Député de l’Indre, Jean-Paul Chanteguet est le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il revient sur les défis énergétiques et environnementaux auxquels la France doit faire face.

Décideurs. Vous étiez membre du comité de pilotage de la COP21. Pour vous, l’accord de Paris a-t-il été historique ?

Jean-Paul Chanteguet. L’accord de Paris a constitué une indéniable réussite diplomatique qu’il n’était pas aisé d’obtenir, tant les positions de certaines des 196 délégations étaient opposées, entre les pays menacés de disparition du fait de la montée des eaux directement liée aux émissions de gaz à effet de serre et ceux qui souhaitent pouvoir vendre la totalité de leurs ressources d’hydrocarbures. Être parvenu à cet accord mondial donne à la communauté internationale plus de chances de prendre conscience de la nécessité d’agir via notamment les territoires, les entreprises et les citoyens, tout comme elle avait adhéré à Copenhague à l‘idée qu’il ne fallait pas dépasser les deux degrés d’augmentation de température. Mais cette diplomatie onusienne a ses limites. Elle ne débouche pas forcément sur des actions efficaces puisque, pour reprendre l’exemple de Copenhague, les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter entre 2009 et 2015. L’accord de Paris ne doit donc en aucun cas constituer un point d’arrivée mais un point de départ pour la réalisation d’une nouvelle économie bas carbone. 

 

Décideurs. Vous défendez une énergie décarbonée, quelle est votre vision de la transition énergétique française ?

J-P. C. Les objectifs de la loi de transition énergétique (LTE) sont vertueux en termes de division par deux de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 et de réduction de 75 à 50 % de la part d’électricité nucléaire en 2025. Mais dans la pratique rien ne vient étayer ces ambitions. Il semble au contraire que le modèle énergétique français continue à s’organiser autour de l’électricité nucléaire, dont on maintient le niveau à 63,2 gigawatts, et de son système très centralisé de production et de distribution, accompagné d’une gouvernance inchangée. Les efforts à faire pour rendre les bâtiments passifs ou même producteurs d’énergie, instaurer des transports propres  ou encore développer les énergies renouvelables ne sont pas à la hauteur. Demain la France, au lieu d’être le pays de l’excellence environnementale, risque bien de se retrouver en retard non seulement par rapport à la Chine mais aussi au sein de l’Union européenne.

 

Les objectifs de la loi de transition énergétique sont vertueux, mais dans la pratique rien ne vient étayer ces ambitions 

 

Décideurs. La loi sur la biodiversité est actuellement en deuxième lecture à l’Assemblée nationale [ndlr, elle a été votée le 16 mars]. C’est la première grande loi environnementale depuis celle de 1976. Quelles sont vos principales attentes à ce sujet ?

J-P. C. En premier lieu, la loi permettra la ratification par la France du protocole de Nagoya et la mise en œuvre du mécanisme d’accès et de partage des avantages (APA). C’est une avancée essentielle, puisqu’il s’agit d’aller vers plus d’équité et de sécurité juridique dans l’utilisation des ressources génétiques. Ensuite, l’une de mes principales attentes porte sur l’interdiction de l’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits. Nous ne sommes plus en la matière dans l’application du principe de précaution mais confrontés à notre responsabilité d’élus, qui devons prendre une décision conforme à l’intérêt général. Plusieurs centaines d’études scientifiques, réalisées dans le monde entier, démontrent la responsabilité des molécules néonicotinoïdes dans la disparition des colonies d’abeilles et de pollinisateurs sauvages mais aussi dans la mortalité d’invertébrés aquatiques et terrestres, de poissons, d’amphibiens, d’oiseaux et au final dans la mise en danger de la santé humaine. Économiquement, au-delà de la survie de la filière apicole, ce sont les services écosystémiques vitaux qui sont en jeu. Cette interdiction d’utilisation de ces produits, tout à fait compatible avec la législation européenne, permettra de  développer et de renforcer les solutions alternatives de lutte contre les ravageurs.

 

Décideurs. Est-ce que l’Agence française pour la biodiversité (AFB) sera l’agence que l’environnement attendait ? 

J-P. C. L’AFB doit permettre à notre pays d’atteindre les différents objectifs fixés par la stratégie nationale pour la biodiversité. Son action devra s’appuyer sur les différents acteurs économiques et citoyens. Le débat reste cependant ouvert sur son périmètre et ses moyens humains et financiers. La question de l’éventuelle intégration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) reste aujourd’hui posée.

 

Propos recueillis par Stéphanie Eulalie

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