Adjoint en charge de l’urbanisme à la mairie de Paris, Jean-Louis Missika se prépare à dévoiler, avec Anne Hidalgo, maire de Paris, les noms des lauréats de “Réinventer Paris”. Une opération à succès, qui en appelle de nouvelles. Entretien.

Décideurs. Quelles sont les prochaines étapes de “Réinventer Paris” ?

Jean-Louis Missika. Les noms des lauréats des vingt-trois sites ont été dévoilés le 3 février dernier. C’est déjà un grand succès, avec une importante réflexion sur la performance des bâtiments, sur la végétalisation, sur l’agriculture urbaine ou sur l’économie circulaire. L’innovation est dans tous les projets, à tous les niveaux, notamment dans les usages des bâtiments et leur mutabilité.

 

Décideurs. Vous estimez que le potentiel de développement de la ville sous la ville est important, tout comme celui de l’axe de la Seine. Quelles réflexions poursuivez-vous sur ces deux sujets ?

J.-L. M. Nous réfléchissons à la façon dont nous pourrions traiter les sous-sols parisiens. Leur diversité est incroyable, ils représentent pour certains des volumes très importants et ils sont souvent mal exploités voire pas du tout. Cela pourra donner lieu à un “Réinventer Paris” spécifique. C’est un potentiel considérable du point de vue urbain. Dominique Perrault en a notamment fait la démonstration. Son exposition “Ground Space” révèle ce potentiel des sous-sols. De nombreux sites importants pourraient être mobilisés : des parkings, des réservoirs d’eau désaffectés, des sous-faces du périphérique, des sites ferroviaires comme des tunnels de la Petite Ceinture ou comme la gare des Gobelins qui, sous les Olympiades, représente 70 000 mètres carrés dont une très grande partie est peu exploitée. Traiter ces espaces permettrait de revaloriser la ville, d’autant plus qu’avec la limitation progressive du nombre de véhicules dans Paris, les parkings vont être de moins en moins utilisés. Tous ces lieux pourraient intéresser des secteurs tels que ceux du stockage, des data centers ou de la logistique du dernier kilomètre. “Réinventer la Seine” est aussi une réflexion que nous venons de lancer. Nous travaillons avec les maires de Rouen et du Havre, ainsi que les élus de la communauté d’agglomération de Seine Amont, de Grand Paris Seine Ouest, Est Ensemble et Plaine Commune, afin de donner une continuité territoriale et de combiner des projets de logistique, de loisirs, de culture et portuaires autour de l’axe Seine. Le projet porte sur le fleuve et ses abords, ainsi que les canaux et ce qui pourrait être réalisé au-dessus de la Seine. Nous avons associé à cette réflexion Haropa, Voies navigables de France et des agences d’urbanisme. Plusieurs sites sont déjà identifiés et des annonces seront faites en mars prochain.

 

Décideurs. Qu’attendez-vous de l’Arc de l’Innovation ?

J.-L. M. J’attends une transformation en profondeur de l’image et de la réalité des territoires sur lesquels porte l’Arc de l’innovation. J’attends également d’impulser, à travers ce projet, une dynamique nouvelle dans le secteur de l’économie de l’innovation, pour faire de Paris un hub mondial. Près de deux millions de mètres carrés de foncier peuvent être mobilisés pour accueillir l’économie de l’innovation sur ces territoires et nous constatons déjà que le terme “arc de l’innovation” est adopté par les investisseurs. Nous espérons lancer l’appel à projets en fin d’année.

 

Décideurs. Vous assurez que le quartier d’affaires mono-activité est un concept du passé. Quelle est votre vision du quartier d’affaires du futur ?

J.-L. M. Un quartier mixte ! On voit émerger une réflexion nouvelle autour du quartier d’affaires avec celui de La Défense. Il doit être connecté au quartier universitaire de Nanterre, proposer une offre hôtelière, de culture et de loisirs, mais aussi des espaces de co-working. Nous avons lancé avec Plaine Commune, La Défense et Grand Paris Seine Ouest une réflexion sur la mutation des quartiers d’affaires, avec l’Atelier international du Grand Paris et quatre cabinets d’architectes. Elle porte sur l’introduction d’une mixité dans ces quartiers d’affaires et sur la mutabilité des bâtiments. Nous espérons avoir une remise de ce rapport au printemps.

 

Décideurs. Les investisseurs privés se montrent encore frileux à lancer des projets immobiliers tertiaires dans le cadre du Grand Paris. Où se situent les blocages selon vous ?

J.-L. M. L’environnement économique et un certain attentisme de la part des investisseurs peuvent expliquer cela. Le dispositif Duflot a peut-être aussi été un message difficile à entendre. Mais la dynamique est aujourd’hui plus positive et la perspective des Jeux olympiques peut être un facteur de déclenchement. “Réinventer Paris” a aussi eu un impact international important auprès des investisseurs, tout comme l’Arc de l’innovation. Le Grand Paris Express impressionne aussi tout le monde. Maintenant, il faut délivrer. Paris commence aussi à jouer une musique différente de celle de grandes métropoles mondiales comme Londres ou Dubaï, avec des positions sur la pollution de l’air, la limitation des véhicules, et cela plaît. Notre capitale peut être un leader mondial dans tous ces domaines.

 

Décideurs. Vous êtes favorable à la tour Triangle. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce projet ?

J.-L. M. Ce qui m’a plu, c’est la façon dont la tour Triangle traite perpendiculairement le périphérique. Ce projet permet de tracer une ligne de continuité territoriale entre Paris et Issy-les-Moulineaux et de donner une orientation. Ces dernières années, des immeubles se sont élevés le long de certaines parties du périphérique, comme une muraille supplémentaire en plus de la césure créée par la circulation. Il faut lutter contre ça. Anne Hidalgo a justement lancé le programme des “Dix Portes” visant à transformer une dizaine de portes du périphérique en places du Grand Paris et à assurer une certaine continuité du bâti. Il s’agit d’aménagements de voirie ou d’urbanisme, comme la suppression du terre-plein Porte de Montreuil. Les tours seront aussi un signal de ces nouvelles centralités urbaines. L’idée n’est pas de transformer Paris en une ville d’immeubles de grande hauteur (IGH), mais d’apporter à chaque endroit une verticalité, comme les tours Duo dans la Zac Paris Rive Gauche, la tour Triangle Porte de Versailles ou le futur palais de justice à Batignolles.

 

Propos recueillis par Sophie Da Costa

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