Bertrand Delcambre (Plan transition numérique dans le bâtiment) : « Les grands constructeurs ont bien anticipé »

Décideurs. La question du numérique dans le bâtiment se limite-t-elle à la seule maquette numérique (BIM) ?

Bertrand Delcambre. Promouvoir le BIM auprès de tous les acteurs et pour tous les projets constitue la colonne vertébrale du Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB). Cependant, la transition numérique dans laquelle notre société, et de fait ses bâtiments sont engagés, touche des champs beaucoup plus larges, aussi bien en chantier qu'en exploitation. Cela passe notamment par les capteurs et objets connectés dont sont maintenant équipés les ouvrages, ainsi que par le big data, les imprimantes 3D, la réalité virtuelle...

Décideurs. Les majors français du bâtiment semblent bien engagés dans cette transition numérique. Qu'en est-il des petites structures ?

B. D. Les grands constructeurs et bureaux d'études ont bien anticipé le mouvement et n'ont pas vraiment besoin d'un soutien des pouvoirs publics qui souhaitent éviter l'apparition d'une fracture numérique : la filière française du bâtiment compte 500 000 acteurs dont 95 % de petites structures. Le rôle du PTNB est de les accompagner dans leur transition numérique, avec pédagogie, afin que l'on avance tous ensemble et sans qu'aucune profession ne soit mise à l'écart. À l'origine du plan, à l'été 2014, ces acteurs exprimaient attentes et interrogations. Depuis, beaucoup se sont organisés et ont pris des initiatives au sein de leurs instances : j'ai plaisir à voir qu'ils ont fait le choix de la mobilisation.

Décideurs. D'aucuns considèrent que l'enjeu essentiel de la transition énergétique du bâtiment est la rénovation. Quel rôle pour le numérique?

B. D. Dès 2013, le Plan industriel rénovation énergétique des bâtiments a mis en avant le numérique comme élément clé d'accélération de la rénovation énergétique. La qualité des travaux de rénovation est directement liée à celle du diagnostic. Le BIM, associé à des outils comme les scanners 3D, permet une acquisition de données très précise. De belles opérations ont été conduites ces dernières années, comme à l'Institut du monde arabe. Jusqu'à présent réservés à des rénovations d'ampleur, ces procédés vont vite être applicables à la maison individuelle et au petit immeuble. Partout dans le monde, les expériences se multiplient et les coûts diminuent très vite.

Décideurs. La collecte et les usages des données numériques peuvent soulever des problématiques juridiques. Comment y répondre ?

B. D. L'usage du BIM pose des problématiques nouvelles, tant sur des questions de propriété, qui doivent être clarifiées, qu'en matière d'accès et de responsabilité. L'acquisition de données en exploitation, à caractère personnel, pose également des problèmes au niveau des libertés individuelles. Avec Christian Baffy, président du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, nous avons chargé Xavier Pican, avocat, d'établir un rapport, remis en janvier 2016, insistant sur la nécessité d'avancer de manière contractuelle, méthode déjà largement appliquée par les anglo-saxons.

Décideurs. Et l'« open BIM » dans tout ça ?

B. D. La maquette numérique pose inévitablement la question de l'interopérabilité entre les différents univers. Il est capital que les acteurs du bâtiment puissent s'appuyer sur des normes neutres, pérennes et internationales, afin de ne pas dépendre de formats propriétaires. Pour exemple, Bouygues Construction réunit plus de 25 000 fournisseurs et ressent, rien qu'à son échelle, un besoin de standardisation. Des travaux sont en cours au niveau international, avec notre soutien.

Propos recueillis par Boris Beltran