L'accord de Paris a été entériné le 12 décembre dernier et salué quasi unanimement. Trois semaines après, le succès est-il toujours total ?

Cela fait aujourd'hui plus de vingt jours que le dernier coup de marteau asséné par Laurent Fabius, ministre des Affaires Étrangères et président de la vingt-et-unième conférence mondiale sur le climat, a scellé le désormais nommé « accord de Paris », fruit de deux semaines de négociations et d'un marathon diplomatique entamé en 2013. Pour rappel, le texte, long de trente-deux pages et fort de vingt-neuf articles, affiche l'ambition de «?maintenir la hausse de la température moyenne globale bien en deçà de 2 degrés par rapport au niveau de l’ère préindustrielle?» et de «?poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5 degré?». Comme Kyoto, Paris marque un tournant dans la prise en compte des enjeux climatiques mondiaux et relègue l'échec copenhaguois au rang de mauvais souvenir. Le premier succès à souligner, c'est donc celui de la diplomatie française, dont le travail a été salué de toutes parts : réunir 195 pays autour d'un texte commun relève quasiment de la "chirurgie diplomatique", dès lors que l'on installe à une même table, face à face, une Arabie Saoudite dont l'économie est basée sur la rente pétrolière face à des Îles Marshall directement mises en péril par la montée des eaux. Le deuxième point marqué, c'est celui de l'ambition revendiquée par le texte, notamment sur deux sujets : la limitation de la hausse de la moyenne température à 1,5 degré et non 2 degrés comme attendu, et la qualification de somme « plancher » les 100 milliards de dollars d'aide financière annuelle des pays du Nord pour ceux du Sud, à partir de laquelle un nouveau montant devrait être fixé avant 2025.

 

L'accord de Paris est donc bien né, mais peut inquiéter sur sa mise en oeuvre, de par l'absence de dispositif de sanction, visant à faire respecter les engagements des États, et l'insuffisance des engagements actuels (ndlr : les engagements actuellement pris par les pays se baseraient sur une augmentation de la température à environ 3 degrés, selon le Giec). Cependant, l'acceptation d'un accord entièrement contraignant était illusoire, car il aurait été rebouté à coup sûr par le Sénat américain. Non, s'il y a bien un point sur lequel la déception est de taille, c'est au sujet du prix du carbone : « Il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils telles que les politiques nationales et la tarification du carbone », voilà la seule et maigre référence à cet outil, pourtant réclamé depuis des années par les experts et les entreprises. C'est d'autant plus dommage que selon le New Climate Energy, « plus de 1 000 grandes entreprises et investisseurs soutiennent la mise en place d’un prix du carbone et 450 l’utilisent déjà en interne dans leurs décisions d’investissements, contre 150 en 2014 ». D'autant que la mise en place d'un marché du carbone ne trouve de pertinence que si elle est opérée à l'échelle mondiale, en témoigne l'échec du système européen de quotas. « Mesdames et messieurs les diplomates qui préparez la COP21, faîtes-nous un bon accord et nous vous ferons une bonne économie à bas carbone », plaidait Antoine Frérot, P-DG de Véolia, il y a de ça un an. L'accord est indubitablement bon, mais pour l'émergence d'une société décarbonée, le doute subsiste.

 

Boris Beltran

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