Alors que les modalités du Brexit n’ont toujours pas été arrêtées, les mouvements d’entreprises, eux, vont bon train depuis 2016. De quoi dessiner une cartographie des villes européennes qui bénéficient des déboires anglais.

Les bailleurs londoniens se désespèrent, ceux des autres grandes métropoles européennes se frottent les mains. Le flou total qui persiste autour du Brexit à moins de trois mois de la date butoir du 29 mars suite au rejet, le 15 janvier, par le Parlement britannique de l’accord de divorce négocié entre Theresa May et l’Union européenne, pourrait amener de nouveaux transferts de collaborateurs vers le Vieux Continent.

Knight Frank note une intensification du phénomène depuis 2016. Le conseil immobilier a ainsi recensé cinq mouvements (annoncés, effectifs ou potentiels) l’année où les Anglais ont décidé de sortir de l’UE, 82 en 2017 et 155 en 2018.

Ruée sur Dublin et le Luxembourg

Dans le détail ville par ville, Dublin apparaît comme la grande gagnante. La capitale irlandaise totalise en effet 60 du total des mouvements. Dans son étude « Brexit under Pressure » publiée en octobre dernier, Knight Frank mettait en avant le cadre réglementaire et fiscal particulièrement attractif de Dublin, son expertise dans le domaine de la gestion de fonds et sa proximité culturelle avec le Royaume-Uni pour expliquer ce fort pouvoir d’attraction. Outre les entreprises de la finance, le conseil immobilier s’attend également à voir des entreprises technologiques choisir l’Irlande pour s’implanter en raison du Brexit.

Sur le continent, Luxembourg concentre pour sa part 43 mouvements. Outre des qualités communes avec Dublin en matière de fiscalité et de gestion de fonds, la capitale du Grand-Duché propose les salaires moyens les plus élevés de l’OCDE, offre une grande stabilité politique et bénéficie d’une position géographique centrale. Des arguments qui font mouche auprès des asset managers et des assureurs.

Paris et Francfort au coude à coude

Francfort se classe sur la troisième marche du podium établi par Knight Frank avec 34 mouvements, soit un de plus que Paris. Parmi les dossiers les plus marquants en France, Bank of America a pris à bail fin 2017 environ 10 000 m² au 49-51 rue La Boétie dans le 8e arrondissement, l’assureur Chubb occupe une partie de la tour Carpe Diem à La Défense depuis le 1er janvier et l’Autorité bancaire européenne va installer son siège sur 5 300 m² dans la tour Europlaza du quartier d’affaires à compter d’avril prochain pour une période de neuf ans. Le statut de ville monde, la proximité géographique avec Londres, l’importance du secteur financier et les retombées positives de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 ont joué en faveur de la capitale française selon Knight Frank.

« Compte tenu des mouvements recensés, nous estimons qu’environ 3 000 emplois seront créés à Paris suite au Brexit, souligne Philippe Perello, CEO de Knight Frank France. Cela ne représenterait que 50 000 à 60 000 m² de bureaux placés sur deux à trois ans selon les prévisions les plus optimistes. L’impact sur le marché locatif francilien sera donc limité. Le vrai gain sera pour l’attractivité de Paris. »

Le reste de l'Europe... et Londres

Amsterdam complète le top 5 avec 24 mouvements identifiés par les équipes du conseil immobilier. La capitale des Pays-Bas a notamment damé le pion à Lille pour la relocalisation de l’Agence européenne du médicament. Viennent ensuite Madrid (10), prisée pour l’accès qu’elle offre aux marchés d’Amérique latine selon Knight Frank, et d’autres villes qui bénéficieront de quelques mouvements comme Bruxelles (5).

« Certaines entreprises favorisent la formation d’un système européen multipolaire en dispersant dans plusieurs villes leurs relocalisations ou créations d’emplois, comme JP Morgan et Citigroup à Paris, Luxembourg, Francfort, Dublin, Amsterdam ou Madrid, notent les auteurs de l’étude « Brexit under Pressure ». Un tel « saupoudrage » conduit nécessairement à relativiser l’idée d’un affaiblissement de Londres au profit d’une autre place financière européenne. »

Justement, le marché locatif londonien ne pâtit pas du Brexit pour le moment. « Selon les dernières estimations de notre bureau londonien, la demande placée de bureaux dans le périmètre de Central London [ndlr : West End, City et Docklands] a atteint 1,35 million de m² en 2018, soit son plus haut niveau depuis 2014, révèle Philippe Perello. Nos équipes locales pensent que la dynamique se poursuivra en 2019. » Reste tout de même à connaître le dénouement des négociations autour du Brexit pour s’en assurer.

François Perrigault (@fperrigault)

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