Valérie David, directrice du développement durable chez Eiffage et élément moteur du projet Astainable, nous présente les spécifités de ce démonstrateur, un outil au service de la ville durable. Au programme, numérique, PME et made in France.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter brièvement le projet Astainable, ses forces, et son état d'avancement ?

Valérie David. Astainable est un outil numérique pionnier, basé sur une technologie issue du jeu vidéo. Cette plateforme de design urbain immerge le visiteur dans une réalité urbaine virtuelle qui incarne l'excellence de la « ville durable à la française ».

Ce projet est né en 2013, de la volonté du Gouvernement français qui le finance et l’a inscrit au sein de la démarche Vivapolis. Le groupement lauréat de cet appel à projets est composé d’Eiffage, pilote et mandataire, ainsi que d’Engie et d’Egis.

C’est la ville d'Astana, capitale du Kazakhstan (ndlr, Astainable est la contraction d'Astana et de sustainable, "soutenable" en anglais), qui a été choisie, à la fois en raison de son expansion démographique importante (+ 250% en 10 ans), de sa volonté de tendre vers un modèle urbain durable et attractif et enfin, de l’accueil de l'Exposition Internationale en 2017 sous le signe des énergies du futur.

Ce démonstrateur doit contribuer à arbitrer, en amont des investissements, les décisions structurantes les plus efficientes, dans un contexte budgétaire contraint. La philosophie d'Astainable étant de valoriser le savoir-faire français, toutes les solutions pour la ville durable proposées sont issues d'entreprises qui conçoivent, développent et produisent au sein de nos frontières.

 

Décideurs. Un des points importants du projet est la place accordée aux PME. Comment s'insèrent-elles au sein d'un groupement mené par trois firmes multinationales, ou à minima, européennes ?

V.D. Nous avons mis en place un « club industriel », qui est un large réseau regroupant, grâce à seize pôles de compétitivité, un vivier de près de 2000 entreprises impliquées dans toutes les thématiques de la ville durable ! Ce « club » nous a permis d’avoir accès à 346 solutions techniques, industrielles ou d’ingénierie, toutes matures et commercialisées, dont 60 % sont portées par des PME. Nous n'aurions jamais eu connaissance de ce foisonnement d’offres en l'absence de ces pôles, qui ont joué un double rôle de fédérateur et d’intermédiaire. Quelques exemples dans des domaines très variés :  la colonne Morris numérique proposée par Oxialive, entreprise comptant 35 salariés, basée à Arras, les solutions de dépollution douce des milieux humides porté par Phytorestore, PME de 50 salariés, ou encore les solutions de revêtement céramique, parfaitement adaptées au climat continental de la capitale kazakhstanais, proposées par Imerys, adhérente du Pôle européen de la céramique. Notons que la création de ce réseau a aussi permis les rencontres de plusieurs acteurs, qui collaborent désormais sur le marché français.

 

Décideurs. Qu'en sera-t-il lorsque l'outil sera appliqué à d'autres villes, aux caractéristiques différentes ?

V.D. La première signature de notre démarche est le respect des spécificités géographiques, historiques et sociales de chaque territoire. Ainsi, si la méthode est duplicable à d'autres villes, l'outil se transformant en fonction du génie du territoire, les résultats seront toujours différents.

J’insiste donc sur le fait qu’ils ne s’agit pas de « jolies images », même si le réalisme lié à la performance de l’outil numérique est évident. Il y a dans les coulisses un énorme travail d’experts, qui ont analysé de manière systémique les besoins du territoire et en ont tiré des scénarios pour l’énergie, les mobilités, l’eau, les déchets, la construction durable, le numérique ou la nature en ville. Ce sont ces scénarios qui ont guidé le choix des meilleures solutions françaises qui sont aujourd’hui intégrées dans le démonstrateur Astainable.


 

Décideurs. Intéressons-nous à votre parcours. Vous avez œuvré pour les institutions européennes, puis dans le milieu bancaire, avant de rejoindre le monde de la construction. C'est un parcours original !

V.D. J'ai débuté en tant que spécialiste de l'aménagement du territoire auprès de la Commission Européenne. L’Europe a été précurseur en termes de développement durable. Dès 1989, tous les projets urbains, industriels ou ruraux devaient faire la preuve de leur neutralité sociale et environnementale pour bénéficier de cofinancement européen. Cela a permis d’intégrer le réflexe social et environnemental, en particulier dans les régions qui adossaient des fonds structurels européens aux fonds publics de type "contrats de plan".

En 1999, j’ai intégré un grand groupe bancaire français pour participer à la traduction du développement durable dans la banque de détail. Pas facile… Mais je garde, avec le Crédit Foncier, un bon souvenir de la création du premier prêt de rénovation énergétique en France calculé en coût global, une révolution dans le monde bancaire français. C'était en 2006.

L'année suivante, j'ai eu la chance d’entrer chez Eiffage. Or, le monde du BTP présente, selon moi, un avantage considérable pour tout professionnel du développement durable : le caractère « physique » de ce métier, en prise directe avec le territoire, permet de constater rapidement le résultat des décisions et des actions mises en œuvre. Assez différent du monde feutré et conservateur de la banque. J'étais convaincue que  la ville durable, modèle destiné à devenir inéluctablement mondial, était une urgence écologique en même temps qu’un vivier d'opportunités. C'est pourquoi je me suis investie avec bonheur, dès mon arrivée au sein du groupe, dans le laboratoire de recherche en développement durable urbain d’Eiffage, baptisé Phosphore, qui a produit moult innovations aujourd’hui mises en œuvre par Eiffage, notamment sur l’éco quartier Smartseille, « vaisseau amiral » du groupe.

 

Propos recueillis par Boris Beltran

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