Paris. Sénatrice UDI, elle est aujourd’hui candidate aux régionales avec Les Républicains dans les Hauts-de-Seine, sur la liste départementale du député Thierry Solère. Entretien.

Décideurs. Quel rôle peuvent jouer, selon vous, les collectivités dans les négociations climatiques de la COP21 ?

Chantal Jouanno. Malheureusement aujourd’hui, les collectivités n’ont pas un rôle de négociateur sur les questions climatiques, elles émettent simplement des déclarations. Or, l’action est aujourd’hui de plus en plus décentralisée et les collectivités sont la clé de l’action. Ce qui importe désormais, c’est qu’elles soient intégrées à part entière dans les négociations multilatérales de la COP21, qu’elles deviennent elles-mêmes des négociateurs. Les collectivités, comme les grands groupes transnationaux, ont leur mot à dire. Il faut les convier à la table des négociations.


Décideurs. Quelles sont vos ambitions pour la région Île-de-France en matière de transition énergétique ?

C. J. La région Île-de-France devrait se fixer un objectif de zéro émission carbone à horizon 2030. Cela permettrait d’établir une feuille de route, qui pourrait s’appliquer à de nombreux domaines, comme celui de la conception de l’urbanisme, le développement des énergies renouvelables ou des espaces de co-working. Une étude récente a montré que la moitié des salariés de la région parisienne était potentiellement concernée par ces espaces, qui limiterait à la fois les déplacements et les émissions de polluants. La Région pourrait financer la création de ces tiers lieux en Grande Couronne, en garantissant leur connectivité numérique. Il faut également développer tout ce qui a trait à l’innovation, en particulier dans le monde collaboratif. Notre région peut devenir leader en Europe dans ce secteur. Prenez l’exemple de la plateforme numérique LittleMarket, qui met en contact des petits producteurs et des consommateurs. Elle a été développée par deux jeunes franciliens et est un modèle de ce qui peut être réalisé en la matière.


Décideurs. Les questions environnementales vont-elles devenir déterminantes dans les élections locales ?

C. J. C’est certain et les aléas conjoncturels du prix du pétrole sont là pour nous le rappeler. Ce sont non seulement des questions de ressources, mais aussi de santé, qui ont suscité l’émergence de nombreux mouvements contestataires. Ces derniers sont malheureusement peu dans la proposition et ont abîmé l’idée de l’écologie, tandis qu’en face, les conservateurs ne veulent pas en entendre parler. Mais il est évident que ces questions vont devenir un véritable enjeu dans les élections.


Décideurs. Êtes-vous toujours favorable à un système de péage urbain en Île-de-France ?

C. J. Oui, sous une forme souple et modulable, je reste convaincue que c’est une des solutions pour réguler la qualité de l’air. Cela a d’ailleurs été pour moi l’un des points de négociation avec Valérie Pécresse (ndlr : Chantal Jouanno a rallié les équipes de la candidate LR pour les régionales en Île-de-France). Je reste également favorable à l’écotaxe pour les poids lourds en transit, ainsi qu’à la liberté d’expérimentation des péages urbains pour les collectivités qui souhaitent les mettre en place. Je proposerais également la création d’une Agence de rénovation des logements, à l’exemple de l’Agence de rénovation urbaine (Anru). La rénovation thermique des logements doit être une priorité en Île-de-France.


Décideurs. La loi sur la transition énergétique est-elle, selon vous, à la hauteur des attentes ?

C. J. Le président de la République a une position engagée et positive à l’échelle internationale sur la COP21. En revanche, à l’échelle nationale, je suis plus sceptique et critique. Certes, dans la loi sur la transition énergétique, des mesures viennent simplifier le développement et l’implantation des énergies renouvelables. Mais ce ne sont que des adaptations administratives. Il n’y a en revanche pas de grandes mesures sur la fiscalité écologique, ce qui est regrettable. Comment peut-on également dire qu’on promulgue une grande loi sur la transition énergétique, tout en réduisant le budget du ministère de l’Ecologie et de l’Ademe ?


Décideurs. Êtes-vous optimiste quant à la conclusion d’un accord mondial lors de la COP21 ?

C. J. Les négociations climatiques de Paris constitueront une avancée, mais pas une rupture. Il n’y a aujourd’hui que cinquante-six pays qui ont fait part de leurs engagements nationaux, et ils ne représentent que 60 % des émissions de gaz à effet de serre. Le point crucial des négociations climatiques, à savoir la solidarité à l’égard des pays du Sud et la mise en place du Fonds vert, n’est lui toujours pas réglé.

Par ailleurs, l’efficacité du système de négociation multilatérale instauré pour la COP21, est souvent remise en question. C’est, selon moi, un mauvais débat. De grands accords ont déjà été pris suite à des négociations multilatérales.


Décideurs. En France, une fiscalité de la pollution vous semble-t-elle possible ?

C. J. Elle est possible et souhaitable. La Banque mondiale recommande elle-même une taxe carbone au niveau international. On voit bien que les marchés du carbone, comme celui mis en place en Europe, ne fonctionnent pas. Pour ce qui est de la France, j’ai réussi à faire adopter au Sénat, à travers un amendement, l’augmentation de la contribution carbone à l’horizon 2020 et 2030, une mesure très importante.



Propos recueillis par Sophie Da Costa

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