Logement, transports, emploi… Dans un grand nombre de domaines, et de manière historique, la Caisse des dépôts œuvre au service des territoires et de leur développement économique. Deux ans après sa nomination, le directeur général du groupe, Pierre-René Lemas, explique ici les chantiers en cours et les priorités de l’institution publique.

Décideurs. Votre institution  a depuis ses origines un lien très fort avec les collectivités territoriales. En avril dernier, vous avez annoncé un investissement de 26 milliards d’euros en leur faveur. Quels sont vos chantiers prioritaires ?
Pierre-René Lemas. La relance de l’investissement constitue l’une des priorités majeures du groupe. C’est une condition essentielle de la reprise. Pour la soutenir, la Caisse des dépôts mobilise toute la palette de ses outils. Parmi ceux-ci, l’investissement en fonds propres est particulièrement important car c’est celui qui a le plus grand effet levier. Levier financier, car nos interventions permettent d’initier des tours de table, de les crédibiliser. Levier opérationnel, car cet investissement permet de réaliser des projets risqués, innovants, qui ne sont plus finançables par des outils classiques de dette. Comme vous le mentionnez, des moyens financiers significatifs ont été alloués, puisqu’ils représentent 2,5 milliards d’euros sur cinq ans pour la CDC. Compte tenu de l’effet de levier anticipé, un volume d’investissements total de 26 milliards d’euros sera engagé dans le secteur du tourisme, du logement, des infrastructures de transport ainsi que pour la couverture du territoire en très haut débit. Mais avant d’être des projets d’investissement, ce sont des projets qu’il faut faire naitre, accompagner et structurer en ingénierie et en financement. C’est toute la mission de la CDC en partenariat avec les grands groupes industriels au besoin.

 

Décideurs. L’aménagement du territoire est aussi numérique. Où en êtes-vous dans ce domaine ? P-R. L. La Caisse des dépôts entretient une relation historique avec le déploiement des réseaux et des télécommunications dans notre pays. Quoi de plus normal ? Les grands réseaux se sont toujours développés grâce à une coopération entre le secteur privé, industriel et financier et le secteur public, État et collectivités locales, quelle qu’en soit la forme juridique. Et la Caisse des dépôts est, par excellence, l’instrument d’intérêt général qui fait le pont entre le public et le privé. La transition numérique est l’un des quatre grands caps que j’ai fixé pour les années à venir. Elle est aujourd’hui très active, en articulation avec l’État et son plan France très haut débit. Notre action a  permis à ce jour le déploiement de plus de 20 600 km de fibre optique. Et ce sont plus de un millions de clients - toutes technologies confondues - qui sont desservis par un réseau d’initiative publique soutenu par la Caisse des dépôts. Nous travaillons actuellement sur une trentaine de projets très haut débit et nous venons d’ailleurs d’en finaliser un dans le Calvados.

 

Décideurs. Comment la CDC se projette-t-elle par rapport au développement des smart cities?
P-R. L. Le groupe se fixe comme ambition de devenir le partenaire de référence des villes et territoires intelligents. Avec nos filiales, nous sommes en première ligne pour soutenir le développement des infrastructures, de l’économie numérique et de l’écosystème FrenchTech, via notre filiale Bpifrance. Dans le secteur du logement et de l’immobilier, la SNI développe une place de marché pour les locataires de logements sociaux  et Egis assoit sa position de leader français dans le domaine du BIM. Icade crée une offre innovante de bureaux de proximité pour les PME couplée à des services numériques. Dans le secteur du transport, Transdev a lancé de nouveaux services de covoiturage et de taxis partagés et a créé la Transdev Digital Factory, tandis que la SCET se positionne sur le stationnement intelligent. Mais nous souhaitons aller maintenant plus loin pour mener le projet fédérateur de développement des smart-cities. Nous avons initié un groupe de travail piloté par deux jeunes collaborateurs. Après une  première phase d'analyse des pratiques actuelles des collectivités, nous nous sommes appuyés sur les idées issues d’un  « brainstorming » organisé avec les responsables des différentes entités. Dans le cadre de la candidature de Paris aux JO,  le futur village olympique pourra être un « démonstrateur » des savoir-faire du groupe en matière de ville intelligente.

 

Décideurs. Vous avez évoqué un laboratoire d’ingénierie financière au service des élus locaux. Pouvez-vous expliciter ?
P-R. L. J’ai voulu que la CDC redevienne la Caisse des dépôts de tous les territoires. C’est elle qui incarne ce  laboratoire. Pour cela, elle s’est réorganisée en interne en devenant l’opérateur de la transition à l’œuvre dans le pays, qu’elle soit numérique, écologique, démographique et surtout territoriale. Au niveau national, nous avons renouvelé notre convention avec les associations d’élus locaux, l’association des maires de France (AMF)  et France urbaine.  L’ambition est de devenir encore davantage un partenaire de long terme de toutes les communes et de  mobiliser l’ensemble des savoir-faire de notre groupe - ingénierie, prêts, investissements en fonds propres - au service des projets territoriaux, avec les métropoles, les régions, les départements et dorénavant  les nouvelles intercommunalités.  Nous avons également créé, en partenariat avec l’AMF une offre spécifique pour redynamiser les centres bourgs - communes de moins de 10 000 habitants - et les centres villes -communes comprises entre 20 000 et 100 000 habitants - présentant des signes manifestes de fragilité. Notre volonté est de réussir à inverser ces tendances, en agissant en même temps sur le foncier, l’habitat, la mobilité, les commerces, les connexions…. C’est là que se joue aussi la structuration des territoires. Nous proposons aussi des solutions aux élus pour optimiser la gestion du patrimoine immobilier et mettre en place une gestion pluriannuelle des investissements ou encore accompagner la gestion d’un service public local ou d’un équipement. Enfin, nous avons élargi l’offre de notre service d’information Mairie-conseils à l’ensemble des communes de moins de 10 000 habitants et aux intercommunalités. D’ici la fin de l’année, nous rendrons ces services encore plus facilement accessibles, grâce à une plate-forme numérique. Tous ces outils composent une offre globale toujours en mouvement et constituent ce fameux laboratoire.
 

 

Propos recueillis par Laetitia Sellam

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