Les sénateurs ont procédé ce 26 janvier au vote du projet de loi pour la biodiversité. Outre la création d'une Agence française pour la biodiversité et la ratification du protocole de Nagoya, c'est surtout l'inscription au code civil du préjudice écologique qui marque une étape.

Mardi 26 janvier 2016, Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, « salue le vote massif du Sénat ». Le palais du Luxembourg vient d'adopter en première lecture, à 263 voies pour et 32 contre, le projet de loi en faveur de la biodiversité qui doit maintenant retourner à l'Assemblée nationale en seconde lecture. Le texte a son importance, étant seulement le seconde grande loi française sur ce thème, après celle de 1976 relative à la protection de la nature. Il comprend plusieurs mesures phares, notamment la ratificatoin du protocle de Naogya sur l'accès et le partage équitable des ressources énergétiques, et la création d'une Agence française de la biodiversité, qui aura pour but « la reconquête de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique dans les territoires et rassemblera des réseaux de chercheurs et de scientifiques de haut niveau, qui pourront s’appuyer sur les agents de terrain de l’agence ». Mais la mesure la plus importante, celle qui retient à la fois l'attention des entreprises et des associations de défense de l'environnement, c'est la notion de « préjudice écologique ».

 

Qu'est-ce que le préjudice écologique ?

L'article 2 bis du projet de loi définit le préjudice écologique selon la formule suivante : « Toute personne qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer », cette réparation devant s'effectuer « prioritairement en nature ». Ce principe existait déjà, mais uniquement à travers une jurisprudence tirée de la catastrophe de l'Erika, en 1999. C'est cette dernière qui a incité le sénateur vendéen et président du groupe Les Républicains au palais du Luxembourg, Bruno Retailleau, à militer dès 2012 pour légiférer sur la responsabilité environnementale. Cependant, la mise en place d'un tel principe soulève de nombreuses problématiques que l'avocat Arnaud Gossement n'hésite pas à qualifier de « très complexes ». Comment évaluer le préjudice ? Quelles sont les conditions et les niveaux d'indemnisation ? Quel sera le délai de prescription ? Quelles instances seront compétentes ?  Il apparaît nécessaire, pour la bonne application de ce dispositif, de définir un cadre juridique clair. Pour cela, Ségolène Royal a annoncé la mise en place d’un groupe de travail, le but étant d'obtenir « un texte opérationnel et une jurisprudence stable ».

 

Les entreprises inquiètes

C'est néanmoins d'un point de vue économique que des voix ont tout de suite commencé à s'élever. En cause, l'inscription du préjudice écologique dans le code civil et donc la peur de voir s'appliquer de manière systématique et uniforme des sanctions aux entreprises, en particulier industrielles, à qui les autorités locales auraient pourtant déjà octroyé des « droits de polluer » pour leurs activités quotidiennes. Dénonçant ce risque, le Medef, par la voix de l'un de ses porte-parole, s'est toutefois défendu d'être opposé au principe du pollueur-payeur pour les entreprises. Conscient qu'un lobbying trop appuyé pourrait porter préjudice au texte lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, Bruno Retailleau a tenu à éteindre l'incendie, assurant que la loi n'aura pas vocation à s'occuper des pollutions mineures et que « seuls les préjudices les plus graves seront concernés », affirmant « qu'il s’agit au contraire d’apporter de la sécurité juridique, après qu’environ 200 jurisprudences, parfois contradictoires, aient été rendues sur la question du préjudice écologique ». Le rendez-vous est donc donné au palais Bourbon pour le dernier round, qui pourrait marquer, pour reprendre la formule du directeur général du WWF France, Pascal Canfin, « la fin de l'impunité pour les pollueurs ».

 

Boris Beltran

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