Jamais l’hôtellerie n’a été si bousculée qu’à notre époque, sous l’effet cumulé des phénomènes Airbnb et des risques d’attentats. Mais jamais elle n’a autant attiré les investisseurs, prêts à y allouer des millions d’euros. Un paradoxe ? Non. Une tendance appelée à s’installer dans la durée.

Le 21 janvier dernier, Aviva Investors Real Estate et Algonquin annoncent la création de Primotel Europe, un fonds visant à investir d’ici 2019, 240 millions d’euros sur le marché hôtelier français et européen. Moins d’une semaine plus tard, c’est au tour d’Eurazeo Patrimoine d’annoncer la création d’une plate-forme hôtelière, suite à l’acquisition d’un portefeuille de quatre-vingt-cinq hôtels auprès d’AccorHotels. Son idée ? Racheter des hôtels murs et fonds, dans les catégories économique et milieu de gamme (lire notre entretien ci-après). L’annonce, coup sur coup, de l’arrivée de ces deux nouveaux acteurs sur le marché aurait de quoi en surprendre plus d’un. L’hôtellerie ne vit-elle pas des heures difficiles, chahutée par le phénomène Airbnb et la baisse de la fréquentation touristique résultant des attentats ? La dernière étude d’In Extenso et Deloitte confirme l’année mitigée traversée par l’hôtellerie française en 2015. « L’exercice aura été compliqué pour l’ensemble des établissements parisiens. L’hôtellerie milieu de gamme termine l’année sur un recul de 5,5 % de son RevPAR (ndlr : revenu moyen par chambre disponible), tandis que l’hôtellerie économique affiche un recul de 3,1 % en fin d’année. » Pourtant, dans le même temps, le marché français enregistre un volume d’investissement record en hôtellerie, avec 3,3 milliards d’euros signés à travers plus de quatre-vingt transactions en 2015, selon JLL Hotels & Hospitality. Parmi elles, le rachat de Louvre Hotels Group par Jin Jiang International.

 

Des boosters de rendement

Pour Gabriel Matar, P-DG de Sentinel Hospitality, c’est dans le rendement qu’il faut chercher l’explication à cet engouement.  « Dans un contexte de compression des taux de rendement de l’immobilier de bureaux, les investisseurs immobiliers cherchent à maintenir des rendements moyens supérieurs à 6 %. S’ils ne se positionnent que sur des portefeuilles hôteliers en murs, ils peuvent en attendre entre 6 et 6,5 %. En investissant dans des hôtels en murs et fonds de commerce, l’investisseur peut espérer un rendement entre 7 et 8 %, voire plus. Les actifs hôteliers deviennent ainsi des boosters de rendement au sein d’une stratégie immobilière globale », assure-t-il. En se positionnant sur des murs et fonds d’hôtels, les investisseurs ont une plus forte exposition à l’Ebitda de l’actif. La stratégie est plus risquée, mais la prime de risque, par rapport à un investissement immobilier plus traditionnel, est forcément plus intéressante. Mais Gwenola Donet, directrice France de JLL Hotels & Hospitality, voit une autre explication à cet appétit : les bons fondamentaux hôteliers et la résilience du marché de l’investissement français. « Cela tient à la diversité des acquéreurs, notamment domestiques, et à l’innovation dans les structures d’investissement. Les étrangers continuent de voir dans les destinations prime comme Paris, la Côte d’Azur et les Alpes, des valeurs sûres de plus-value et de sécurité de placement », assure-t-elle. Autant de raisons qui font tabler le conseil sur un volume d’environ 2,5 milliards d’euros en 2016. Airbnb et les risques d’attentats pourraient-ils venir assombrir ces pronostics ?

 

Risques nuancés

« Le risque des attentats n’est pas limité à Paris, il est devenu mondial. Nous apprenons à vivre dans un monde de plus en plus risqué et l’incertitude fait partie de notre avenir », lance d’emblée Gabriel Matar. À la demande de ses clients, le P-DG de Sentinel Hospitality a réalisé une étude chiffrée, basée notamment sur l’observation de l’après 7 janvier. « Mon constat est qu’il faut compter autour de six mois pour que la fréquentation hôtelière revienne à ces niveaux antérieurs », assène-t-il. Renaud Haberkorn, chief investment officer d’Eurazeo Patrimoine estime pour sa part que certaines catégories sont moins exposées que d’autres aux deux phénomènes. « Le segment économique, par ses prix, souffre moins de la concurrence de la location. Pour ce qui est du risque d’attentat, il n’est pas le même dans les villes de taille intermédiaire qu’à Paris. Notre diversification géographique nous expose de fait moins à ces événements dramatiques. » Lui, comme Gabriel Matar, parie sur la qualité des actifs pour améliorer leur fréquentation. « Le métier de l’Hospitality est avant tout celui de l’accueil, il nécessite des hôtels de qualité et des ressources humaines nombreuses et de plus en plus qualifiées », prend ainsi soin de rappeler Gabriel Matar.

 

Sophie Da Costa

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