Plusieurs groupes de jeunes Américains ont saisi la justice, attaquant Obama et son gouvernement pour ne pas avoir respecté leurs engagements en matière de protection de l’environnement. La notion de « public trust » est invoquée et pourrait bien inspirer les jeunes générations du monde entier… très rapidement.

Depuis 2015, plusieurs groupes de jeunes Américains ont successivement attaqué Obama et son gouvernement pour manquement à leur devoir de protection vis-à-vis du changement climatique. Les plaintes ne sont pour l’instant prononcées qu’au niveau des États fédéraux mais elles devraient remonter jusqu’à la Cour suprême. Regroupés sous le nom de « 21 », ces jeunes âgés de 9 à 19 ans, sont pour la plupart originaires de l’Oregon. En août 2015, les plaignants s’estimaient victimes au profit d’intérêts économiques d’un autre groupe de citoyens, soit les représentants de l’industrie pétrolière.  Le 8 avril 2016, Thomas Coffin, juge du district fédéral de l’Oregon a déclaré leur plainte recevable. Si cette affaire n’a pas encore été très relayée dans la presse française hormis dans Le Monde (24 mai) qui a interrogé plusieurs des plaignants et recueilli leurs propos, elle a évidemment fait plus de bruit aux États-Unis. Plusieurs tribunes du New York Times ont été publiées sur le sujet, notamment par Erwin Chemerinsky, professeur de droit à Irvine (Californie). « La doctrine du " public trust ", partie intégrante de la jurisprudence américaine depuis la fondation du pays, implique que le gouvernement est  garant des ressources naturelles, gage de confiance pour les générations présentes et futures », explique-t-il. « Ces ressources incluent  l’océan, les voies navigables et l’atmosphère. » C’est en effet  cette doctrine, et donc sa violation, qui est invoquée par les « 21 ».

 

Violation de la confiance citoyenne 
 

Yvon Martinet, avocat spécialiste du droit de l’environnement au sein de DS Avocats, suit cette affaire attentivement. Il confirme que « le public trust est une notion très puissante qui a pour principe d’impliquer une confiance légitime des citoyens dans la mise en œuvre de leurs droits par l’État ». Pour lui, l’inédit de cette plainte – outre l'âge des plaignants – réside surtout dans ce public trust invoqué. « On a déjà des cas d’actions en justice en France sur l’absence de prise en considération des particules fines, ou encore des associations néerlandaises qui ont attaqué sur la non-prise en compte du réchauffement climatique. Mais celles-ci n’ont pas exprimé de manière aussi radicale la négation du principe de confiance que les citoyens peuvent avoir de leur gouvernement. »  En bref, la force de cette affaire réside dans le fait que « c'est la saisine des juges qui peut mettre l’État au pied du mur quant à ses responsabilités environnementales », selon Yvon Martinet. Même son de cloche dans le New York Times, où Kassie Siegel, directrice du Climate Law Institute, estime dans une tribune que ce sont ces actions qui seront décisives. « Même l’échec possible de la plainte vient démontrer combien le droit doit changer », argue-t-elle, se félicitant par ailleurs que le 17 mai 2016, dans le Massachusetts, la Cour suprême ait aussi donné raison à quatre adolescents qui demandaient une réglementation plus stricte des émissions.
 

 

Lucidité et solutions
 

Éric Scotto, cofondateur d'Akuo Énergie, premier producteur indépendant d'énergie propre en France, a un double regard. D’une part, parce que son groupe déploie ses solutions éoliennes aux États-Unis. D’autre part, car il a aussi coproduit le documentaire de Mélanie Laurent et Cyril Dion, Demain, dont le leitmotiv est d’explorer la planète en quête de solutions capables de changer le monde pour les générations à venir.  « Les dirigeants américains ont tout fait depuis des années pour retarder les prises de décisions concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique afin de permettre à leurs  industriels historiques du secteur de l’énergie de s’organiser. En bref, ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas ! », note-t-il. En modérant néanmoins : « Obama, contraint par un Congrès gagné par cette vision défensive et conservatrice de l’énergie, aura malgré lui sans doute été le président qui a accéléré l’émergence massive des gaz de schiste aux USA. Il a aussi permis l’autonomie énergétique de son pays grâce aux fossiles  mais à quel prix pour l’environnement et le futur de ses concitoyens ? Quatre ans de plus de perdus pour rester sous les deux degrés du réchauffement climatique, quand on sait que chaque année est si précieuse ! », ajoute-t-il. Selon lui, au vu de l’engouement que suscite le documentaire, la jeune génération va commencer à juste titre à demander des comptes aux générations précédentes qui leur ont laissé une « dette colossale, environnementale mais aussi financière ».


Pour Yvon Martinet, une telle plainte serait d’ailleurs tout à fait recevable en France. DS Avocats a engagé une initiative en recevant cette année, dans le cadre du stage de classe de troisième des collèges, une quinzaine de jeunes. Ils ont éte invités à participer à des concours d’éloquence sur des thèmes citoyens. « Plusieurs d’entre eux ont choisi la question climatique et les discours étaient excellents et parfaitement documentés », note-t-il. Cette lucidité et cette très bonne connaissance de leurs droits distinguent la génération Z qui s’annonce pleinement activiste et remontée sur ces questions. « Ce n’est ni la génération X, ni la Y… La génération Z est extrêmement consciente et impliquée. Ces jeunes interpellent les États et vont directement chercher les solutions », conclut Yvon Martinet.

 

Laetitia Sellam

 

Crédit photo : Our Children's Trust 

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