EDF s'apprête à vivre une année mouvementée entre la chute du prix de l'électricité, la reprise d'Areva Nuclear Power ou encore le dossier de l'EPR anglais. Le point sur les perspectives de l'énergéticien français pour l'année à venir.

C'est dans le tumulte d'une actualité très agitée dans le monde de l'énergie qu'EDF a présenté son bilan annuel et ses perspectives à court et moyen termes. Alors que le titre a perdu plus de la moitié de sa valeur en un an et que le groupe a dû céder sa place au sein du CAC 40, l'entreprise a été à même de présenter un bilan salué par les professionnels de la finance : le chiffre d'affaires a crû de 2,2 %, à 75 milliards d'euros, et l'Ebitda s'est élevé à 17,6 milliards d'euros, soit une croissance de 1,9 % sur l'année écoulée. Le résultat net est de 1,2 milliard d'euros, en baisse de 68 %, principalement en raison de la dépréciation d'actifs à l'international et à l'augmentation de 800 millions d'euros du coût de Cigéo, site d'enfouissement de déchets radioactifs. Pour l'année 2016, EDF anticipe une rentabilité moindre avec un Ebitda compris entre 16,3 et 16,8 milliards d'euros. La politique de réduction des coûts lancée fin 2014 par le P-DG, Jean-Bernard Lévy, va donc être maintenue et même renforcée : après une contraction de 300 millions d'euros sur l'année écoulée, l'entreprise compte de nouveau en économiser 700 millions d'ici à 2018. Il en va de même pour le niveau d'investissement : de 12,7 milliards d'euros en 2015, l'énergéticien compte plafonner son investissement net à 10,5 milliards à l'horizon 2018. De plus, l'entreprise, dont l'État est actionnaire à hauteur de 84,9 %, a obtenu de ce dernier qu'il prenne son dividende en titre et non en cash, soit une augmentation de capital de 900 millions d'euros, un joli cadeau public pour affronter une année 2016 qui s'annonce mouvementée.

 

Le prix de l'électricité en chute libre

En effet, l'année sera celle de tous les risques pour l'opérateur historique. La grande inquiétude du moment concerne la chute des prix du mégawattheure (MWh), principalement dûe à une baisse généralisée de la consommation au niveau européen : fin 2014, ce dernier affichait un prix moyen de 42 euros. Début 2016, le MWh ne s'échange plus qu'à environ 26 euros. Face à ce que Jean-Bernard Lévy qualifie de « situation durable de surcapacité », EDF prévoit la fermeture de la moitié de ses centrales thermiques (lesquelles ont généré un cash flow négatif de 800 millions d'euros l'année dernière) d'ici 2018, soit une réduction de capacité de 5,2 GW. Ces centrales étant principalement utilisées « en pointe », c'est-à-dire lors des appels de puissance importants sur le réseau, le fournisseur prévoit d'augmenter la manoeuvrabilité de ses centrales nucléaires afin de ne pas dégrader l'approvisionnement électrique du pays. Mais ces mesures paraissent bien légères, d'autant que la récente fin des tarifs réglementés pour les entreprises est loin d'avoir fait les affaires de l'opérateur, lequel a basé son budget 2017 sur un MWh à 37 euros. On comprend mieux pourquoi EDF réclame depuis des mois au gouvernement de pouvoir appliquer les rattrapages tarifaires estimés, par la CRE (Commission de régulation de l'énergie), à 1,68 milliard d'euros à la mi-2015. Pas sûr cependant qu'une nouvelle augmentation des tarifs de l'électricité fasse les affaires de l'exécutif à seulement quinze mois du prochain scrutin présidentiel.

 

La reprise d'Areva NP, une acquisition stratégique

Le deuxième dossier phare pour 2016, en négociation depuis des mois, est celui de la reprise d'Arena NP, la division réacteurs (construction et maintenance) du « fleuron français du nucléaire ». Cette acquisition, EDF la veut avant tout stratégique. En reprenant 51 % des parts de l'ex-Framatome, pour un montant estimé à 1,3 milliard d'euros, Jean-Bernard Lévy entend rentabiliser l'investissement en optimisant le fameux « grand carénage » auquel se prépare EDF : la rénovation de cinquante-huit réacteurs nucléaires français d'ici la fin 2025, visant à augmenter leur sûreté, mais surtout à allonger la durée d'exploitation de ceux-ci. Condition sine qua non posée par le P-DG : hors de question pour EDF de supporter le risque financier lié au bourbier de l'EPR finlandais d'Olkiluoto dont la sortie du capital d'Areva est actuellement en discussion. Le dénouement devrait être connu cette année.

 

EDF, une « major du renouvelable » ?

Pour replacer l'entreprise sur le devant de la scène, la direction d'EDF met l'accent sur les exportations. Actuellement en cours de négociation, l'importance de l'investissement dans le dossier de l'EPR anglais d'Hinkley Point fait débat au sein de l'entreprise : EDF doit en effet y prendre une participation d'environ 66,5 % aux côtés de l'électricien chinois CGN, le projet étant valorisé à environ 23,7 milliards d'euros. De plus, l'éventualité d'un « Brexit » à l'été 2016 compliquerait encore un peu plus ce dossier. Dès lors, il est permis de s'interroger sur cette stratégie du « tout nucléaire », dont les débouchés peuvent paraître limités aussi bien à l'international que sur le marché domestique. La plupart des pays européens se sont fixé des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables alors que la France laisse l'atome occuper 75 % de son mix électrique. Il ne s'agit donc pas d'abandonner du jour au lendemain le nucléaire comme l'a fait l'Allemagne, l'énergie atomique semble toujours constituer un avantage comparatif de l'Hexagone sur le plan énergétique. Cependant, ne pourrait-on pas imaginer, comme l'ont appelé de leurs vœux les docteurs en économie Raphaël-Homayoun Boroumand, Stéphane Goutte et Thomas Porcher (Latribune.fr du 22 février 2016), voir EDF tenter d'occuper une place encore vacante de « major européen du renouvelable », appuyé par un État dans un rôle de stratège retrouvé ? C'est bien ce même tandem qui a fait d'EDF un fleuron industriel français et de la France un pays indépendant et compétitif sur le plan énergétique.

 

Boris Beltran

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