Après dix ans d’absence à l’international, le groupe Eiffage entreprend avec succès sa reconquête du continent. Retour sur la stratégie du groupe en Afrique et les défis à venir.

Décideurs. Comment se caractérise la présence d’Eiffage en Afrique ?

Christian Combes. Elle est historique et remonte aux travaux du port de Dakar en 1925, menés par la société Fougerolle, membre du groupe. Il s’agit d’une entreprise très africaine, qui a réalisé de grands projets sur l’ensemble du continent, parmi lesquels l’emblématique Transgabonais, chemin de fer de 669 kilomètres traversant le Gabon.

Au début des années 2000, il y a eu une période de coupure avec la fermeture de l’ensemble des opérations africaines  ̶  hormis celles du Sénégal  ̶ , à la suite d’une offre publique d’achat hostile au groupe.

Après un changement de direction générale, nous sommes aujourd’hui dans une phase de relance de notre présence à l’international et ciblons particulièrement l’Afrique.

Nous avons gagné notre premier contrat hors Sénégal en 2013, le projet du port de Lomé. En 2014, nous nous sommes vu confier l’assainissement de Brazzaville, de Lomé ainsi que le projet du pont Kamoro à Madagascar. En 2015-2016, d’autres projets ont été lancés tels que l’extension du port de Freetown, le centre d’enfouissement technique de Lomé ou encore les passerelles d’Angola.

Notre retour sur le continent est à la fois raisonné et déterminé, et a pour but de reprendre notre place au sein du concert des entreprises françaises installées en Afrique.

Nous couvrons l’ensemble des régions grâce à nos bureaux de représentation régionale et notre activité très diversifiée. Ils existent trois branches différentes au sein d’Eiffage : infrastructure, construction et énergie. Chaque branche dispose de sa propre stratégie mais cela ne nous empêche pas de travailler en synergie. Par exemple, dans un projet de barrage, les équipes énergie et infrastructures sont conjointement mobilisées. Cette approche multi-branche est un important avantage concurrentiel.  

Quelles sont vos ambitions sur le continent ?

Nous sommes dans une phase de démarrage avec une croissance extrêmement rapide. Notre chiffre d’affaire a été multiplié par six entre 2014 et 2017. Eiffage souhaite se développer en Afrique tout en gardant la maîtrise de sa croissance. Cela impose d’être extrêmement sélectifs en matière de projets afin que les moyens humains, techniques et matériels d’Eiffage, qui peuvent parfois être limités, soit affectés en priorité à des projets viables avec de bonnes chances de réussite.

Nous ne misons pas sur une croissance en volume mais sur une croissance de qualité. Le respect des délais, une qualité d’offre très approfondie et une maîtrise totale des risques permettent à Eiffage de maintenir ses standards de qualité sur le continent.

Quelques grands projets sont à venir : la réhabilitation du pont Houphouët-Boigny et un barrage de 45 mégawatts (MW) en Côte d’Ivoire, une centrale hydroélectrique de 200 MW à Madagascar ainsi qu’une station de dessalement à Djibouti.

Quels sont les défis que l’Afrique de demain devra relever en matière d’infrastructures ?

Il existe déjà un déficit important en matière d’infrastructures d’énergie et de celles connexes à l’urbanisation telles que les transports urbains ou encore les centres de traitement d’eau ou de déchets.

D’ici une dizaine d’années, le taux d’urbanisation du continent va passer de 40 % à 60 %, avec 900 millions d’habitants en plus. Les conséquences de ce boom démographique, dans une Afrique faiblement équipée et peu préparée, seront colossales.

Il y aura un besoin monstre d’infrastructures de transport, notamment portuaires, d’énergie et d’infrastructures globales. Par exemple, seuls 28 % des Africains sont connectés au réseau : il faudra assurer leur connexion ainsi que celle des nouveaux arrivants. La poussée d’une classe moyenne tendra, elle aussi, à faire croître les besoins. Pour Eiffage, l’Afrique sera un véritable relais de croissance.

Comment Eiffage s’intègre-t-il dans le tissu local africain ?

Je suis un fervent défenseur de l’africanisation de nos ressources locales en ce qui concerne l’encadrement, la sous-traitance et le partenariat. Il s’agit d’un facteur de compétitivité important mais aussi d’une nécessité culturelle et économique pour que le développement du continent soit inclusif.

Lorsque l’on discute d’un projet avec un gouvernement, être imprégné dans le tissu local est un réel avantage car cela signifie des retombées économiques pour les entreprises locales. Nous tenons à être un employeur modèle et à avoir une politique qui permette à Eiffage de se fondre dans l'environnement africain pour réussir son retour sur le continent.

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